Elian Alluin, cycloplombier de Paris, a recruté trois nouveaux plombiers cyclistes et investi 200 m2 de nouveaux locaux en plein Paris. Il parie sur un nouvel associé atypique.
Elian Alluin, 42 ans, connaît bien Paris aujourd’hui : depuis 2014, ce plombier sillonne à la force de ses mollets, la capitale et la proche banlieue en vélo pour dépanner ses clients et réparer petites ou grosses fuites d’eau.
Un premier vélo de postier a fait l’affaire jusqu’en 2017, date à laquelle, Elian Alluin a lancé une première campagne de crowfunding pour s’acheter un vélo à assistance électrique. En 2021, l’activité se structure davantage avec, des recrutements à la clé, une 2e campagne de crowfunding pour disposer de locaux plus grands, mais aussi une association avec un partenaire.
Depuis 2014, six ans d’activité intense, de réflexion et parfois de doutes, ont jalonné la vie de ce breton, natif de Carhaix (29), qui fourmille aujourd’hui de grands projets.
Un parcours atypique pour le cycloplombier
Le plombier résume son parcours atypique qui l’a amené à épouser le métier d’artisan du Bâtiment : « J’ai obtenu un BTS en commerce international et j’ai travaillé à Paris dans le design, puis dans un bar et enfin, dans le secteur de la menuiserie aluminium. Et comme je voulais vendre du mobilier industriel, et apprendre les techniques de soudure, je me suis formé en plomberie sanitaire ».
De fait, Elian Alluin obtient un CAP en Installation sanitaire en candidat libre au lycée technique Eugène Henaf à Bagnolet en 2013. Et décide d’exercer le métier en solo en tant qu’auto-entrepreneur à Paris, « au culot, sans grande expérience, pour tester l’activité, et avec de grands moments de solitude ».
Rapidement, notre entrepreneur fatigué par les bouchons routiers de la capitale abandonne sa voiture et adopte le vélo. Son premier vélo de postier, équipé de sacoches bien utiles pour transporter ses outils, devient également un moyen de communication qui lui permet de se faire connaître sur le quart nord-est de la capitale et développer sa clientèle. Il dépose sa marque et devient Cycloplombier.
Les cycloplombiers peuvent utiliser les pistes cyclables et vont beaucoup plus vite que les camions ! Pour se garer à Paris, des anneaux au sol, permettent de sécuriser les vélos cargos ; « On peut aussi se garer entre deux voitures. En tout cas, le stationnement de nos vélos, ce n’est plus un souci aujourd’hui » affirme Elian Alluin.
Achat d’un premier vélo cargo à assistance électrique en 2015
En 2015, il décide d’acheter un vélo cargo à assistance électrique, pour aller plus loin et transporter davantage de matériel. « Je suis allée voir ma banque pour m’aider à financer cet achat mais ce projet lui a semblé insolite, d’autant que je ne pouvais pas lui fournir de prévisionnel au niveau du chiffre d’affaires » raconte le plombier.
D’où son idée de faire appel à Ulule, une plateforme de financement participatif avec contreparties en nature. « J’ai proposé des balades en vélo-cargo à Paris en échange du financement et les 100 contributeurs du projet sont d’ailleurs devenus des clients » analyse Elian Alluin, heureux d’avoir fait d’une pierre deux coups : financement du vélo à hauteur de 5000 euros et acquisition de clientèle !
L’autoentrepreneur peut alors développer davantage son activité et change de statut d’entreprise en créant sa Sasu, société par actions simplifiée unipersonnelle. Il souhaite embaucher du personnel, et investir dans des vélos cargos. Mais le pari de l’entreprenariat, même à vélo, n’est pas une mince affaire : « L’embauche de personnel, c’est un métier, j’ai été très déçu de mes recrutements, et j’ai préféré poursuivre seul l’aventure » confie Elian Allluin.
Les cycloplombiers effectuent des dépannages (réparation de fuites, dégorgement, …) mais peuvent aussi réaliser de grosses installations. Les remorques avec assistance électriques disposent de coffres fermés pour entreposer du matériel destiné à refaire des salles de bains : bac à douche, vasque, plomberie, carrelage, etc…
Une rencontre décisive avec un client devenu associé
Une rencontre décisive va lui permettre néanmoins de concrétiser ses projets un peu plus tard. Notre cycloplombier croise sur sa route un client, Alexandre Brachet. C’est aussi le patron de la société Upian, spécialisée dans le web, le graphisme et le documentaire. Les deux hommes nouent un partenariat, et Alexandre devient associé de Cycloplombier.
