La Fedene et le SNCU ont livré l?enquête 2020 sur les réseaux de chaleur et de froid : les progrès sont nets, mais trop lents pour atteindre les buts de la transition énergétique
Fin 2020, la France comptait 833 réseaux de chaleur urbains qui ont livré 25,4 TWh de chaleur dans l’année. Ils sont alimentés à 60,5% par des énergies renouvelables et de récupération et affichent un contenu de CO2 moyen de 101 g/kWh. Au total, 6 199 km de réseaux desservent 43 045 bâtiments raccordés.
Il n’existe que 32 réseaux de froid urbain en France fin 2020, même si notre pays est leader en Europe dans ce domaine. Ils ont livré 0,81 TWh de froid en 2020, à 1 401 bâtiments, desservis par 225 km de réseau au total. Leur contenu CO2 moyen atteint seulement 11 g/kWh.
Les ENR&TR les plus utilisées dans les réseaux de chaleur sont la biomasse, la géothermie profonde et la récupération de chaleur par incinération des déchets. ©PP
Les chaudières et incinérateurs sont peu modulables et sont donc dimensionnés pour assurer la base de la fourniture de chaleur. Les pointes de demande, ainsi que souvent la production d’ECS durant les périodes hors chauffage, sont la plupart du temps assurées par des chaudières gaz de forte puissance. ©PP
Respecter les trois plafonds de CO2/m²
Les progrès sont nets, mais le rythme de croissance actuel des réseaux de chaleur doit être triplé pour atteindre les objectifs que leur assigne la PPE et la Loi sur la Transition Energétique et la Croissance Verte : livrer 39,5 TWh de chaleur issues d’ENR&R (Energies Renouvelables et de Récupération) en 2030, puis multiplié par 7 d’ici 2050 pour atteindre les objectifs de neutralité carbone de la France.
Dans le même temps, le contenu de kgeqCO2/m² des réseaux de chaleur est désormais dans trois circonstances différentes et connaît, naturellement, trois définitions différentes.
Premièrement, pour avoir droit de facturer ses clients avec un taux de TVA de 5,5%, à la fois sur l’énergie (R1) et sur l’abonnement (R2), un réseau de chaleur doit être alimenté à plus de 50% par des ressources énergétiques renouvelables pour R1, tandis que le taux de 5,5% s’applique à R2 (abonnement) en toutes circonstances.
Pour mesurer ce premier taux d’ENR des réseaux, que nous appellerons le « taux fiscal », les ENR&R prises en compte sont la biomasse, la géothermie profonde, la récupération de chaleur fatale sur des déchets, mais aussi le biométhane issu de la méthanisation de déchets. Pour le calcul de ce taux fiscal, les réseaux peuvent donc utiliser des Garantie d’Origine Biométhane (GOB). Il existe par ailleurs encore une incertitude sur les réseaux de chaleur équipés de pompes à chaleur en sous-station.
De son côté, la RE2020, à travers son désormais célèbre indicateur ICénergie, fixe des plafonds d’émissions de gaz à effet de serre pour les bâtiments neufs : 560 kgeqCO2/m² pour les bâtiments de logements collectifs raccordés à un réseau de chaleur de 2022 à fin 2024, puis 260 kgeqCO2/m² à partir du 1er janvier 2025.
La RE2020 calcule le contenu kgeqCO2/m² grâce à une ACV (Analyse du Cycle de Vie) sur 50 ans et ne reconnaît pas les GOB : deuxième taux d’ENR et de kgeqCO2/m². Du coup, environ 39% des réseaux de chauffage urbain affichent des taux d’ENR&R au-dessus des exigences de la RE2020 et doivent accélérer leur évolution vers des ENR&R s’ils veulent conserver une part du marché du chauffage des immeubles neufs.
Enfin, pour le calcul du DPE (Diagnostic de Performance Energétique) des logements raccordés à un réseau de chaleur, celui-ci doit effectuer une déclaration de son contenu en CO2 – conformément au périmètre du taux fiscal. Cette déclaration est ensuite publiée dans un arrêté, le dernier date du 12 Octobre 2020.
La valeur publiée dans l’arrêté est la plus faible entre la valeur collectée en année n et la moyenne des contenus collectés au cours des années n, n-1 et n-2 : troisième taux de kgeqCO2/m².
Si, par hasard, l’exploitant ou le gestionnaire d’un réseau de chaleur n’ont pas répondu à l’enquête, le réseau se voit affecter la valeur du contenu CO2 du charbon : 385 gCO2/kWh.
