Un arrêté paru au Journal officiel du 17 janvier indique les objectifs à atteindre en termes de rénovation énergétique pour les bureaux, les locaux d?enseignement et les sites logistiques.
C’est, en ce moment, l’un des casse-tête des parties prenantes de l’immobilier tertiaire existant, propriétaires, locataires ou exploitants d’immeubles : la préparation de la première étape, fixée en 2030, de réduction de 40 % des consommations des bâtiments existants.
Cette obligation réglementaire désigné officiellement sous le nom de dispositif « Éco Énergie Tertiaire » - plus communément appelé « décret tertiaire » -, a été défini par l’article 175 de la loi ELAN (loi portant Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique).
Le décret n° 2019-771 paru le 23 juillet 2019 (1) en précisait le champ et les conditions d’application. Ainsi, ce texte précise que l’ensemble des bâtiments tertiaires existants de plus de 1 000 m² réduiront leurs consommations d’énergie de -60 % d’ici 2050.
La mesure est progressive : -40 % en 2030, -50 % en 2040, -60 % en 2050. Plus de la moitié du parc est concerné : 550 millions de m² sur près de 1 milliard de m² construits. Seuls sont exclus les constructions provisoires, les lieux de culte et les bâtiments de défense et de sécurité. Le chantier est colossal et inédit.
Mise en application du décret en avril 2020
Au printemps dernier, l’arrêté du 10 avril 2020(2) a précisé la mise en application du décret : consommation de référence, objectifs à terme, conditions de modulation des objectifs (climat, usages, architecture, technique…), mise en place de la plateforme numérique de recueil et de suivi dite OPERAT (Observatoire de la Performance Énergétique, de la Rénovation et des Actions du Tertiaire) gérée par l’Ademe(3).
Dans un webinaire organisé le 15 janvier dernier par le bureau d’études Citae, une filiale de BTP Consultants, Eric Chatelin, expert thermique chez Citae, précisait la démarche pour respecter les exigences de cette nouvelle réglementation
« Il s’agit de déterminer d’abord, les objectifs à atteindre aux échéances réglementaires de 2030, 2040 et 2050 ; puis de dresser l’état des lieux du parc existant en distinguant, d’une part, les postes ou sites à potentiel d’économie d’énergie important, d’autre part, les modulations possibles des objectifs en fonction des contraintes ; enfin , mettre en place un plan d’action pour le premier objectif décennal de 2030. » On le voit, ce sujet demande une méthodologie et une ingénierie spécifiques.
Des données pour alimenter OPERAT avant septembre prochain
Tout ceux concernés par ce texte s’investissent actuellement dans une première étape de travail très délicate et chronophage : définir le périmètre des sites – par exemple, des locaux tertiaires au sein d’une installation industrielle – et préciser l’année de référence à partir de laquelle sera calculé la réduction de consommation d’énergie, puis déposer ces données dans la base de données OPERAT avant le 30 septembre prochain.
Cependant, une pièce manquait encore au puzzle pour permettre aux propriétaires, locataires ou exploitants d’avancer : quels seuils sont fixés en fonction des activités. Très attendu – il avait été mis en consultation jusqu’en octobre dernier –, cet arrêté est paru au Journal officiel du 17 janvier dernier (4)– sa signature est datée du 24 novembre dernier.
Outre les objectifs exprimés en valeurs absolues (le Cabs pour « consommation en valeurs absolues »), ce texte modifie aussi l’arrêté du 10 avril 2020. En particulier, il indique aussi clairement qu’en raison de la crise sanitaire, l’année 2020 ne pourra pas être retenue comme année de référence du calcul – elle sera donc choisie entre 2010 et 2019 –, ni même au titre des consommations d’énergie..
Trois secteurs tertiaires définis
L’annexe 2 de cet arrêté du 24 novembre précise en premier lieu le mode de calcul des niveaux de consommation finale en valeurs absolue, dite Cabs – que l’on peut assimiler à la consommation maximale ou Cmax dans la réglementation sur la construction neuve.
