Rénovation énergétique : la mission Sichel mise sur l’accompagnement des ménages

La mission Sichel propose des accompagnateurs de rénovation lors des opérations de plus de 5000 euros ainsi qu'un « prêt avance mutation » pour inciter à la rénovation.

Mise sur pied le 29 décembre dernier, la mission confiée par les ministères de l’Économie et de la Transition écologique à Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires, vient de présenter ses propositions pour massifier la rénovation énergétique et en augmenter la performance.

 

Dans le « Rapport pour une réhabilitation énergétique massive simple et inclusive des logements privés » (1) remis le 17 mars, deux mesures phares ressortent : développer l’accompagnement des propriétaires et réduire le reste à charge.

 

Donner de l’efficacité aux soutiens

 

Comment faire des rénovations thermiques un véritable succès? Cela fait plus d’une dizaine d’années que les gouvernements et les administrations des ministères de l’Économie et la Construction se battent pour transformer les montagnes d’aides, crédits d’impôts, prêts à taux zéro et certificats d’économie d’énergie (5,8 Mds€ en 2020) en résultats tangibles.

 

Certes, les résultats montrent une amélioration, mais celle-ci est quasiment marginale. Les acteurs ont été littéralement saisis d’abattement lorsqu’en 2018 l’Ademe a sorti son étude Trémi (Travaux de rénovation énergétiques en maisons individuelles) (2) : les statistiques de 2017 révélaient qu’un tiers des maisons avaient alors fait l’objet de travaux de rénovation – petits et gros –, et trois quarts des ces opérations aidées ne faisaient pas bouger la construction d’une classe d’étiquette DPE «énergie».

 

Un quasi-aveu d’échec quand le chantier vise à résorber 4,8 millions de passoires énergétiques en 10 ans. Soit, chaque année, 290?000 maisons individuelles et 190 000 appartements dans quelque 9500 copropriétés aux consommations supérieures à 330 kWh/m².an – ce, selon le nouveau standard DPE, c’est-à-dire, exprimées en énergie finale et non en énergie primaire…

 

Rénovation globale et accompagnement obligatoire

 

Pour les rédacteurs du rapport, le problème principal est celui de l’envergure des chantiers de rénovation. Si le financement est important, dans les faits, selon un rapport du Haut Conseil pour le climat de 2020, « seules 0,2 % des rénovations sur le résidentiel et le tertiaire seraient des rénovations globales satisfaisant aux critères BBC sur la période 2012-2016. »

 

La « task force » réunie par Olivier Sichel (une cinquantaine de personnalités) pose le problème : « Comment massifier en partant du ménage lui-même ? Comment lever systématiquement et avec la plus grande efficacité, les freins identifiés dans son parcours de rénovation? »

 

Ce groupe de réflexion présente sa démarche dès l’introduction du rapport : « L’objectif […] est donc de proposer des solutions pour faciliter un maximum de passages à l’acte, ce qui implique que le parcours soit simple, que les interlocuteurs du ménage soient identifiés et certifiés pour assurer de leur fiabilité, et que les financements existent également pour les personnes non solvables.?»

 

Les trois leviers d’actions proposés par le rapport Sichel

 

Le rapport Sichel propose donc de « lever les freins existants, embarquer un maximum d’acteurs au service de la réhabilitation massive des logements, et massifier les passages à l’acte » en proposant trois leviers d’actions :

 

 

 

 

Ce parcours est revendiqué par ce rapport comme étant universel, inclusif – il s’adresse à toutes les typologies de ménages, dans les zones tendues ou non – et simplifié.

 

Un tiers de confiance pour sécuriser le parcours de rénovation

 

Le groupe de réflexion propose la création d’un acteur global d’accompagnement, dit « MonAccompagnateurRénov », qui sécurisera le parcours du propriétaire auprès des parties prenantes de la rénovation. À ce titre il portera aussi la responsabilité de la qualité de la rénovation globale qui sera menée.

