Les plaques de plâtre, toutes à base de matière recyclée, s?allègeront pour répondre aux exigences bas carbone selon Placo-Saint-Gobain qui dévoile sa feuille de route 2030.
La décarbonation est le défi majeur de demain, mais aussi de l’instant, puisqu’il mobilise une équipe complète chez Saint-Gobain dirigée par Lucile Charbonnier, directrice du développement durable et de la RSE.
Le groupe Saint-Gobain engagé sur la trajectoire de neutralité carbone 2050 présente une feuille de route pour 2030 qui s’apparente à un véritable défi pour sa marque Placo. « Cette feuille de route implique des changements à tous les niveaux, que ce soit en termes humains, techniques et financiers » souligne Lucile Charbonnier.
Placo va ainsi investir plus de 10 millions d’euros pour augmenter sa capacité de recyclage et 25 millions d’euros pour réduire ses émissions de CO2. Et pour y parvenir, la société devra embarquer dans le mouvement un écosystème de partenaires, fournisseurs, clients et parties-prenantes. Un travail qui concerne les 4 sites industriels français et 7 carrières de gypse attenantes.
200 fiches FDES pour le Groupe
Le groupe réfléchit ainsi à toutes les étapes clés de la fabrication de la plaque de plâtre, jusqu’à sa vie en oeuvre dans un Bâtiment. Cette démarche est basée sur l’Analyse du cycle de vie (ACV) des produits, dont les résultats sont repris dans les fiches FDES (Fiches de déclaration environnementales et sanitaires). Le groupe compte un nombre important de fiches FDES soit 200 aujourd’hui dont 84 concernant les systèmes tels que les cloisons.
Les objectifs de Placo sont donc très ambitieux à horizon 2030 car ils supposent de réduire drastiquement de nombreuses consommations (en sachant que les volumes de production de 2030 seront bien supérieurs à ceux de la base de référence étudiée soit 2017)
- moins 50 % de prélèvements en eau,
- moins 30 % de prélèvements de matières premières vierges,
- moins 33 % d’émissions de CO2 directes sur site et issues de la production d’électricité sur le réseau,
- moins 7%, tous les 3 ans, d’émissions liées au transport des produits
Ces réductions drastiques de consommations s’accompagnent d’objectifs importants en termes de recyclage : 4 fois plus de recyclage de plâtre pour atteindre 200 000 tonnes par an (contre 65 000 tonnes cette année) et 30 % de matière recyclée en moyenne dans toutes ses plaques de plâtre.
L’entrée en vigueur de la REP va provoquer un afflux massif de plâtre selon le groupe qui cherche à optimiser les procédures de recyclage. Ici, une benne dédiée, à disposition sur le chantier
Matières premières : moins de gypse et moins d’eau dans les plaques
Le premier défi, le plus important selon le groupe, porte sur l’utilisation des matières premières qui devront être fortement réduites : cela concerne le gypse prélevé dans les carrières ou l’eau utilisée pour la fabrication des plaques. L’effet est immédiat : moins de prélèvements en carrière implique par exemple moins de machines sur site et moins de transports de matière, donc moins de C02.
La réflexion actuelle privilégie le recyclage : l’industriel incorpore déjà jusqu’à 20 % de matière recyclée et veut atteindre 30 % en moyenne dans presque toutes les plaques (hormis certains produits techniques en raison d’incompatibilités). Un objectif qui suppose de recycler davantage de plâtre dans les centres de recyclage du groupe. Et qui nécessite de récupérer les produits après leur vie en œuvre dans les bâtiments.
Quant à la réduction des quantités d’eau dans le cycle de production (- 50 % en 2030), elle induit une véritable rupture technologique, en cours de réflexion grâce à l’appui des services R&D du groupe (4000 personnes dans le monde).
Moins d’eau réduit le séchage des plaques de plâtre et donc l’énergie
« Cette ambition par rapport aux quantités d’eau impacte la réduction des émissions de CO2, car moins d’eau dans le process réduit l’énergie requise pour faire sécher les plaques » développe Lucile Charbonnier. Les plaques fabriquées (le cœur du produit résultant d’un mélange de gypse et d’eau) sont en effet coupées et séchées à une température de 130°.
Et pour encore moins prélever de matières premières dans la nature, le groupe réfléchit à alléger le poids des plaques de plâtre, ce qui ne déplaira pas aux entreprises plaquistes qui réclament depuis longtemps des formats et des poids étudiés pour leurs poseurs.
Lors du recyclage des plaques usagées, l’opération consiste à retirer le doublage de certaines plaques (isolants) mais aussi le papier qui ne peut pas être valorisé aujourd’hui, faute d’exutoire : les papetiers n’en veulent pas, car le papier est trop chargé en plâtre, souligne Placo. « IL faudrait pouvoir le nettoyer sans dégrader l’impact environnemental de l’opération. Si on y arrive, on pourra intégrer davantage de contenu recyclé dans nos plaques » indique Lucile Charbonnier
Fabrication : il faut modifier en profondeur les process
Le mode de fabrication est donc scruté par les responsables du développement durable. Les process n’échapperont pas à une modification en profondeur afin de répondre à un autre objectif ambitieux : diminuer de 33 % les émissions de C02 directes sur sites et issues de la production d’électricité sur le réseau.
