Le Gouvernement et plus d?une trentaine d?acteurs de la construction et de l?utilisation des bâtiments logistiques se sont mis d?accord sur un programme volontaire de six ans. Amazon n?a pas encore signé.
La crise sanitaire de la Covid-19 et ses conséquences économiques ont mis en évidence l’importance des chaînes logistiques. Dans le même temps, des contestations locales s’élèvent face à l’installation de certains nouveaux sites logistiques, notamment ceux de plus grande taille lorsqu’ils conduisent à une artificialisation des sols.
Dans ce contexte, le Gouvernement a missionné Anne-Marie Idrac, présidente de France Logistique, et Gilles de Margerie, Commissaire Général de France Stratégie, pour mener une concertation avec les acteurs de la logistique et faire émerger les conditions du développement d’une filière de l’immobilier logistique plus responsable.
Ce processus de concertation, mené en partenariat avec l’AFILOG, a permis d’aboutir à une charte d’engagement volontaire pour verdir l’immobilier logistique neuf, signée le 28 juillet, conjointement par le Gouvernement et tout un groupe d’acteurs de la logistique.
Amazon, acteur de bonne taille en logistique, n’a pas signé, mais signera, certainement.
Les obligations de la Charte pour les entreprises signataires
Les acteurs de l’immobilier logistique s’engagent, notamment, à définir d’ici la fin de l’année 2021, un référentiel de calcul et d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre des entrepôts, sur la base d’une méthodologie d’analyse en cycle de vie, en lien avec l’État et en partenariat avec le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). Traduction : la méthode RE2020 tertiaire devrait être utilisée pour cela, sinon, comme il s’agit de bâtiments neufs, ce serait vraiment absurde d’imaginer une autre méthode. ©PP
Les acteurs de l’immobilier logistique s’engagent aussi à couvrir 50 % des surfaces de toiture de leurs bâtiments neufs avec des panneaux photovoltaïques, afin de contribuer aux objectifs de développement des énergies renouvelables tout en limitant leur impact sur l’artificialisation des sols. La loi Climat & Résilience qui reprend des dispositions antérieures, prévoit 30% pour les entrepôts neufs. Pourquoi ne pas avoir visé 100 % ? Ce qui aurait été cohérent ©PP
Pour les entreprises signataires, cette charte prévoit encore que les acteurs de l’immobilier logistique :
- privilégient l’installation d’entrepôts sur les friches existantes, plutôt que sur des terres non-artificialisées, afin d’apporter leur contribution à la lutte contre l’artificialisation des sols ;
- infiltrent 100% des eaux pluviales, au plus près de leur lieu de chute, afin de limiter la saturation des réseaux d’eaux pluviales et d’éviter des ruissellements qui peuvent aggraver les inondations ;
- plantent des haies champêtres composées d’arbres et d’arbustes sur un linéaire au moins équivalent à 50% de la limite de propriété et dont la majorité sont composées d’essences favorables aux pollinisateurs. Cet engagement s’inscrit dans le cadre du plan de protection des pollinisateurs https://www.ecologie.gouv.fr/lancement-dune-consultation-publique-nouveau-plan-pollinisateurs proposé par le Gouvernement.
- remettent préalablement à l’autorisation administrative, pour les entrepôts de plus grande taille (supérieurs à 20 000 m2), une étude écologique du site réalisée par un écologue. Ils s’engagent également à en mettre en œuvre les recommandations tout au long de la vie du projet.
Les entreprises signataires s’engagent, pour tous les projets d’entrepôts dont les permis de construire sont déposés à compter du 1er janvier 2022, à rendre systématique la certification de leurs entrepôts (Haute Qualité Environnementale HQE®, BREEAM®, LEED®). ©PP
Les engagements de l’État
De son côté, l’Etat s’engage à :
- dans le cadre du « service après vote » de la loi ASAP et de la publication de ses décrets d’application, à publier d’ici fin 2021 une mise à jour du ou des logigramme(s) d’articulation entre les procédures ICPE (autorisation environnementale et enregistrement ICPE), la procédure d’évaluation environnementale et les autorisations en matière d’urbanisme,
- dans le cadre du groupe contact interministériel « implantations logistiques et entrepôts », à apporter des clarifications juridiques sur les points de droit précis que les membres de l’AFILOG leur soumettront. Ces clarifications, qui auront vocation à prendre la forme d’une FAQ officielle, seront publiées et transmises aux services instructeurs afin d’assurer sur l’ensemble du territoire une application homogène des dispositions législatives et réglementaires.
- clarifier le droit applicable aux porteurs de projets, notamment au regard des simplifications apportées par la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) et en réponse aux interrogations remontées par les professionnels de la logistique ;
- respecter les délais des procédures d’enregistrement et d’autorisation permis par les textes en vigueur : pour les dossiers d’enregistrement, 1 mois pour déclarer la recevabilité du dossier à partir de la date de dépôt (déduction faite des éventuelles demandes de compléments) puis 5 mois entre la date de recevabilité et la date de délivrance de l’arrêté ; pour les dossiers d’autorisation : 10 à 12 mois entre la date de dépôt et la date de délivrance de l’arrêté, déduction faite des demandes de complément éventuelles. Dans ce cadre, l’État veille à rationaliser le nombre de demandes de compléments afin de favoriser une demande de compléments unique et suffisamment anticipée dans un objectif d’optimisation des délais d’instruction.