 

Qui pourra être accompagnateur ? Ce seront des personnes issues des services publics, comme les services Faire en lien avec l’Ademe, ou de structures privées et sélectionnées par agrément des services de l’État sur la base d’un cahier des charges.

 

Les recrutements pourront s’effectuer au niveau national, par exemple sur la base d’appel à manifestation d’intérêt (AMI), et au niveau local, soit par des appels à manifestation d’intérêt de niveau régional, soit par le déploiement de services publics régionaux. Le pilotage de cette mise en place serait confié à l’Anah (Agence nationale de l’amélioration de l’habitat.

 

Recherche accompagnateurs de rénovations

 

Trois catégories d’accompagnateurs sont proposées : accompagnateur simple avec ou sans maîtrise d’œuvre ; accompagnateur contractant général ; accompagnateur financeur.

 

Pour quel accompagnement ? Celui-ci serait obligatoire pour toute rénovation d’un montant de plus de 5 000 € de travaux ; en outre, il conditionnera l’accès aux aides publics. La prestation sera importante. Elle prévoit le diagnostic et le conseil, l’assistance à maîtrise d’ouvrage, le rôle d’intermédiaire pour obtenir les financements nationaux et locaux, la réalisation d’un plan de financement, le suivi et la garantie des travaux avec un contrôle final.

 

Au titre du conseil, le rapport souligne : tout « accompagnateur Rénov » agréé sera tenu de proposer au minimum un scénario de travaux de niveau BBC et un scénario dégradé (notamment en cas de contraintes techniques ou financières qui ne permettent pas d’envisager une réhabilitation BBC). Dans ce dernier cas, le projet intègrera l’objectif BBC, « et ne pourra descendre au-dessous d’un seuil minimum de gain énergétique porté progressivement à 55 % » ou une étiquette énergétique C.

 

Qui paie l’accompagnateur ? Le rapport indique clairement qu’il est systématiquement financé par les aides publiques. Le montant, selon le niveau de ressources du ménage et de l’ambition de la rénovation, est proposé entre 1 200 et 2 200 €. Sur une trajectoire de 15 ans pour réduire les passoires énergétiques, son montant est estimé à 370 M€ par an.

 

Rénovez, vous êtes cernés !

 

En complément de l’accompagnement, le rapport Sichel reprend aussi une mesure qui avait été mise en avant par la Convention citoyenne pour le climat : l’incitation à la rénovation lors des mutations.

 

Il est proposé de rendre l’audit énergétique obligatoire au moment de la mutation, avec paiement par le vendeur et reprise par l’acquéreur ; cette disposition pourrait être modulée en fonction de la tension du marché.

 

Autre suggestion : les annonces immobilières pourraient afficher le montant des travaux nécessaires pour atteindre un niveau BBC. De même, l’acquéreur d’une passoire thermique pourrait être mis en relation avec un accompagnateur lors de la mutation. Enfin, le rapport propose que les banques sensibilisent les demandeurs de prêts immobiliers à la rénovation énergétique.

 

Dossier numérique : le retour

 

Pour suivre le parcours de rénovation énergétique, la mission Sichel promeut la création d’un service digital spécifique sous le nom de MonServiceRénov. Entièrement digitalisé, accessible via tous les outils numériques (ordinateur, smartphone, tablettes), il permettra aux propriétaires, accompagnateurs et entreprises d’échanger sur la base d’un dossier par affaire. Il est indiqué, dans le rapport comme un moyen de massifier les chantiers et de sécurisation des circuits financiers entre les parties prenantes.

 

On se souvient qu’au début des années 2010, ce projet de dossier numérique du bâtiment, porté par le Plan Bâtiment Durable – initialement maladroitement nommé « carte vitale du logement » – avait achoppé pour des raisons de complexité et de confidentialité des informations stockées.

