La maîtrise de l?énergie dans les bâtiments existants est une véritable aubaine pour toute la profession : 30 millions de logements diffus à rénover. Le marché est considérable? Pour faire face, la profession va devoir se réorganiser.
La France s’est engagée depuis quelques années dans une politique de réduction des gaz à effet de serre et d’amélioration des performances énergétiques des constructions neuves. Mais il lui manquait des exigences du même ordre pour encadrer les travaux réalisés dans les bâtiments existants. Une lacune partiellement comblée avec l’arrêté du 3 mai 2007 (paru au Journal Officiel du 17 mai) pris en application du décret du 19 mars 2007 qui fixe les caractéristiques énergétiques et les performances thermiques du parc immobilier existant.
31 millions de logements à rénover
Les pouvoirs publics se sont, en effet, aperçu que pour respecter les engagements pris à la suite de la loi Énergie du 13 juillet 2005 (loi POPE) fixant un objectif de division par 4 des émissions de CO2 avant 2050, réglementer les constructions neuves ne suffirait pas ! Les bâtiments existants, soit environ 31 millions de logements représentant plus de 2 milliards de m2 contre 850 millions de m2 dans le tertiaire, constituent le plus grand gisement de réduction des émissions de gaz à effet de serre : à eux seuls, ces deux secteurs sont responsables de 22 % des émissions nationales de CO2 et consomment 45 % de l’énergie finale soit environ 2 tonnes de CO2 par habitant et par an !
Pour tous les bâtiments de moins de 1 000 m2
Depuis le 1er novembre 2007, le premier volet de cette nouvelle réglementation dite “Élément par Élément” (REPE) s’applique donc à tous les bâtiments d’une surface hors œuvre nette (Shon) inférieure à 1 000 m2(1). Cette appellation signifie que ces exigences sont obligatoires même lors d’une rénovation partielle, concernant, par exemple, des travaux d’isolation, dans un premier temps, puis le changement des fenêtres, dans un second temps et, par la suite encore, le remplacement d’une chaudière… Aucun calcul thermique global du bâtiment n’est imposé. Seules sont définies des performances minimales pour chaque équipement, produit ou système installé ou remplacé : les parois opaques et vitrées, les systèmes de chauffage, de production d’eau chaude, de refroidissement, de ventilation, etc.
Le recours aux climatisateurs limité
Dans le même temps, cette réglementation limite, voire interdit depuis le 1er juillet 2007, le recours aux climatiseurs lorsque la température intérieure n’excède pas les 26°C (2). Reste à savoir comment des contrôles vont pouvoir être mis en place… Qui sait, par exemple, qu’une autre loi française préconise déjà de ne pas chauffer à plus de 19°C ? Une preuve de plus que les campagnes d’information et de communication auprès des professionnels comme du public (locataires et propriétaires) vont jouer un rôle important dans la mise en place de la réglementation.
Source : batirama.com / Virginie Bourguet
(1) Un deuxième volet applicable depuis le 1er avril 2008 concerne les bâtiments existant dont la Shon est supérieure à 1.000m2 et qui font l’objet de travaux de rénovation dont le coût est supérieur à 25% du coût (théorique, fixé par arrêté) du Bâtiment.
(2) Sauf en cas de contraintes liées à l’usage et imposant des conditions particulières de température, d’hygrométrie ou de qualité de l’air comme dans les hôpitaux, les maisons de retraites, les locaux informatiques…
♦ Les bâtiments situés dans les départements d’Outre-mer ;
♦ Les bâtiments n’utilisant pas d’énergie pour réguler la température intérieure?;
♦ Les bâtiments ayant une surface hors œuvre nette inférieure à 50 m2 ;
♦ Les constructions provisoires prévues pour une durée d’utilisation de moins de 2 ans ;
♦ Les constructions classées Monuments historiques si les travaux envisagés ont pour effet de modifier leur caractère ou leur apparence ;
♦ Les constructions à usage de culte, agricole, artisanal ou industriel ou tout autre local ne servant pas d’habitation et ne demandant qu’une faible quantité d’énergie pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire.
Quelles incitations financières ?