- accompagner les acteurs de l’immobilier logistique dans l’atteinte de leurs engagements, en particulier lors de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale ;
- mettre à disposition de tous un inventaire des friches, et à mettre en lumière les sites susceptibles d’accueillir des activités logistiques parmi les sites « clés en main » et ceux qui bénéficient du fonds friches du plan France Relance ;
- initier des conférences régionales de la logistique d’ici fin 2021 pour mieux répondre aux besoins des territoires en immobilier logistique tout en conciliant les enjeux environnementaux et économiques.
Amazon n’a pas signé, mais …
Cette charte volontaire entre en vigueur le 28 juillet pour une durée de 6 ans. L’évaluation de sa mise en œuvre est confiée à France Logistique, une association qui « rassemble tous les acteurs privés de la chaîne logistique » et une restitution sera organisée chaque année devant le CILOG (Comité Interministériel pour la LOGistique) qui pour l’instant ne s’est réuni qu’une seule fois depuis sa création en décembre 2020.
Comme précisé d'entrée, Amazon n’a pas signé cette charte. Explications du groupe interrogé : "Amazon s'engage à développer son activité et à servir ses clients tout en atténuant l'impact sur notre planète. Nous avons cofondé The Climate Pledge (une association dont les membres s’engagent à devenir neutres en carbone d’ici 2030) pour encourager les entreprises et organisations à atteindre la neutralité carbone sur l’ensemble de leurs activités d'ici 2040 - nous avons été la première entreprise à prendre cet engagement et avons contribué à l’adhésion de plus de 100 autres entreprises à l’initiative.
Nous réalisons d’importants investissements dans des technologies éprouvées et émergentes afin de nous attaquer aux facteurs qui contribuent le plus à notre empreinte carbone : déploiement de nouveaux projets d'énergie renouvelable, électrification de notre flotte de livraison avec plus de 100 000 nouveaux véhicules électriques, modernisation de nos centres logistiques, et bien plus encore. Nous avons signé plusieurs engagements en matière de développement durable et envisageons de signer la Charte. Nous allons cependant attendre que des éléments clés tels que les travaux de l'ADEME soient disponibles avant de prendre une décision. »
Amazon poursuit : « Les principes et orientations décrits dans la charte reflètent les nombreuses initiatives qu’Amazon met en œuvre en France, qu'il s'agisse du renforcement de l’information des clients, de nos investissements dans une chaîne d'approvisionnement de haute qualité environnementale et de nos efforts de réduction et de réutilisation des emballages :
- Les hypothèses pointant l’impact négatif du commerce électronique devraient être mises en perspective notamment à la lumière de recherches récentes soulignant que les livraisons liées au commerce en ligne permettent d'économiser entre quatre et neuf fois le trafic généré par les trajets individuels vers les magasins. Ces mêmes recherches démontrent également que les achats en points de vente physique entraînent en moyenne 2 à 3 fois plus d'émissions de gaz à effet de serre que les achats effectués en ligne. Le rapport du cabinet Oliver Wyman est disponible ici
- Le dernier rapport durabilité 2020 d'Amazon détaille les nombreuses initiatives participant à une décarbonisation de nos activités et les progrès réalisés sont significatifs :
- Nous sommes devenus, hors secteur de l’énergie, le plus grand acheteur d’energies renouvelables au monde et en Europe, avec 206 projets à travers le globe, soit l’équivalent de la consommation de plusieurs millions de foyers par an. Avec plus de 2,5 GW de capacité d’énergies renouvelables en Europe et 8,5 GW au total dans le monde, Amazon est en passe de s’alimenter (entièrement) en énergies renouvelables d’ici 2025
- L’initiative cofondée par Amazon, The Climate Pledge. Ensemble, les signataires réalisent plus de 1 400 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel dans le monde et réunissent plus de 5 millions de collaborateurs dans 25 secteurs et 16 pays
- Amazon a diminué son intensité carbone de 16 % de 2019 à 2020, ce qui reflète nos progrès en matière de décarbonisation de nos activités alors que nous poursuivons notre croissance pour le compte de nos clients
- Création de The Climate Pledge Fund. Fondé en 2020, ce fonds d'investissement de 2 milliards de dollars soutient le développement de technologies et de services qui réduisent les émissions de carbone et contribuent à préserver le monde naturel. Lancement de l'AWS Clean Energy Accelerator : cet accélérateur est le premier d'Amazon Web Services à se concentrer sur la croissance rapide de l'innovation dans le domaine des technologies propres. Lancement du programme Climate Pledge Friendly en 2020 pour aider les clients à trouver des produits respectueux de l’environnement. Lancement d’obligations de durabilité d’un milliard de dollars. L'investissement finance des projets de durabilité ».
Au total, les engagements figurant dans la charte, ceux de l’Etat et des entreprises, semblent un peu timorés. Sauf, sans doute, la promesse de l’infiltration de 100% des eaux pluviales. Ce qui, étant donné les énormes surfaces de ces entrepôts et des terrains qui les environnent, représente des volumes énormes et un vrai challenge technique.
Une seconde charte sur le conditionnement des colis dans le cadre du e-commerce a été signée le même jour : moins d’emballage, …
Source : batirama.com / Pascal Poggi