Ce Cabs additionne les consommations relatives au chauffage, à la climatisation et à la ventilation, dite CVC, et les consommations liées aux usages spécifique de l’énergie, dite USE, qui prend en compte la conception architecturale du site, les systèmes, l’utilisation du site tant en termes de surface que de durée…
En second lieu, cette annexe 2 fournit les valeurs seuils de trois secteurs tertiaires pour l’échéance de 2030 : les bureaux et services publics, l’enseignement et la logistique. Les responsables de patrimoines disposent désormais des tableaux d’indications demandés d’une bonne densité de calcul détaillés.
La partie sur les bureaux et services publics est la plus détaillée. À ce sujet, cet arrêté rappelle que le secteur tertiaire se définit négativement : est tertiaire tout ce qui n’appartient pas au secteur primaire (agriculture, élevage, forêts…) et au secteur industriel. Cependant, l’arrêté précise que cette partie est sensée intéresser toutes les activités portant les codes NAF (nomenclature d’activités françaises) des divisions 01 à 96… sur 99.
Trois types de bureaux définis
Trois types de bureaux sont définis : les bureaux standards cloisonnés, les open space, et les flex office. La structure de ces tableaux – comme ceux des catégories suivantes – reprend les grands classiques des calculs thermiques : zone climatique (de H1a à H3 et les situations ultramarines) et l’altitude de la construction pour la partie CVC ; une composante USE basée sur un niveau dit « USE étalon » à moduler selon les critères d’occupation (3 120 heures ouvrées maximum par an), de surface par poste...
Les fiches sur les locaux d’enseignement sont plus simples. Elles distinguent cependant les consommations en fonction des niveaux d’enseignement – de la maternelle au lycée, en passant par l’enseignement professionnel… Si les valeurs de consommation CVC sont semblables de fiche en fiche, en revanche, les valeurs USE étalon sont modifiées : 35 kWh/m².an en lycée professionnel contre 15 kWh/m².an en salle multi-activité des écoles primaires…
Très logiquement, les fiches relatives aux entrepôts logistiques abandonnent toutes valeurs relatives au CVC pour considérer que toutes les consommations passent sous la valeur USE. De même, la « densité temporelle étalon » considère que ces locaux fonctionnent en permanence, soit 8 760 h/an. Le calcul applicable aux entrepôts de réfrigération et de congélation tient compte du nombre d’ouvertures des portes…
Tout pour rédiger le dossier technique
Ce dernier arrêté fournit par ailleurs une foule de document indispensable pour rédiger un document important dans le cadre : le dossier technique. Livrable jusqu’en septembre 2026, ce document a pour objet de préciser les modulations de contrainte que peut revendiquer le site pour diverses raisons : techniques, architecturales ou patrimoniales, voire le changement d’activité, l’évolution du volume d’activité ainsi que la disproportion des coûts des actions de performance au regard du retour sur investissement…
S’il recouvre un intérêt important quant aux économies d’énergie qui seront générées, ce dispositif Éco Énergie Tertiaire constitue cependant un énorme marché d’ingénierie, de mesurage des données techniques et de consommation et d’aide à la maîtrise d’ouvrage.
De nombreuses structures s’engagent dans ce marché à long terme. Pour autant, comme il était souligné lors du webinaire organisé par Citae, l’obligation réglementaire est associée à une contrainte faible. Le responsable d’un site qui s’y soustrairait n’encourt qu’une amende de 7 500 €.
1. Voir le Journal officiel du 23 juillet 2019 (https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000038815368/2019-07-31/)
2. voir le Journal officiel du 3 mai 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000041842389).
3. https://operat.ademe.fr/#/public/accueil
4. Voir le Journal officiel du 17 janvier 2021 (https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=Liw289pOQhZyem6XgFjnQJ2zOEMPNS_l_Q0i6YubOeI=)
Source : batirama.com/ Bernard Reinteau