Cette nouvelle association permet de faire repartir les projets un peu tombés à l’eau, avec deux recrutements de plombiers concrétisés en 2021, un troisième prévu pour le mois de septembre, et l’investissement dans deux nouveaux vélos-cargos.
Elian Alluin décrit les profils embauchés avec un très fort enthousiasme. Les nouvelles recrues sont en effet convaincues par les valeurs défendues par l’entreprise et sont allées solliciter le patron de Cycloplombier.
Trois nouvelles recrues convaincues par les valeurs de l’entreprise
Ainsi, Romain, ancien chasseur alpin âgé de 32 ans, reconverti il y a trois dans le métier de plombier, a insisté pendant 6 mois pour rentrer dans l’entreprise. « Il ne supportait plus les déplacements en camion et voulait aller travailler en vélo » explique Elian qui a fini par l’embaucher.
Idem pour Simon, un collègue de Romain, qui a été convaincu par les mobilités douces adoptées par l’entreprise parisienne pour ses déplacements professionnels. « Après une démonstration du vélo-cargo, il a été conquis » résume Elian.
Enfin, la dernière recrue, qui s’appelle également Romain, est un plombier formé chez les Compagnons du Devoir : il rejoindra l’équipe en septembre prochain. « Nous voulons également embaucher des personnes reconnues travailleurs handicapés, car cela fait partie des valeurs de l’entreprise » souligne Elian qui cherche aussi des plombières pour diversifier les talents au sein de l’entreprise.
Après avoir recruté de nouveaux cycloplombiers, l’entreprise se développe en louant un local 200 m2 dans le 11e Arrondissement (27 m2 auparavant) qu’elle espère ouvrir au public dans le cadre d’animations. Après avoir bénéficié d’une aide de la mairie de Paris, l'entreprise règle un loyer de 3500 euros mensuels hors charges.
Une 2e campagne de crowfunding pour passer à la vitesse supérieure
Objectif : en fin d’année 2021, l’entreprise projette de s’appuyer sur 4 à 5 cycloplombiers sur le terrain et 2 personnes au bureau. Pour concrétiser ses projets, Elian Alluin a lancé une 2e campagne de crowfunding (qui s’est arrêté fin mai 2021) afin de financer l’acquisition de deux vélos cargos et déménager dans un espace plus grand à Paris. L’entreprise quittera en effet ses 27 m2 pour aller s’installer dans un espace de 200 m2 en location rue de la Folie-Méricourt, près de la place de la République dans le XIe arrondissement.
Montant obtenu avec cette 2e campagne : 35 000 euros. Parmi les donateurs, on peut noter Warmango, jeune startup spécialisée dans la vente de produits pour les professionnels du Bâtiment, qui a contribué au financement du projet à hauteur de 6500 €, soit la valeur d’un nouveau vélo-cargo.
Entre les deux entités, un partenariat a été noué sur la base « d’un échange de bons procédés et des opérations marketing entre nous » reprend Elian. Un partenariat qui se traduira par des échanges de posts sur les réseaux sociaux ou des interviews … A noter qu’un projet de podcast centré sur les artisans, sera mené avec Alexandre, associé du Cycloplombier.
Des valeurs d’économie sociale et solidaire
D’ailleurs le nouveau local permettra d’entreposer davantage de matériel et de développer l’activité à Paris et en proche couronne. « Nous commençons à accepter de poser des salles de bains car les compétences existent au sein de l’entreprise et nos vélos-cargos nous permettent de transporter davantage de matériel avec l’aide d’une remorque » souligne le patron de Cycloplombier.
Celui-ci affirme défendre avec son nouvel associé un véritable projet « derrière lequel nous sommes tous investis, avec des valeurs d’économie sociale et solidaire et des objectifs économiques et technologiques ».
A noter que les salaires versés, soit 2000 euros nets mensuels pour tout le monde, s’accompagnent d’un système de panier repas. Des salaires qui pourront être recalculés à la hausse, en fonction de la progression de l’activité. Ce n’est pas tout, un système d’épargne salariale est à l’étude pour que chacun puisse bénéficier de la croissance de l’entreprise.
« Les artisans ont déserté Paris en raison des contraintes de circulation et de stationnement devenues ingérables. Aujourd’hui, ils ne veulent plus rentrer dans la capitale. Avec notre modèle d’entreprise, on gagne en fluidité et on réinvestit Paris, en espérant inspirer d’autres artisans qui pourraient suivre notre exemple » termine Elian Alluin qui n’écarte pas l’idée de créer, pourquoi pas, une franchise…
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy