Vous offrez une formation à un salarié qui vous coûte de l?argent. Pouvez vous exiger que celui-ci reste dans votre entreprise pendant un certain temps ?
Cette question que l’on entend souvent relève du problème de la clause de dédit formation. Cette clause, qui doit être expressément acceptée par le salarié, permet à l’employeur qui a engagé des frais de formation professionnelle spécifique en faveur de ce salarié, de s’assurer ses services pendant un certain temps ou d’être remboursé de tout ou partie des frais en cas de départ de l’intéressé avant un délai fixé.
Elle est toutefois soumise à des conditions précises. Ainsi que l’a résumé la cour de cassation, la clause doit faire l'objet d'une convention particulière entre les parties, conclue avant la formation, précisant la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge de la salariée (Cass soc. 9 février 2010).
La clause de dédit formation doit respecter les obligations suivantes :
- Elle doit être expressément acceptée par le salarié avant le début de la formation (Cass soc. 4 février 2004)
- Elle doit préciser les date, nature, durée et coût réel de la formation (Cass soc. 31 octobre 2007). A contrario donc, l'indemnité mise à la charge du salarié ne peut être fixée sur la base d'une évaluation forfaitaire (Cass soc. 18 mars 1970). En outre, une clause de dédit formation ne serait pas licite si l'employeur n'a engagé aucun frais de formation (les dépenses étant par exemple remboursées par un organisme paritaire ou par l’Etat).
Il appartient donc aux juges du fond de s’assurer, avant de statuer, que les dépenses en cause ont bien dépassé pour l'employeur le cadre de ses dépenses obligatoires (Cass soc. 9 février 1994) Quant à la notion de coût réel de la formation, il convient de s’interroger sur la prise en compte du salaire versé aux intéressés.
La jurisprudence n’est pas clairement prononcée sur ce point, certaines juridictions du fond estimant que celui-ci reste dû, indépendamment de la formation effectuée, et ne saurait être remboursé. Si le montant de l’indemnité est « manifestement excessif », le juge a toujours la possibilité de la réduire conformément à l’article 1152 du Code civil
- Elle ne doit pas empêcher le salarié de démissionner (
Cass soc. 21 mai 2002)
- Elle doit être proportionnelle aux dépenses de l’employeur. Ainsi, toute clause de dédit formation dont le montant serait exorbitant, forfaitaire ou non dégressif pendant la durée d’application de la clause pourrait être écartée par le juge (Cass soc. 4 juin 1987
)
. Pratiquement, cette clause peut varier de quelques mois à 4 ou 5 ans, en tenant compte de la durée, du coût du stage de formation ainsi que de la qualification du salarié.
- Elle ne peut être conclue avec un salarié bénéficiant d'un contrat de formation en alternance comme un contrat de professionnalisation par exemple. Il n'est pas non plus possible d'imposer une telle clause aux salariés suivant des actions de développement de compétence (articles L. 6321-6 et suivants du Code du travail).
- Afin que la clause de dédit-formation soit mise en œuvre il faut que la rupture du contrat de travail soit à l’initiative du salarié et ne soit pas imputable à l’employeur (Cass soc. 4 juillet.1990 dans une affaire où un salarié avait démissionné suite à l’absence de versement des salaires par l’employeur).
Toutefois, que décider en cas de licenciement ? La jurisprudence semble ici opérer une solution de compromis. En effet, un salarié, licencié abusivement ou pour une cause économique, ne peut se voir réclamer le remboursement de ses frais de formation (V. Paris. 7 janvier 1971– Montpellier. 26 février 1991). En revanche, l’application de la clause serait de règle en cas de licenciement pour faute grave (Nancy. 25 avril 1983).
Source : batirama.comn/ François Taquet