À la veille du vote de la Loi Climat et Résilience à l?Assemblée Nationale, une bonne vingtaine d?articles concernent le monde du bâtiment et le développement des énergies renouvelable.
A la fin des débats en première lecture à l’Assemblée Nationale, la Loi Climat et Résilience contient 7 Titres et 75 articles, contre 6 Titres et 69 articles dans le projet de loi soumis par le gouvernement au Parlement en Février dernier. Le texte de loi doit encore passer au Sénat,en juin, puis éventuellement par une Commission Mixte Paritaire, rassemblant sénateurs et députés, si la version du Sénat diffère de celle de l’Assemblée Nationale, avant un vote définitif à l’Assemblé à l’automne.
Le texte sur lequel l’assemblée votera le 5 Mai contient tout de même 146 pages. Comme le souligne le Ministère de la Transition écologique, cette loi englobe tous les aspects de la transition énergétique, depuis l’alimentation jusqu’à la publicité. Voici ceux qui concernent l’énergie et le bâtiment.
Interdiction de la publicité en faveur des énergies fossiles
Dans le Titre 1 « consommer », Art. 4 et 5, les députés ont interdit la publicité sur les énergies fossiles : le gaz naturel, le fioul, les carburants issus du pétrole. Engie et les autres distributeurs seront donc cantonnés à des publicités sur le biogaz, le gaz vert, etc. Ces deux articles font aussi du Greenwashing une pratique commerciale trompeuse avec des sanctions renforcées.
Trois arbres sur un bâtiment neuf, est-ce du greenwashing ? La définition précise interviendra par la voie réglementaire. Il ne sera plus possible de dire qu’un produit – un immeuble neuf, par exemple – est neutre en carbone, sans le prouver.
Dans le même Titre, l’article 1er prévoit un « écoscore », une étiquette environnementale montrant l’impact des produits et services achetés par les ménages et les entreprises. Ce chantier est très vaste et commencera par le développement de méthodes d’évaluation de l’impact environnemental de toutes les familles de produits et de services. L’écoscore commencera par les produits textiles, mais il a vocation, très progressivement, à être étendu à tous les produits et à tous les services : le chauffage collectif, la maintenance et le facility management, etc.
Tirer un meilleur parti de la commande publique
La commande publique, rappelle le ministère de la Transition écologique, c’est 8% du PIB et 800 milliards d’euros chaque année. Le Titre II « Produire et travailler » et son Art. 15 rendent obligatoire l’ajout de clauses environnementales dans les marchés publics – clauses techniques, conditions d’exécution, etc. – et l’acheteur public sera tenu de prendre en compte cette vertitude dans sa décision. C’est une brèche verte dans la muraille du moins disant.
L’article 22 du Titre II prévoit que les objectifs de la PPE (Planification Pluri-annuelle de l’Energie) seront ventilés par région. Les schémas régionaux de développement durable et d’égalité des territoires – les fameux Sraddet – fixeront donc des objectifs de développement des énergies renouvelables et de récupération.
Toujours à propos d’énergie, l’Art.23 prévoit que lors de la prochaine PPE, théoriquement celle de 204-2028, un volet sera consacré au développement des communautés citoyennes d’énergies renouvelables, afin de multiplier les sources locales d’énergie renouvelable et décarbonée, de mutualiser les coûts à l’échelle locale.
L’Art.24 modifie la Loi Energie et Climat en étendant l’obligation d’installer des systèmes de production d’énergie renouvelable ou des toitures végétalisées sur les surfaces commerciales et les entrepôts dès 500 m² de création de surface, contre 1000 m² aujourd’hui. Cet article étend également le champ de cette obligation aux extensions de bâtiments, aux rénovations lourdes qui touchent à la structure du bâtiment, aux constructions destinées au commerce de gros et aux immeubles de bureaux de plus de 1 000 m². En ce qui concerne les bureaux, les 1000 m² se rapportent bien à la surface du bâtiment et non à la surface de sa toiture.
Lutte contre la pollution atmosphérique
Plusieurs dispositions ont pour but de réduire la pollution atmosphérique. Pour commercer, dans le Titre III « Se déplacer », l’Art. 27 rend obligatoire la mise en place de zones à faibles émissions-mobilités (ZFE-m) pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici le 31 décembre 2024.
