Le bureau d'études NRGYS a présenté le bilan de ses premières études sur la RE2020 en logements collectifs neufs. Résultats : des différences très significatives par rapport à la RT2012.
Créé en 2005 à Nantes par Patrice Normand, enrichi en 2008 par l’ajout des études thermiques, le BE NRGYS réalise des études de conformité à la RT2012 – bientôt à la RE2020 – et va jusqu’aux études de bâtiments passifs intelligents et communicants. NRGYS s’est acheté un logiciel du CSTB pour pouvoir faire de premières simulations avec le moteur de calcul RE2020. Et, le BE partage volontiers les résultats.
Le 11 Mais, NRGYS a présenté dans un wébinaire, pas encore ses conclusions, il faudra de nombreuses simulations pour y parvenir, mais ses premières impressions sur la RE2020 en collectif neuf.
Selon NRGYS, la performance énergétique est encore le chapitre le plus lourd dans la RE2020, notamment avec l’ajout d’une meilleure exigence de confort d’été. Les concepteurs vont toutefois devoir constamment arbitrer entre performance énergétique et empreinte carbone du bâtiment : les deux sont intimement liés. ©PP
Trois grands chapitres : performance énergétique, confort d’été et bilan carbone
Pour y parvenir, le BE est parti d’un bâtiment R+3 de 29 logements sans sous-sol, qu’il a transporté dans toutes les zones climatiques. Première impression, en logement collectif, le critère performance énergétique est le plus impactant. La RE le traduit par trois indicateurs à respecter : le Bbio, le Cepmax et le Cepmaxnr. Ce dernier indique la consommation d’énergie d’origine non-renouvelable (nr).
Le Bbio, dont la formule est Bbio = (2 x besoin de chauffage) + (2 x besoin de refroidissement) + (5 x besoin d’éclairage), affiche des plafonds inférieurs de 20 à 40% en immeubles collectifs neufs, selon les zones et les bâtiments, par rapport à la RT2012.
La formule est claire : pour améliorer le Bbio, il faut réduire les besoins. Pour diminuer le besoin de chauffage, dans l’ordre, NRGYS recommande de se pencher sur l’orientation et la compacité du bâtiment, de réduire la perméabilité à l’air, d’être attentif à la « conception intérieure » et, en dernier ressort, d’améliorer l’isolation thermique.
Le verdict n’est pas encore prononcé quant à l’efficacité de la ventilation double flux en collectif neuf, selon la RE2020. Clairement, l’impératif de qualité d’air intérieur qui figure pourtant dans plusieurs lois récentes, n’est pas traduit dans la RE2020 qui envisage toujours la ventilation avant tout sous l’angle de gains ou de pertes thermiques. ©PP
De nouvelles influences sur le Bbio
Selon le BE, la RE2020 en collectif neuf se révèle particulièrement sensible au ratio surface froide/SHAB (surface habitable). Ce qui, par exemple, pénalise les terrasses, attiques et balcons. Selon NRGYS, cela ne veut pas dire qu’il faille les réduire, d’ailleurs le confinement a montré tous leurs attraits pour les occupants, mais il faudra compenser ailleurs l’augmentation du Bbio qu’ils entrainent.
Nouvelle influence perçue par le BE : le ratio logement traversants / logements non-traversants pèse sur le Bbio de manière sensible. Ce qui n’était pas le cas en RT2012. Un logement non-traversant est défini comme un logement dont au moins 75% des surfaces vitrées se trouvent sur une même façade.
En ce qui concerne la perméabilité à l’air, l’objectif en collectif neuf est toujours de 1 m3.h/m² de surface froide. Mais la mesure de la perméabilité par échantillonnage de logements est pénalisée dans la RE2020, pour favoriser la mesure dans chaque logement. En moyenne, réduire la perméabilité à l’air à 0,9 m3.h/m² entraîne une réduction de 1,8% sur le Bbio, 3,6% pour 0,8, 5,3% pour 0,7 et 7,1% pour 0,6.
De même, la conception intérieure, c’est-à-dire le nombre de pièces d’eau, influe sur le Bbio de manière très sensible. En effet, une pièce d’eau, c’est une bouche d’extraction de VMC. Dans le bâtiment type utilisé par NRGYS, si on double le nombre de pièces d’eau, le Bbio se dégrade de 10%.