 

Fluidifier les aides

 

Point d’achoppement depuis plus d’une dizaine d’années, le problème du financement est approfondi dans ce rapport. Ce dernier expose deux solutions : étendre l’avance des aides et moduler – voire déplafonner – les aides aux travaux.

 

Actuellement limitée, l’avance des aides, jugée comme un argument déclencheur de chantier, pourrait être prise en charge par l’Anah qui ajouterait les financements par certificats d’économie d’énergie à ses solutions Habiter Mieux Sérénité.

 

Il est même évoqué d’embarquer les aides locales. De manière plus technique, pour les propriétaires de maisons individuelles, les aides pourraient être modulées pour assurer un reste à charge beaucoup plus faible, notamment pour l’atteinte des niveaux C ou BBC (voir les tableaux).

 

En revoyant les aides et les plafonds, le reste à charge pour un ménage modeste qui se lancerait dans un chantier de rénovation pour atteindre un niveau BBC (basse consommation) passerait de 17 000 € aujourd’hui à quelque 2 300 € (1 300 € en appartement).

 

Les simulations menées par le DHUP (direction de l’habitat, de l’urbanisme et du paysage) au ministère de la Transition écologique indiquent qu’une option portant sur deux tiers des passoires thermiques rénovés en BBC et un tiers en étiquette C coûterait 147 Mds€ (environ 10 Mds€ sur 15 ans).

 

D’autres solutions sont évoquées dans le rapport pour fluidifier le financement : délivrer les EcoPTZ via des sociétés de tiers-fiancement, augmenter les EcoPTZ pour les ménages aux ressources modestes et très modestes : passer de 30 000 à 50 000 €.

 

Un prêt avance mutation

 

Il reste cependant à régler le cas plus spécifique des restes à charge d’un montant plus élevé qui constitue encore un motif de frein à la rénovation. La task force fixe le seuil à 5 000 €.

 

Pour ce faire, la mission Sichel évoque un « Prêt avance mutation + ». Adaptation du prêt viager hypothéquaire créé en 2006 et reprise du « Prêt avance mutation » contenu dans la loi de transition énergétique de 2015 – très peu utilisé –, il serait d’un coût moins élevé qu’un prêt hypothécaire classique. Porté par la Caisse des Dépôts et proposé par des banques commerciales par l’intermédiaire des accompagnateurs, son remboursement interviendrait à la mutation, que ce soit une vente ou une transmission.

 

Ce nouveau projet de relance de la rénovation énergétique des logements s’appuie très clairement sur un constat d’échec des tentatives précédentes et de paupérisation importante des ménages. Sa mise en œuvre demandera encore de nombreux aménagements législatifs et techniques.

 

1- Télécharger le rapport ici

 

2- https://www.ademe.fr/travaux-renovation-energetique-maisons-individuelles-enquete-tremi

 

 

Tableau 1 : Taux de reste à charge actuel pour la rénovation des passoires en fonction des revenus des ménages et de l’ambition de la rénovation

 

Rénovation d’une passoire vers… Maisons individuelles Logement collectif
Très modeste (Q1) Modeste (Q2) Intermédiaire (Q3 et Q4) Supérieurs (Q5)
BBC 37 % 50 % 63 % 76 % 34 %
C 29 % 41 % 55 % 69 % 69 %
55 % 31 % 41 % 58 % 75 % 65 %

Source : Rapport pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés », Olivier Sichel, mars 2021, page 29.

 

 

Tableau 2 : Maquette de taux de reste à charge en fonction des revenus des ménages et de l’ambition de la rénovation

 

Ambiton Très modeste (Q1) Modeste (Q2) Intermédiaire (Q3 et Q4) Supérieurs (Q5)
BBC 5 % 15 % 40 % 60 %
C 10 % 20 % 50 % 70 %
55 % 15 % 30 % 60 % 80 %

Source : Rapport pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés », Olivier Sichel, mars 2021, page 30.


Source : batirama.com/ Bernard Reinteau

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