En plus, dans les 10 métropoles qui enregistrent des dépassements réguliers des valeurs limites de qualité de l’air, seront automatiquement prévues des interdictions de circulation pour les véhicules Crit’air 5 en 2023, Crit’air 4 en 2024 et Crit’Air 3 en 2025.
Les autres agglomérations, qui ne sont pas en dépassement des valeurs limites de qualité de l’air, devront mettre en place une ZFE-m au plus tard le 31 décembre 2024. Les collectivités concernées fixeront elles-mêmes les restrictions de circulation des véhicules les plus polluants afin de poursuivre l’amélioration de la qualité de l’air. Le ministère indique que ces restrictions de circulation ne concerneront pas les véhicules utilitaires.
Les Art. 30 à 33 prévoient une suppression progressive de l’avantage fiscal sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) entre 2023 et 2030. Traduction : les taxes sur le gazole professionnel vont augmenter. L’Art.37, quant à lui, interdit toute création ou extension d’aéroport dans le but d’augmenter les capacités d’accueil.
A propos des bornes de recharge électrique, la décision d’en installer en copropriété relèvera d’un vote à majorité simple. Des dispositifs de financement seront proposées par voie réglementaire. Dans le Titre IV « Se loger », un nouvel article ajouté après l’Art. 46, fixe un objectif de réduction de 50% des émissions de particules fines dues au chauffage au bois entre 2020 et 2030 pour les territoires les plus pollués, notamment en remplaçant 600 000 appareils de chauffage au bois vétustes dans les 5 prochaines années.
La consécration du DPE
Le Titre IV et ses Art. 39 et 40 proclament la primauté du DPE (Diagnostic de Performance Energétique). Il devient le document de référence obligatoire. Le texte donne une valeur législative aux classes G à A du DPE et intègre les émissions de gaz à effet de serre, en plus des consommations énergétiques.
L’Art.40 rend obligatoire dès 2022 les audits énergétiques lors des ventes de maisons ou d’immeubles en monopropriété qui sont considérés comme des passoires énergétiques (classes F et G). Il s’agit de s’assurer que tout potentiel acquéreur dispose d’une information précise sur les travaux à réaliser et leur montant pour mieux s’engager dans un projet de rénovation. Cette obligation sera étendue aux logements classés E à partir de 2025.
Dès 2023, l’Art. 41 prévoit que les propriétaires ne pourront plus augmenter les loyers des logements classés F ou G. Cette première étape sera suivie (Art. 42) de l’interdiction de mise en location dès 2025 pour les pires passoires énergétiques (étiquettes G), en 2028 pour les étiquettes F et en 2034 pour les étiquettes E. À l’issue de ces trois étapes, ce sont au total plus de 4 millions de logements qui devront être rénovés d’ici 2034 si leurs propriétaires veulent pouvoir les louer.
Financement du reste à charge
L’Art. 43 montre que les parlementaires se sont emparés du rapport Sichel. Il dispose en effet que pour des travaux de rénovation, un particulier pourra s’adresser à un interlocuteur unique qui l’accompagnera de A à Z : nature des travaux, plan de financement, obtention des aides, suivi des travaux, etc. Les compétences nécessaires et les modalités de choix de ces interlocuteurs uniques seront fixées par voie réglementaire.
Après l’Art.43, un nouvel article non-encore numéroté prévoit que l’État pourra garantir les prêts permettant de ne rembourser que les intérêts dans un premier temps et de ne rembourser le capital que lors de la vente du bien. Ce type de prêts existe depuis des années, mais demeure confidentiel. Il s’agit de rassurer les banques pour qu’elles s’en saisissent plus facilement et les rendent plus accessibles. Ces prêts sont dirigés avant tout vers les ménages modestes et vers les personnes âgées.
L’Art. 44 concerne les copropriétés et rend obligatoire la réalisation d’un plan de travaux sur 10 ans, à partir d’une analyse technique du bâtiment, celle du DPE, par exemple. Cela incitera les copropriétaires à anticiper et provisionner pour les travaux, afin de déclencher plus facilement une décision commune.
Contre l’artificialisation des sols
L’Art. 48 définit la notion d’artificialisation des sols et inscrit dans le droit un objectif de division par deux de la consommation d’espaces naturels sur les dix prochaines années (d’ici 2030) par rapport à la décennie précédente. L’article 49 organise la déclinaison de cet objectif par les collectivités territoriales, en lien avec l’État, depuis les documents de planification régionaux jusqu’aux documents communaux et intercommunaux (les Scot).
