Les conditions de production des CEE sont modifiées. Les bonifications ? Coups de Pouce et CEE précarité ? sont sévèrement rabotées. Les six fiches les plus génératrices de CEE seront revues en 2022.
Dans un précédent article, nous expliquions que l’obligation sur la nouvelle période de 4 ans – 2022 – 2025, dite 5e période - augmente à 2400 TWh cumac, soit 600 TWh cumac/an, au lieu de 533 TWh cumac/an au cours de la 4e période.
Selon Sonergia, les acteurs du marché des CEE sont surpris par cette valeur. Ils s’attendaient à une exigence plus importante, de l’ordre de 3000 TWh cumac. Les 2400 TWh cumac indiqués dans les deux textes soumis à enquête publique représentent la demande de CEE pour les 5 années à venir. Dans le détail, ces deux textes modifient profondément la production des CEE. C’est-à-dire l’offre, pour la Ve période.
Le mécanisme des CEE fonctionne bien
Dans sa Lettre d’information « Certificats d’économies d’énergie » de janvier 2021, le Ministère de la transition écologique dresse le bilan 2021 de la production des CEE.
La lettre indique en effet que « l’année 2020 a connu un record de dépôt et de délivrance de CEE. L’objectif théorique quadriennal de la quatrième période est atteint à plus de 75% fin 2020 au regard des CEE déposés. Le rythme de dépôt s’est fortement accéléré. Il est en moyenne de 52 TWhc par mois en 2020, mais de 75 TWhc par mois en moyenne au dernier trimestre ».
Il existe deux sortes de CEE. Les CEE dits « classiques » sont obtenus en industrie, agriculture, transport, réseaux de chaleur, ainsi qu’auprès de ménages ni précaires, ni très précaires. Les CEE « précarité » sont produits en réalisant des opérations d’économie d’énergie chez des ménages précaires et très précaires.
Depuis le début du dispositif des CEE, 1951 TWh cumac CEE classiques ont été produits. Le stock de demandes en cours sur les CEE classiques s’élève à 114 TWh cumac au 1er janvier 2021. Depuis leur apparition en 2016, 708 TWh de CEE précarité ont été délivrés et 155 TWh de CEE précarité sont en cours d’instruction.
Six fiches d’opérations standardisées représentent 63,88% des CEE classiques + précarité délivrés entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020. Il s’agit des fiches :
- BAR-EN-101 Isolation de combles ou de toitures,
- BAR-EN-103 Isolation d’un plancher,
- IND-UT-117 Système de récupération de chaleur sur un groupe de production de froid,
- BAR-EN-102 Isolation des murs,
- BAR-TH-160 Isolation d’un réseau hydraulique de chauffage ou d’eau chaude sanitaire,
- BAR-EQ-111 Lampe à LED de Classe A+, remplacée par Lampe de Classe A++ depuis le 1er octobre 2017.
Ces fiches seront révisées en 2022. On ne sait pas dans quel sens : moins ou plus de CEE ? Si la quantité de CEE alloués pour chacune de ces fiches baissait, il faudra donc réaliser plus de chantiers pour atteindre la même production de CEE.
La septième fiche – BAR-TH-106 chaudière individuelle à haute performance énergétique – ne représente que 4,64% des CEE délivrés depuis 2018. Et la huitième fiche – BAR-TH-104 pompe à chaleur de type air/eau ou eau/eau – n’atteint que 3,82%.
Rabotage des « Coup de Pouce » et des bonifications chez les ménages précaires
Mais, observe le gouvernement, 42% des CEE produits en 2020 bénéficient de bonifications, à travers le dispositif des Coup de Pouce, d’une part ; grâce aux CEE « précarité, d’autre part. Les CEE sont en effet multipliés par deux pour devenir des CEE précarité. De plus, au dernier trimestre 2020, les CEE précarité ont représenté 50% du total des CEE délivrés.
Le gouvernement propose donc, pour la 5e période, de limiter la contribution des CEE à 25% du total des CEE produits.
Dans le même temps, les deux textes mis en consultation publique prévoient une réduction des bonifications issues des Coup de Pouce. Tout d’abord, le Coup de Pouce Isolation serait stoppé au 30 juin 2021. Ce qui soulève déjà bien des questions. Cela ne veut pas dire que l’isolation ne sera plus soutenue financièrement par les CEE, elle ne sera plus bonifée.
