La filière des radiateurs, confrontée à la pénurie et les hausses de prix lance un cri d?alarme d?autant qu?il faut remplacer 70 millions de radiateurs en France.
Julian Stocks, nommé président du conseil stratégique radiateurs chez Uniclima*, ne cache pas sa forte préoccupation quand il décrit la situation très instable que doit affronter la filière. Outre les défis à venir, liés à la responsabilité élargie du producteur (REP) et à la RE2020 (voir encadré), le segment du chauffage et notamment des émetteurs subit de plein fouet la conjoncture inédite que connaît le secteur de la construction.
Les hausses de matières premières, dont principalement l’acier, et la pénurie des composants électroniques, impactent aujourd’hui très lourdement les producteurs mais aussi les distributeurs et installateurs.
« En 2021, la tonne d’acier est passée de 500 à 1200 euros, ce qui ne s’était jamais vu pendant nos vies professionnelles. Nous n’avons pas les moyens de résister au pouvoir des sidérurgistes, nous sommes mal livrés et assujettis aux prix encore plus élevés quand les achats sur le marché « spot » deviennent nécessaires pour faire face au volume de commandes connus en ce premier trimestre » dénonce Julian Stocks, également vice-président de Purmo France (voir encadré).
Résultat, la filière industrielle sous pression, a dû réviser ses tarifs à la hausse, à plusieurs reprises. Et le prix des émetteurs a enregistré des augmentations de prix entre 20 et 30 % selon les modèles et ce, pour la plupart des fabricants.
Julian Stocks, nommé président du conseil stratégique radiateurs chez Uniclima, décrit une situation très instable pour l'ensemble de la filière confrontée à des hausses de prix et une pénurie de matériels.
Des hausses de 20 à 30 % sur les prix des émetteurs de chauffage
« Il ne s’agit en aucun cas d’une augmentation de nos marges, pour nous industriels, qui cherchons seulement à couvrir les coûts additionnels des matières premières », explique Julian Stocks qui pointe du doigt une crainte du marché désormais bien réelle.
En effet, les prix haussiers des matériels en question baisseront certainement à un moment donné mais personne n’a de boule de cristal, sans compter que les pronostics pour une tendance baissière, à partir du troisième trimestre de cette année, se sont avérés beaucoup trop précoces, selon le président du conseil stratégique radiateurs d’Uniclima.
Par ailleurs, cette tendance inflationniste a été renforcée par une forte demande de matériels de chauffage, créant un déséquilibre inédit entre l’offre et la demande. En effet, pour éviter de se trouver « en panne », nombre de clients ont passé des commandes, en anticipant largement certains chantiers.
Mais faute de matière première et de stocks, les délais de livraison s’allongent de plusieurs semaines chez les fabricants et les distributeurs, amplifiant la « bulle spéculative ».
Des délais de livraisons de 2 à 12 semaines
« Le carnet de commande est à 200 % voire 300% des niveaux habituels pour les adhérents d’Uniclima », reprend Julian Stocks. En clair, ces délais s’allongent de 2 à 3 fois par rapport à « la norme », avec un carnet entre 2 et 10 semaines en fonction des produits. « Nos taux de service habituel mesuré par rapport à un délai classique sont largement passés par la fenêtre » constate amer, le président du comité stratégique radiateurs.
Surtout, cette situation risque de pénaliser lourdement les installateurs qui se sont engagés avec des délais contractuels et éventuellement des validités de leurs offres trop longues auprès des maîtres d’ouvrage. Entre hausses des prix et pénalités de retard, ils risquent donc de se retrouver « en grand danger ».
« Il faut un assouplissement des conditions et une compréhension de la part des maîtres d’ouvrages, car les entreprises ne peuvent pas travailler dans ces conditions de force majeure liées à la situation post-Covid » plaide Julian Stocks.
Selon des études d'Uniclima, les radiateurs ne sont changés par les professionnels que dans 20 % des cas de travaux de rénovation énergétique. ©Finimetal
70 millions de radiateurs à remplacer en France
Par ailleurs, Uniclima qui a mené plusieurs études, s’inquiète également de la vétusté du parc de radiateurs en France. Ce parc est estimé à environ 70 millions de pièces, à remplacer. Or, de nouvelles technologies d’émetteurs apportent aujourd’hui un meilleur confort climatique aux occupants de logements.
Rappelons que les radiateurs traditionnels nécessitant des eaux chauffées entre 90 et 80° ont été remplacés par des systèmes dits à basse température, entre 40 et 50°. En outre, la meilleure isolation des bâtiments, poussée par les dernières réglementations thermiques, a également modifié la donne en matière de radiateurs.