Enfin, il faut veiller à l’isolation thermique de la cage d’ascenseur et à l’existence de locaux non-chauffés. Pour ces derniers, le plus simple semble être de les considérer comme des locaux chauffés.
Toutes les solutions de pompe à chaleur sont valorisées dans la RE2020, sans exception. ©PP
La nouvelle prise en compte du confort d’été
Dans la RE2020, le confort d’été est désormais traduit par le coefficient DH (degrés-heure). Dans la dernière version des textes, DH fait l’objet de modulations selon les zones climatiques. Mais il semble que ce ne soit pas suffisant pour éviter les difficultés dans les zones climatiques H2D et H3.
Si le coefficient DH est inférieur à 350, tout va bien, le bâtiment est à la fois conforme et confortable en été. Si DH est compris entre 350 et 1250, le bâtiment est conforme, mais inconfortable et la méthode de calcul applique automatiquement des consommations d’énergie pour une production de froid fictive qui pèse sur le Bbio et sur le Cep.
Il faut donc mettre en œuvre des mesures de correction dites passives : gestion automatique des volets roulants, protections solaires fixes, … NRGYS, comme tout le monde, semble clairement dubitatif face au déploiement de brasseurs d’air, cités par les textes de la RE2020 comme un moyen de rafraîchissement passif, pas tant en raison de leur inefficacité – ils auront une influence au moins dans le calcul -, mais plus en raison de leur acceptabilité culturelle.
L’influence de la gestion des volets roulants
En revanche, NRGYS imagine que les vitrages thermiques – qu’il n’a pas encore testés – pourraient se révéler efficaces. A propos de la gestion automatique des volets roulants, le BE s’est livré à un calcul comparatif. Avec une gestion entièrement manuelle des volets roulants mécaniques pour l’ensemble des ouvrants dans son bâtiment en zone H3, le Bbio atteint 65,3, le Cep 66,5 et le ratio DH est de 1141. Avec une gestion automatique des volets roulants motorisés pour l’ensemble des ouvrants, DH chute à 675, le gain de Cep est de 7,5% et le gain sur le Bbio atteint 13,5%.
NRGYS souligne également que la technologie de ventilation aura sans doute une influence non-négligeable sur le confort d’été. Une VMC simple flux introduit directement de l’air chaud. Une ventilation avec puits canadien ou un puits hydraulique seront certainement plus efficaces. NRGYS n’a pas encore testé le double flux en immeuble collectif. En maison individuelle, le double flux n’avait qu’une influence négligeable.
Enfin, si l’indice DH dépasse 1250, le bâtiment n’est pas conforme à la RT2020. Il faut revoir sa conception, ajouter des protections solaires, travailler son exposition, augmenter l’isolation thermique par l’extérieur pour profiter de l’inertie thermique de la structure, et, en dernière analyse, si les autres mesures ne suffisent pas, passer à la climatisation active. Par rapport au forfait « climatisation fictive », la climatisation active réduit peu le Bbio, mais augmente le Cep de 3 à 8 kWh/m².an. Ce qui est très pénalisant.
Au bout du compte, si la RT2012 définissait une orientation idéale comme 60% des façades au sud, 15% à l’est et à l’ouest et 10% au nord, le nouvelle prise en compte du confort d’été conduit en RE2020 à un optimum de 50% de surfaces au sud, 25% à l’est, 15% à l’ouest et 10% au nord.
Le Cepmax baisse de 20 à 25% par rapport à la RT2012
Le coefficient Cepmax, pour sa part, diminue de 20 à 25% par rapport à la RT2012, selon les zones climatiques. Il englobe toujours les 5 usages de la RT2012, auxquels il faut ajouter la consommation d’électricité des ascenseurs, ainsi que celle de l’éclairage des parkings et des locaux communs.
Le moteur de calcul reconnaît trois technologies d’ascenseurs. Ce sont, par ordre croissant de pénalisation du Cep : les ascenseurs à traction sans réduction, les ascenseurs à traction avec réduction, les ascenseurs hydrauliques. Par rapport à une absence d’ascenseur dans leur immeuble type en R+3, ces trois technologies augmentent respectivement le Cep de 3, 3,2 et 5,5%. Bref, les concepteurs vont désormais devoir se plonger dans la technologie des ascenseurs pour minimiser leur impact.
En ce qui concerne les équipements de Génie Climatique et de ventilation, leur impact est double : sur le Cep, d’une part ; sur le coefficient Ic énergie, d’autre part. Ic énergie est l’une des coefficients qui traduisent l’impact environnemental du bâtiment. Les premières simulations de NRGYS ont essentiellement porté sur les équipements de chauffage.