• Les aides financières se multiplient : certaines banques proposent aujourd’hui un Livret de Développement Durable (ancien Codevi) ou des micros-crédits pour les ménages les plus modestes ; l’Anah*, l’Ademe et les collectivités territoriales octroient également des subventions pour certains travaux
• Un crédit d’impôt est accordé par l’État (applicable pour le moment jusqu’en 2009) pour l’acquisition de matériel portant sur les technologies d’amélioration (isolation thermique, vitrages, régulation et programmation, pompe à chaleur, équipements utilisant les ENR, solaire ou bois…) : l’aide devrait atteindre les 2,4 milliards en 2008 ! À terme, ce crédit d’impôt, dont les seuils d’éligibilité viennent encore d’être renforcés en novembre 2007 (voir encadré), pourrait d’ailleurs être élargi aux bailleurs, résidences secondaires et au coût de la main d’œuvre en ce qui concerne les travaux d’isolation…
• D’autres mesures ont également été envisagées comme l’obligation d’une rénovation énergétique au moment des transactions immobilières pour les logements de classe G sur l’échelle du DPE… À chacun, désormais, de bien informer son client sur les aides financières, le retour sur investissement, et d’utiliser à bon escient les nouveaux outils informatiques (voir encadré d’expert) proposés par la Capeb, la FFB ou encore par Promodul pour faire un point concret sur l’état énergétique de son habitation. * Agence nationale de l’habitat
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Pour atteindre l’objectif de 50?kwh/m²/an en 2050, un vaste de plan de formation à destination des artisans du bâtiment doit être engagé.
Explications de Jean-Marie Carton.
Dans un premier temps, le développement durable dans l’existant va passer par une réorganisation de la profession avec la mise en place d’un réseau d’offre global. Les divers corps d’état vont devoir se décloisonner et se mutualiser afin de pouvoir partager leurs compétences, leurs habilitations voire leurs assurances pour travailler en réseau pluri-professionnel. Chaque professionnel restera responsable de son lot mais devra également être capable de repérer les besoins du client, d’effectuer une évaluation afin de le conseiller même hors de son domaine de compétence pour pouvoir au final lui proposer une solution de travaux complète avant éventuellement de passer le relais à ses collègues des autres corps d’état pour effectuer les travaux n’entrant pas dans son lot. Les différents métiers du bâtiment ne vont pas avoir d’autres solutions que d’ « être bons ensemble ». Les artisans devront, outre la formation propre à leur spécificité, suivre une formation plus globale et tournée vers l’efficience thermique afin d’être en mesure de proposer toutes les techniques d’énergies renouvelables qui existent déjà. Bien entendu, cette réorganisation ne peut se faire sans la mise en place de modules de formation. La Capeb, comme la FFB, a donc mis en place, sous l’égide de l’ATEE (Association Technique Energie Environnement), des opérations de formation financées par les principaux fournisseurs d’énergie en contrepartie de CEE, Certificats d’économie d’énergie. Un autre objectif est de donner aux professionnels, des outils d’accompagnement pour leur permettre d’évaluer les besoins du bâtiment à rénover et ainsi mieux convaincre le client. Ces outils se présentent sous la forme de logiciels (CAP Energy ou Cube) qui, sur la base d’un descriptif précis, vont permettre de choisir les travaux à réaliser en priorité et les matériaux à mettre en œuvre en tenant compte notamment du mode de vie des habitants (1). Enfin, dernière nouveauté, depuis le 4 avril dernier, la Capeb propose à ses adhérents un label “Eco Artisan”, une marque de qualité qui identifie un conseiller indépendant en efficacité énergétique et thermique.
* Président de l’Una CPC, Union nationale artisanale couverture plomberie chauffage de la Capeb
(1) L’association Promodul offre également aux professionnels le logiciel “Boîtes à outils”.De son côté, la FFB propose aussi un logiciel élaboré par le Costic.À noter que l’utilisation de ces outils multimétiers, comme pour ceux proposés par la Capeb, suppose une formation préalable dispensée par chacun des organismes concernés.
Lexique
• BATIMENT A ENERGIE POSITIVE (BEPOS) Il s’agit d’un bâtiment qui produit plus d’énergie qu’il ne consomme?: il utilise des énergies renouvelables pour le chauffage, l’ECS et l’électricité et l’énergie produite peut être revendue.
• BATIMENT BASSE CONSOMMATION ENERGETIQUE La consommation d’énergie, pour le chauffage, le refroidissement, la production d’ECS, éclairages, auxiliaires (sauf électricité locale) doit être inférieure à 50 kWh/m2/an (à moduler selon les zones climatiques). Cela correspond au niveau A de l’étiquette du DPE.