Toutefois, selon les études dont dispose Uniclima, les radiateurs ne sont changés par un professionnel que dans 20 % des cas de travaux de rénovation énergétique (dans le cadre d’un changement de chaudière).
« Si le particulier ne pense pas à le demander à son installateur, ce dernier ne le proposera pas au client » reprend Julian Stocks selon lequel, le radiateur est « l’enfant oublié de la rénovation énergétique ».
Alléger la facture énergétique et augmenter le confort
« L’installateur doit vérifier que le radiateur est bien dimensionné par rapport au générateur qui a été changé, et doit se rappeler que dans la nouvelle génération de radiateur la conductivité de l’émetteur de chauffage est optimisée, ce qui permettra d’alléger la facture énergétique et d’augmenter le confort du client » reprend le responsable d’Uniclima.
Les nouvelles générations de radiateurs n’ont d’ailleurs plus rien à voir avec les anciennes : diversité des formes, multiplicité d’accessoires et de raccordements, nouvelles technologies (ils chauffent et certains peuvent rafraichir sans oublier les planchers chauffants qui font aussi partie du panel) caractérisent l’offre en renouvellement. Julian Stocks rappelle qu' Uniclima a édité un guide destiné à l'installateur afin qu'il sensibilise ses clients sur la nécessité de changer ses radiateurs à eau. (https://www.uniclima.fr/userfiles/Doc/communication/guide_radiateur.pdf)
Bref, le rôle de l’installateur demeure essentiel, selon M. Stocks. « Il doit avoir une démarche active, ce qui veut dire qu’il doit intervenir en tant que conseiller et pas seulement en tant que répondant. Avec l’émergence de nouvelles technologies, son rôle de conseiller devra être renforcé car le particulier est très informé de nos jours »
1.Uniclima est le syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques
2. Purmo Group, anciennement Rettig ICC, fabrique des radiateurs, des sèche-serviettes, du chauffage par le sol, convecteurs, vannes et commandes de régulation. En France, Purmo Group France, commercialise les marques Finimetal, Radson et LVI, ainsi que Emmeti France et l’activité tubes décoratifs en acier Quinn Radiators.
Les autres défis à relever : REP et RE2020
D’autres défis attendent la profession. Il s’agit tout d’abord de la fameuse REP, ou responsabilité élargie des producteurs, qui impose aux responsables de la mise sur le marché de certains produits, de financer ou organiser la gestion de ses produits en fin de vie et de leurs déchets. Or, la profession n’a pas encore organisé de filière de récupération des appareils en fin de vie – non déjà soumis à la DEEE, et doit s’atteler à ce vaste chantier, selon le responsable d’Uniclima. Certains éco-organismes se mettent en avant aujourd’hui pour justement être intégrés dans la démarche pour le radiateur eau chaude.
Autre motif d’inquiétude : la RE2020. « Cette réglementation chamboule l’équilibre du marché avec ses choix multiples et les choix déontologiques avec le désir de la décarbonisation via le tout électrique » résume-t-il. Entre les systèmes à eau chaude, air/air pulsé et l’effet joule (électricité), le particulier devra bénéficier de conseils avisés du professionnel.
Quelles solutions de chauffage avec la RE2020 ?
En maison individuelle, les systèmes eau chaude, dont la pompe à chaleur souvent généralisée, restent les solutions les « plus efficientes en termes de confort » selon M. Stocks
Enfin, le secteur du logement collectif ne pourra plus bénéficier de l’installation de chaudières individuelles, le gaz étant banni par la nouvelle RE2020 dès 2024 et les demandes de traitement particulier pour le gaz vert n’étant pas recevables. « Il faudra trouver de nouvelles solutions avec les promoteurs car les pompes à chaleur sont pour l’instant peu adaptées au collectif », regrette M. Stocks.
Le choix d’émetteurs effectué par les bureaux d’étude se portera par conséquent sur les planchers chauffants, les nouveaux radiateurs, les ventilo-convecteurs et éventuellement des solutions au plafond. "Les différentes fédérations vont certainement devoir travailler étroitement avec les promoteurs pour trouver les solutions les plus adaptées pour demain", conclut le responsable Uniclima.
Des solutions devront être trouvées avec les promoteurs afin de répondre aux nouvelles exigences de la RE2020 dans le logement collectif
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Source : batirama.com/ Fabienne Leroy