Le zéro artificialisation nette devra être atteint en 2050. Toutes les communes et intercommunalités sont concernées. De plus, de nouveaux articles ajoutés par l’Assemblée Nationale après l’Art. 49 incitent les collectivités territoriales à identifier dans leurs documents d’urbanisme des zones de renaturation et de désimperméabilisation.
De surcroît, les communes situées dans des zones à forte croissance démographique (≥20%/an) ou avec un déséquilibre marqué entre offre et demande de logements (les communes en déclin démographique) auront l’obligation de fixer une surface minimale de zones non imperméabilisées dans leur PLU.
L’Art. 52 pose le principe de l’interdiction de construction de nouveaux centres commerciaux, qui artificialiseraient des terres sans démontrer leur nécessité selon une série de critères précis et contraignants qui seront définis par voie réglementaire. Aucune exception ne pourra être faite pour les surfaces de vente de plus de 10 000 m2 et les demandes de dérogation pour tous les projets d’une surface de vente supérieure à 3 000 m2 seront examinées par une commission nationale, pour éviter les arrangements locaux certainement.
L’Art. 52bis prévoit que des secteurs d’implantation privilégiés pour les entrepôts seront définis, en lien avec les collectivités et la population. Le préfet pourra refuser tout projet manifestement incompatible avec les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols.
Trait de côte et permis de construire
Pour tenir compte du retrait des côtes sous l’effet de la montée des eaux, l’Art. 58 prévoit que dans un délai de 3 ans, les collectivités impactées par le recul du trait de côte vont devoir cartographier les zones qui seront impactées d’ici à 30 ans et celles qui seront impactées dans 30 à 100 ans. Des outils sont mis à leur disposition pour faciliter l’acquisition des parcelles impactées et permettre leur renaturation.
Les annonces immobilières renverront obligatoirement vers les informations relatives au recul du trait de côte afin que tout nouvel acquéreur puisse être conscient du phénomène. Les nouvelles constructions seront interdites dans les zones impactées à horizon de 0 à 30 ans afin de prioriser la renaturation de ces territoires. Les nouvelles constructions dans les zones impactées à horizon de 30 à 100 ans seront conditionnées à une obligation de démolition à terme.
Enfin, même le Titre V « Se nourrir » contient des dispositions qui concernent le bâtiment. L’Art. 64, par exemple, consacre la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée en lui donnant une valeur législative. La France doit se doter d’une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée et s’engage, à compter de 2022, à ne plus se fournir en produits qui auraient contribué à de la déforestation.
Par ailleurs, une plateforme de lutte contre la déforestation importée à destination des entreprises sera créée et les données douanières seront utilisées pour améliorer la transparence et la traçabilité des chaînes d’approvisionnement en matières premières agricoles. Pour la construction bois, favorisée par la RE2020, cela signifie certainement la généralisation de la certification que les bois d’œuvre sont issus de forêts exploitées de manière renouvelable.
Renforcement de la gouvernance climatique des politiques publiques
Le titre VII, ajouté par l’Assemblée Nationale, contient plusieurs articles qui prévoient notamment que chaque année la Cour des Comptes, pour le compte du Parlement, devra évaluer la mise en oeuvre de la loi Climat & Résilience avec l’appui du Haut Conseil pour le Climat, et que le Gouvernement devra y répondre. Par ailleurs, un rapport sera également annexé à chaque Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) présentant les actions du Gouvernement, des collectivités et des entreprises pour être en conformité avec la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Le Parlement votera sur ce rapport.
Ce titre VII invite les collectivités territoriales à créer un observatoire de la transition écologique pour suivre la mise en œuvre des actions de transition menées par les collectivités. Enfin, il instaure des feuilles de route multipartites pour chaque secteur émetteur de gaz à effet de serre afin de garantir l’atteinte des objectifs de la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone).
Voilà, pour l’instant. Le passage au Sénat, qui a envoyé un questionnaire sur le sujet aux élus locaux, peut encore changer le contenu de la loi. Les nombreuses mesures dont les modalités de calcul ou d’application sont renvoyées à des décrets et arrêtés devront être examinées de près. Les gouvernements français ont en effet l’habitude de ne pas prendre les règlements demandés par une loi ou bien de les prendre très tardivement, comme dans le cas du décret tertiaire, par exemple.
Source : batirama.com / Pascal Poggi