Autant le dire tout de suite, aucune des solutions classiquement mises en œuvre dans la RT2012 en logements collectifs n’est conforme à la RE2020. Les chaudières gaz individuelles, les chaufferies gaz passent bien le plafond du Cepmax, mais buttent sur celui du coefficient Ic énergie. Tandis que les solutions chauffage électrique direct et ECS thermodynamique sur air extrait sont pénalisées par leur Cep trop élevé, mais franchissent le Ic énergies grâce au nouveau coefficient de 2,3 appliqué à la transformation de l’électricité en énergie primaire.
Un boulevard pour les pompes à chaleur
Il faut se tourner vers de solutions à base de pompes à chaleur. Nous en avons récemment dressé l’inventaire dans une série d’articles. Toutes les configurations de pac, depuis les pac air/air individuelles + ECS thermodynamique sur air extrait, jusqu’aux pac air/eau en chaufferie collective avec production simultanée de chauffage et d’ECS, en passant par les pac air/eau double service individuelles, franchissent sans encombre les deux exigences de la RE2020. Le problème seront plutôt leurs configurations d’installations pour minimiser les nuisances sonores.
La seule configuration non-testée par NRGYS est les pac géothermiques sur sondes à eau glycolée de moins de 200 m de profondeur. Il faut dire que ce n’est pas du tout courant en logements collectifs neufs, mais présente tout de même de nombreux intérêts : un rendement exceptionnel en chauffage et production d’ECS, un rafraîchissement gratuit par échange directe avec l’eau glycolée, en bypassant les pacs, pas de nuisance sonore, etc.
Le coût du forage peut être dissuasif. Mais en construction neuve le forage n’est pas nécessaire : les tubes d’eau glycolée peuvent être noyés sous les fondations.
Le calcul de l’empreinte environnementale
NRGYS en est au tout début dans le calcul de l’empreinte environnementale des bâtiments dans la RE2020. Elle est traduite à la fois par le coefficient Ic énergie et pare le coefficient Ic construction, qui varient selon la zone géographique et la surface des bâtiments et sont appelés à une évolution dans le sens d’une sévérisation en 2025, 2028 et 2031.
Selon NRGYS toutefois, en 2022 à l’entrée en vigueur de la RE2020, aucune solution constructive classique ne sera écartée du marché. Ce qui laissera 3 ans aux Maîtres d’Ouvrages, aux concepteurs et aux entreprises pour faire évoluer leurs solutions. La RE2020 fait la part belle au biosourcé et introduit la notion de stockage de carbone.
Dans le calcul du coefficient Ic construction, 14 lots font l’objet d’un calcul, plus 4 autres qui sont pour l’instant forfaitaires. Parmi ces 4 derniers, seul le lot CVC (lot 8) peut être détaillé.
Dans le détail du calcul, la prise en compte de la parcelle (clôture, enrobé, …) est abandonnée. Des modulations liées à l’existence de parkings sont introduites, ainsi que des modulations décroissantes liées à l’utilisation de FDES et de PEP « par défaut ». L’ACV dynamique sur 50 ans favorise le stockage du carbone dans la structure du bâtiment.
C’est, en résumé, ce que les premières simulations de NRGYS permettent d’avancer en ce qui concerne l’influence de la conception des bâtiments collectifs neufs dans la RE2020. NRGYS et d’autres BE vont naturellement se lancer dans d’autres simulations, notamment lorsque les logiciels de calcul réglementaires seront disponibles fin mai ou à la mi-juin au plus tard.
Les simulations ont pour l’instant largement porté sur des solutions constructives connues et déjà mises en œuvre. D’autres pourraient cependant s’avérer utiles et se développer avec la RE2020 : le puits canadien ou le puits hydraulique en ventilation, la ventilation double flux, l’isolation thermique par l’extérieur systématique, les vitrages thermiques à très fort contrôle solaire, voire à contrôle thermique dynamique, les pompes à chaleur en Géothermie de Minime Importance, les dalles actives, etc. ©PP
La production photovoltaïque sur site semble mieux valorisée dans la dernière version des textes. Les solutions solaires photovoltaïques et thermiques pourraient aussi profiter du prochain label RBR-T qui accompagnera le lancement de la RE2020.
Source : batirama.com / Pascal Poggi