Dans le cadre du « Coup de Pouce Chauffage », les textes en consultation proposent un arrêt dès mi-2021 de l’aide au remplacement des émetteurs électriques et à la substitution gaz/gaz.
L’offensive anti-gaz se poursuit
L’activité née du remplacement des émetteurs électriques est relativement modeste. Du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020, 7 447 travaux ont été engagés, 5 540 travaux ont été terminés, 2 127 incitations financières ont été versées pour un total de 1 128 237 €.
En revanche, 361 371 chaudières gaz anciennes ont été remplacées entre janvier 2019 et décembre 2020, dont 56 618 par des pompes à chaleur, mais 304 753 par des chaudières gaz THPE (Très Haute Performance Energétique, à condensation pour résumer).
De plus, dans le cadre du Coup de Pouce Chauffage, le remplacement du charbon et du fioul par du gaz, ne sera pas prolongé.
Après la RE2020, l’offensive anti-gaz tous azimuts du gouvernement se poursuit donc en rénovation. Les chaudières gaz ne sont pas interdites, mais leur mise en place ne sera plus aidée financièrement. De plus, les distributeurs de gaz voient leur obligations CEE croître de 83% : n’en jetez plus !
Toutes ces restrictions pourraient bien conduire à une réduction des volumes de vente du gaz.
Les Coup de Pouce rénovation globale sont prolongés
Le Coup de Pouce Chauffage, en ce qui concerne l’installation d’énergies renouvelables, de poêles à bois et de conduits de fumées, continuerait jusqu’en juin 2025.
Selon le Ministère de la transition écologique, de janvier 2019 à décembre 2020, 9024 chaudières charbon ont été remplacées par 430 chaudières gaz et, surtout, par 8 594 pompes à chaleur. Au cours de la même période, 193 466 chaudières fioul ont été remplacée par 168 633 pompes à chaleur (87,2%) et par 24 833 chaudières gaz (12,8%)
Les textes en consultation proposent aussi de ne pas prolonger les Coup de Pouce raccordement à un réseau de chauffage urbain. Mais les Coup de Pouce Tertiaire et rénovation globale en maison individuelle et en logement collectif seront prolongés jusqu’à la fin de la 5e période.
Enfin, le Coup de pouce thermostat avec régulation performante ne sera pas prolongé. Il faut avouer que ce coup de pouce n’est pas vraiment un succès. De juin à décembre 2020, seulement 1 137 travaux ont été engagés à ce titre, 637 achevés, 3 incitations financières versés pour un montant total de 510 € seulement.
Comment accéder au marché des CEE
Il existe un marché des CEE. La demande vient des obligés. Elle est fixée à 2400 TWh cumac pour la totalité de la 5e période. Pour remplir leurs obligations et satisfaire leurs demandes, les obligés peuvent :
- inciter les consommateurs à investir dans des équipements économes en énergie et obtenir en échange des CEE,
- faire appel au marché et y acheter des CEE,
- investir financièrement dans des programmes éligibles et recevoir en contrepartie des CEE,
- choisir de déléguer, partiellement ou entièrement, leur obligation à une structure tierce, appelée délégataire, lequel devient obligé à la place du déléguant, et dispose des mêmes droits et obligations qu’un obligé.
Des risques de tension sur les prix des CEE
L’offre est, pour l’instant, principalement constituée des CEE récoltés, avant tout par les délégataires et les agrégateurs de CEE comme effy, hellio, Sonergia, …
Ces derniers vérifient – plus ou moins bien pour l’instant, mais les textes proposés les obligeront à le faire plus attentivement - les travaux effectués et la réalité des économies chez les particuliers, les agriculteurs, les industriels, etc. Ensuite, ils transmettent leurs demandes de CEE au service du Ministère chargé de l’énergie, aujourd’hui le Ministère de la transition écologique, qui leur alloue les CEE. Ces acteurs revendent ensuite les CEE aux obligés.
De l’avis de plusieurs délégataires, en raison de la réduction ou de la suppression de divers mécanismes de bonification, il leur faudra faire davantage d’efforts pour récolter la même quantité de CEE qu’auparavant. Ce qui risque de modifier l’équilibre du marché et d’introduire une tension sur les prix des CEE.
Il nous faut maintenant attendre la publication du décret et de l’arrêté définitifs sur la 5ème période des CEE, puis la révision des six principales fiches standardisées pour mesurer exactement les effets des modifications qui seront appliquées.
Source : batirama.com / Pascal Poggi