Secouée par sa mise à l?écart dans la RE 2020, la filière gaz met en avant ses avancées pour rester dans la compétition du bâtiment décarboné : le biogaz et l?hydrogène. Focus sur le biogaz...
Innogaz, Coénove et BDR Thermea ont animé une visio-conférence mi-février pour faire le point sur l’avancement de la fourniture d’hydrogène. Cette molécule doit servir à l’alimentation en énergie des chaudières gaz.
Pour sa part, Claude Freyd, responsable de l’innovation et de la réglementation au sein de BDR Thermea (qui rassemble les marques De Dietrich Thermique, Baxi, Chappée, et Remeha), a fait un retour d’expériences de la chaudière 100 % hydrogène présentée au marché mi-2019 par le groupe européen. Il a aussi dressé le panorama des initiatives menées pour promouvoir l’hydrogène comme source d’énergie décarbonée.
Dans le contexte de l’évolution réglementaire de la construction, centrée sur la réglementation environnementale (RE) 2020, cette prise de parole s’apparente fortement à un appel. Car le projet de texte présenté fin novembre 2020 prévoit l’abandon du gaz dans les nouvelles constructions à très brève échéance : dès son application en maisons individuelles, le plafond d’émissions annuelles de carbone de 4 kg est inatteignable ; au plus tard en 2024 dans le collectif.
Un assouplissement des mesures lors de l’entrée en application de la RE2020
Ce 18 février, le ministère de la Transition énergétique a cependant annoncé un assouplissement de ces mesures lors de l’entrée en application du texte au 1er janvier 2022.
En maison individuelle, le gaz sera exceptionnellement admis comme énergie d’un projet de construction pour un permis de construire déposé avant le 31 décembre 2023 sous réserve qu’un « permis d’aménager prévoyant une desserte en gaz a déjà été délivré pour la parcelle ».
Le trimestre de « concertation à l’envers » qui s’est tenu depuis la présentation de la RE 2020 en novembre dernier a été un peu plus favorable au résidentiel collectif. La raison tient au fait qu’actuellement 75 % des projets immeubles se voient prescrire le chauffage au gaz.
Ainsi, de 2022 à 2025, le plafond des émissions annuelles de carbone est calé à 14 kg. À partir de 2026, le niveau d’émissions autorisées retombe à 6,5 kg/m²/an. Ce qui devrait permettre de placer des solutions hybrides : par exemple, chaudière haute performance en relève de pompe à chaleur.
On le voit, le poids carbone de la molécule de gaz naturel (234 g/kWh) semble avoir plombé cette énergie fossile. Son image de souplesse d’emploi et de confort cultivée depuis la fin des années 50 s’est estompée.
Trouver un nouvel élan avec le biogaz et l’hydrogène
Pourtant, depuis une dizaine d’années, l’ambition des gaziers se concentre autour de deux points d’ancrage pour sauver cette énergie : le biogaz et l’hydrogène. Le développement de ces deux sources d’énergie est parfaitement cohérent.
Ces nouveaux combustibles permettent de viser le verdissement partiel, voire complet à long terme, de l’énergie gaz. Surtout, la filière gazière dispose, d’une part, d’une infrastructure de transport relativement dense, et d’autre part, d’un réseau d’installateurs relativement nombreux et formés. Des arguments économiques et sociaux qui devraient tout autant compter que ceux environnementaux.
Côté biogaz ou biométhane, l’idée est d’exploiter la méthanisation des masses de fermentescibles qui, inéluctablement, finiraient en décharge et émettraient des gaz à effet de serre.
Par fermentescibles, on désigne tous les matières organiques telles que les fumiers d’élevages, les déchets de l’industrie agro-alimentaires, la partie organique des déchets ménagers qui mérite qu’on la sorte soit des décharges, soit des volumes à enfourner dans les incinérateurs.
Lancée depuis une dizaine d’années, la production de biométhane décolle depuis 2015 et a atteint 500 GWh (PCS) au troisième trimestre 2020. Ainsi, pour une capacité annuelle de production de 3 TWh, le volume de gaz injecté au cours de l’année 2020 s’est élevé à 1,5 TWh.
172 installations de méthanisation en activité en septembre 2020
Fin septembre 2020, quelque 172 installations de méthanisation étaient en activité. Ce nombre augmente régulièrement : il y en a eu 31 nouvelles en 2019, 49 en 2020. Pour atteindre le niveau de 6 TWh annuel en 2023 comme proposé dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – 14 à 22 TWh/an en 2028, la loi de transition énergétique de 2015 fixant un volume de 10 % de gaz vert en 2030 –, la filière dispose d’un volume important de projets : il était de pratiquement 1 150 en septembre 2020, soit une capacité maximale de production de près de 26 TWh/an.
Cependant, les données suivies par les services statistiques du ministère de la Transition énergétique soulignent une baisse de 80 % des projets, tant en nombre qu’en production potentielle. De fait, les ambitions des acteurs du gaz, tel le distributeur GRDF qui revendique pouvoir un objectif de 30 % de gaz vert en 2030, pourraient être contrariées par un manque de production pour atteindre ce palier.
Pour autant, le biométhane est aujourd’hui introduit dans le réseau de gaz naturel par 181 points d’injection : 23 sur les réseaux de transport (GRTGaz et autres), 158 sur le réseau de distribution (GrDF...).
Les atouts du biométhane au regard des émissions de gaz à effet de serre
Quel est l’intérêt d’un biométhane au regard des émissions de gaz à effet de serre ? En premier lieu, ce combustible d’origine « renouvelable » se substitue à sa version fossile. En deuxième lieu, les émissions liées à la dégradation des matières organiques sont déplacées lors de la combustion.
De fait, le poids carbone du biogaz est établi à 23,4 g/kWh, exactement dix fois moins que sa version fossile… Troisièmement, les développeurs présentent aussi cette opportunité comme un moyen de créer de nouvelles activités, pour les agriculteurs essentiellement.
Pour leur part, les représentants du ministère de la Transition énergétique disent publiquement soutenir le développement du biogaz, tout en indiquant que conformément à la stratégie nationale bas carbone (SNBC), les consommations ont vocation à baisser. En 2019, la consommation de gaz naturel en France s’est établi à 450 TWh…
Les quantités injectées ne sont donc que de 0,3 % des besoins, un niveau insuffisant pour faire baisser le poids carbone du gaz transporté. Pour atteindre les 100 % de gaz vert promis avant la fin du siècle par les meilleurs plans de développement, les efforts devront donc être très importants...
Article à suivre : l’hydrogène passe au power-to-gas
Source : batirama.com/ Bernard Reinteau