Les actions mises en place au cours des dix dernières années ont déjà permis de réduire de 23 % les émissions de CO2 et de 14 % les émissions d’énergie, souligne le groupe.
« Le biogaz n’est pas pertinent dans nos installations » précise Lucile Charbonnier alors que le groupe étudie des pistes afin d’alimenter le mix énergétique français en énergie verte. Placo a toutefois équipé ses sites en panneaux photovoltaïques et doit inaugurer son premier parc solaire au sol sur des terrains attenants à la carrière de Pouillon.
Cet objectif de réduction de 33 % des émissions de CO2 concerne 3 usines du groupe « toutes particulières » : elles ont donc chacune une feuille de route spécifique en tenant compte des particularités locales.
Transport : des actions déjà engagées via Cap FRET21
Après les matières premières et la fabrication, le transport (- 16 % d’émissions en amont et en aval en 2030) constitue le 3e défi en termes d’importance pour le groupe. Un défi « moindre » car les solutions sont déjà à l’étude et certaines mises en place.
En amont, les carrières de gypse sont situées dans un rayon moyen de 40 km des usines. Placo met en place des convoyeurs électriques directement de ses carrières vers les usines dès que cela est possible ; ainsi à Vaujours, la longueur du convoyeur sera doublée dans les prochains mois.
Notons également que la zone de chalandise moyenne est de 218 km pour la distribution des produits. Un facteur apprécié des bureaux d’études dont les projets de construction peuvent concourir à la certification LEED (méthode d’évaluation des performances environnementales des bâtiments)
Par ailleurs, la société signale qu’elle a été parmi les 10 premiers industriels à signer la charge Fret21, s’engageant à collaborer uniquement avec des transporteurs labellisés « Objectifs CO2 ».
Vie en œuvre des plaques : cap sur la modularité
Autre engagement du groupe : contribuer à réduire l’impact environnemental des bâtiments. On sait que les bâtiments représentent 43 % des consommations énergétiques annuelles françaises et génèrent 25 % des gaz à effet de serre.
Pour diminuer cet impact environnemental, Placo travaille sur plusieurs axes simultanés tels que la mise au point de plaques allégées (avec moins de matières premières), la récupération des déchets, la décarbonation des process de fabrication et la modularité des solutions.
Placo met par exemple au point des systèmes de cloisons intégrant des isolants et tous les éléments nécessaires au montage. Le fabricant s’associe avec des acteurs tels qu’Isover Saint-Gobain mais aussi des spécialistes de la construction bois pour développer les solutions techniques complètes, afin de limiter les déperditions énergétiques du Bâtiment.
Des systèmes plus légers et facilement démontables
Ce n’est pas tout, le groupe travaille sur les bâtiments évolutifs avec un enjeu : fournir des systèmes modulables en partant du postulat que les bâtiments auront une 2e vie voire une 3e vie. L’objectif consistera à démonter les systèmes constructifs sans casse et sans déchets afin de pouvoir les remonter ailleurs.
Cette réflexion menée en interne au sein du groupe s’appuie également sur des partenariats externes dans le domaine de la préfabrication et de la construction en ossature bois.
Enfin, Placo travaille sur les ossatures bas carbone en métal avec des spécialistes (dont les fournisseurs) et mène des travaux sur les ossatures de demain. Elles devront être bas carbone, démontables, recyclables, et donc plus fines et plus légères.
Le groupe dispose de 3 ateliers de recyclage à Vaujours, Chambéry et Cognac. Objectif des ateliers : obtenir des caractéristiques stables des produits recyclés, un enjeu important pour le groupe. Il envisage de réintégrer 30 % de recyclé dans ses plaques, et même davantage, à l’exception des plaques hydrophobes.
Fin de vie des produits : le recyclage enjeu majeur
Le groupe veut multiplier par 4 le recyclage de plâtre pour atteindre 200 000 tonnes par an en 2030. Fin 2021, il aura recyclé 65 000 tonnes de déchets de plâtre issus des chantiers de déconstruction, l’équivalent de 50 % du plâtre recyclé en France. La société travaille déjà avec un réseau national de 170 collecteurs de proximité agréés
« Le réemploi est compliqué mais demeure un sujet majeur : nous travaillons avec nos centres de R&D afin des trouver des solutions pour réutiliser la plaque. Mais pour cela, il faut savoir où découper la plaque et connaitre l’origine du produit (Ndlr : qui n’est pas forcément du Placo) » indique Lucile Charbonnier.
En attendant, le groupe va poursuivre et intensifier sa démarche pour tripler sa capacité de recyclage à l’horizon 2025 (soit 150 000 tonnes) et atteindre les 200 000 tonnes en 2030. Selon Placo, le gisement à recycler est évalué entre 500 000 et 600 000 tonnes.
Cette démarche permettra donc d’intégrer davantage de plâtre recyclé dans les nouvelles productions, tout en gardant les mêmes performances. Et par conséquent, de limiter les prélèvements dans la nature et l’utilisation de matières premières, ce qui permet de boucler la boucle de l’analyse du cycle de vie des produits…
La société travaille déjà avec un réseau national de 170 collecteurs de proximité agréés.
Source : batirama.com/ Fabienne Leroy