Les chaufferies des réseaux de chaleur sont des installations de type industriel, avec des équipes de pilotage présentes en permanence, ainsi qu’une maintenance et un entretien efficaces. L’exploitant doit veiller particulièrement à maintenir le meilleur rendement possible, pour minimiser les achats de combustibles, et à respecter toutes les réglementations, notamment celles sur la qualité des produits de combustion, pour éviter les pénalités. ©PP
L’enquête nationale sur les réseaux de chaleur et de froid
Chaque année, une enquête est diligentée par le SNCU (Syndicat National du Chauffage et de la Climatisation Urbaine) sur l’état des réseaux français de chauffage et de froid urbain. En France, les réseaux de chauffage urbain ne couvrent que 5% des besoins de chaleur du pays qui s’élèvent à 671 TWh.
Ce qui place la France au 20e rang en Europe, mais ménage en même temps une très importante marge de progression. En revanche, selon l’enquête 2017 de l’association européenne Euroheat and Power, la France se place en 6e rang pour la vertitude globale de ses réseaux de chauffage urbain.
En 2020, le prix moyen de la chaleur TTC (R1 + R2) s’élevait à 75,5 €/MWh. 80% des 833 réseaux français pratiquent des tarifs TTC ≤ 100 €/MWh. L’abonnement (R2) représente environ 60% du total TTC R1 + R2. Plus la part d’ENR est importante, plus ce prix est stable dans le temps, parce que le prix de la biomasse et des déchets fluctue peu.
Mais en 2020, la forte baisse du gaz et du fioul a fait en sorte que les réseaux vertueux, ceux qui atteignent et dépassent 50% d’ENR&R, ont atteint des prix d’énergie plus élevés que les réseaux non-vertueux.
En 2021, en revanche, la Fedene – la fédération des services énergie environnement qui rassemble les exploitants de réseaux de chaleur et de froid urbain - fait remarquer que plus un réseau fait appel aux ENR&R, plus il sera à l’abri de la hausse rapide du prix du gaz. Et, par contrecoup, ses clients aussi.
Sorti de la chaufferie, le réseau de chaleur est un système bitube aller-retour de canalisations – en général en acier et préisolées – dans lesquelles circule de l’eau à différentes températures selon l'âge du réseau. Les réseaux les plus anciens distribuent de la vapeur. Les réseaux les plus modernes sont dimensionnés pour des températures qui permettent l’emploi de solaire thermique, de chaudières gaz à condensation ou de pompes à chaleur. Entre les deux, les réseaux distribuent souvent de l’eau surchauffée (>100°C). Tout ces réseaux aboutissent à des sous-stations de tailles variables, allant de quelques dizaines de kW à plus de 10 MW selon la taille et l’efficacité énergétique des bâtiments raccordés. ©PP
Etendre et densifier les réseaux de chaleur et de froid
La Fedene estime qu’il existe un potentiel important pour la création de nouveaux réseaux de chaleur dans les villes de 30 000 à 50 000 habitants. Et depuis 18 mois, l’association Amorce et l’Ademe – devenue Agence de la Transition écologique, mais personne ne l’appelle comme ça – ont conjointement entamé une tournée de ces collectivités pour porter la bonne parole des réseaux de chaleur et de froid renouvelable.
En ce qui concerne les réseaux existants, les obligations liées au classement des réseaux de chaleur et de froid seront modifiées. Le classement est la procédure qui permet à une collectivité de rendre obligatoire le raccordement au réseau, existant ou en projet, dans certaines zones, pour les nouvelles installations de bâtiments.
Dès 2022, le classement, optionnel pour l’instant, deviendra obligatoire pour les réseaux vertueux (>50% ENR&R). Ensuite, il sera fait obligation – aux termes de la loi Climat et Résilience et d’un projet de Décret qui sera mis en consultation d’ici la fin de l’année – à tout bâtiment – quelle que soit sa nature : maison individuelle, bâtiment tertiaire, bâtiment de logements collectifs - qui désire changer sa chaudière d’une puissance ≥ 30 kW, de se raccorder au réseau de chaleur vertueux ou bien de prouver que la solution retenue pour le bâtiment est au moins aussi vertueuse que le réseau de chaleur.
Il est probable que le Décret en préparation clarifiera un certain nombre de notions : qu’est-ce que la "vertu" (on dirait un sujet du bac), jusqu’à quelle distance du réseau vertueux ou jusqu’à quel coût de raccordement, l’obligation de raccordement s’appliquera-t-elle, …
Pour mettre de l’huile dans les rouages, le Fonds Chaleur géré par l’Ademe a consacré 2,5 Md€ aux réseaux de chaleur au cours des dix dernières années, puis 350 M€ en 2020 et à nouveau 350 M€ en 2021.
Tout cela représente 1/3 du montant total du Fonds Chaleur sur cette période. La Fedene veut plus, naturellement, pour hâter la transition énergétique.
Le fonctionnement et l'intérêt, tant écologique qu'économique, des réseaux de chaleur seront expliqués par le menu les 7 et 8 décembre prochains, lors de la semaine de la chaleur renouvelable, qui se tiendra au Grand Rex à Paris.
Source : batirama.com / Pascal Poggi