• LE NIVEAU TPH ENR suppose un gain de consommation d’énergie de 30?% par rapport à la consommation d’énergie conventionnelle et le recours aux énergies renouvelables
• LABEL THPE (très haute performance énergétique). Il impose une consommation inférieure d’au moins 20?% à la consommation de référence. La consommation d’énergie pour le chauffage, le refroidissement et la production d’ECS doit être inférieure d’au moins 20?% au coefficient maximal.
• LABEL HPE Ce label Haute performance énergétique, réglementé mais non obligatoire, suppose une consommation conventionnelle d’énergie inférieure d’au moins 10 % à la consommation définie par la RT 2005
• RT 2005
La Réglementation thermique 2005, applicable à tous les permis de construire déposés depuis le 1er septembre 2006, doit permettre de réduire la facture énergétique d’au moins 15 % par rapport au type de maison construire selon la RT 2000. La recherche de performance à atteindre porte à la fois sur la conception bioclimatique sur le bâti et sur les équipements techniques.
Cette réglementation vous paraît-elle adaptée aux enjeux ?
La Réglementation s’applique élément par élément, n’est-ce pas dommage ?
On peut regretter que pour les bâtiments de moins de 1 000 m2, il ne soit pas exigé de performance énergétique globale : il n’est pas optimal d’intervenir sur un équipement avant d’intervenir sur le bâti lui-même. La DGUHC (2) nous explique que l’important dans un premier temps était de ne pas décourager les rénovations partielles mieux adaptées aux moyens financiers des ménages. Pour mettre à niveau un logement existant, les estimations de coût se situent entre 170 à 400 €/m2 selon l’éventail des travaux à réaliser et les technologies utilisées. Cela va représenter d’ici 2050, date butoir pour répondre à l’objectif “facteur 4” à un quasi doublement de leur investissement (15 à 30 000 € par ménage) ! Évidemment, cet investissement sera contrebalancé par des économies d’exploitation.
Quelle est la principale limite de cette réglementation ?
La principale limite concerne l’absence de mesure contraignante : la RT Existant ne rend obligatoire aucun travaux et ne s’applique que si un propriétaire ou un locataire désire entamer la rénovation de son logement ou d’un de ses équipements. Cependant, l’essentiel a été fait : amorcer le mouvement afin que tous les professionnels adoptent de nouveaux comportements et de nouveaux modes constructifs qui devraient conduire à la disparition des produits ou équipements techniques obsolètes en termes de performance énergétique. »
(1) Président du Club de l’Amélioration de l’Habitat
(2) Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction
CARACTERISTIQUES DES EQUIPEMENTS DONNANT DROIT AU CREDIT D'IMPOT
MATERIAUX D'ISOLATION THERMIQUE DES PAROIS OPAQUES
| CARACTERISTIQUES ET PERFORMANCES
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Plancher bas sur sous-sol, sur vide-sanitaire Mur en façade ou en pignon | R ≥ 2.8 m²K/W | ||
Plancher de combles, rampant de toiture, plafond de combles | R ≥ 5 m²K/W | ||
Toiture-terrasse | R ≥ 3 m²K/W | ||
MATERIAUX D'ISOLATION THERMIQUE DES PAROIS VITREES
|
CARACTERISTIQUES ET PERFORMANCES
| ||
Exigences au 01/01/2008 | Exigences au 01/01/2009 | ||
Fenêtre ou porte-fenêtre | PVC | Uw ≤ 1.6 W/m²K | 1.4 W/m²K |
Bois | Uw ≤ 1.8 W/m²K | 1.6 W/m²K | |
Métalliques | Uw ≤ 2 W/m²K | 1.8 W/m²K | |
Vitrage à isolation renforcée | Ug ≤ 1.5 W/m²K | ||
POMPES A CHALEUR POUR LA PRODUCTION D'EAU CHAUDE
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CARACTERISTIQUES ET PERFORMANCES
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PAC géothermique et air/eau(1) | COP (2) ≥ 3.3 | ||
PAC air/air (1) | COP ≥ 3.3 | ||
(1) Selon les dispositions des arrêtés du 12/12/2005 et du 13/11/2007 (2) Coefficient de performance |