Avec la neutralité carbone dans la ligne de mire 2050, la RE2020 porte la promesse de nouveaux modes constructifs et de matériaux biosourcés dopés dans le bâti. Mais, ils doivent encore émerger.
photo©CBC Greentech
Avec l’arrivée de la RE 2020, il va falloir encore plus agir sur l’efficacité énergétique des bâtiments : les constructions devront être compactes et bien orientées (60 % des baies au sud, sud-est ou sud-ouest, 15 % à l’Est et 15 % à l’ouest et 10 % au nord).
Outre l’exigence de performance au niveau de l’enveloppe du bâtiment renforcée, la perméabilité à l’air aussi devra être améliorée par rapport à la RT 2012. Les constructions traditionnelles avec structure maçonnée sont donc compatibles dans ce cadre.
Mais progressivement, pour afficher un bilan environnemental optimal, elles vont devoir se verdir ou se décarboner. Car l’amélioration de ce dernier est déjà actée. Il va être rendu plus sévère au fur et à mesure de la vie au vert de la RE 2020, avec un premier palier planté pour 2028.
Si le second-oeuvre demeure plus simple à décarboner que le gros-oeuvre (voir p 26), ce dernier devra améliorer progressivement son bilan avec des solutions déjà existantes…
Les briques et les blocs
Déjà inscrits dans une démarche environnementale en agissant aussi sur le levier de la mise en oeuvre, les blocs béton et briques terre cuite continuent de décarboner leur production visant déjà les enjeux 2050.
©Fabemi
Les blocs rectifiés sont synonymes d’impact carbone réduits par rapport aux blocs traditionnels en béton. A noter l’utilisation d’isolants biosourcés (mousse ou laine de roche) et solutions isolées RE2020 ready avec gammes d’accessoires adaptées pour répondre notamment aux enjeux des ponts thermiques en collectif.
Avec la pose au pistolet à joint mince pour la terre cuite, qui accroît l’économie de ressources et le confort au travail, la maçonnerie a déjà mis le pied dans les enjeux de la RE2020. Et les fabricants décuplent leurs efforts pour décarboner leur production.
La filière terre cuite déjà inscrite dans un Programme usine bas carbone 2050 met en avant production-distribution locale et éco-conception. En outre, les premières démarches favorisant une économie circulaire ont démarré. Même si l’application de la filière de reprise des déchets du bâtiment REP a été repoussée au 1er janvier 2023, les industriels sont déjà prêts.
Atouts : systèmes constructifs connus, réduction des consommations de matières premières et des consommations des ressources, éco-conception, production-distribution locavores.
Points de vigilance : reste pénalisé par rapport aux matériaux biosourcés par l’ACV dynamique. |
Le béton de bois
C’est une innovation biosourcée de rupture. Elle apporte au bâti confort d’hiver et d’été et bilan carbone négatif, en valorisant des coproduits du bois, une ressource renouvelable.
©CBC Greentech
RE 2020 oblige, les prescripteurs sont déjà en train de se l’arracher. Et Lafarge a décidé de mettre des billes dans cette start-up pionnière du béton de bois (CCB Greentech) qui revendique néanmoins son indépendance.
Il s'agit d'une technologie, issue de 15 ans de R&D, de 10 brevets, et déjà éprouvée sur une soixantaine de bâtiments sans aucun sinistre. Ils utilisent un béton qui a remplacé le gravier et le sable par des granulats issus de bois de trituration labellisés PEFC, des déchets de bois d'œuvre à la fin jusqu’ici fatale.
Outre ce matériau innovant, cette technologie embarque aussi des principes constructifs et la livraison du granulat de bois auprès de pré-fabricants. Leurs sites sont en cours de déploiement dans l’hexagone pour une production aux portes du chantier.
Atouts : préfabrication, pose rapide et de qualité, produit biosourcé à bilan carbone négatif, léger, très résistant au feu, isolation thermique répartie
Points de vigilance : construction jusqu’à R + 7, procédé constructif perspirant à optimiser avec isolation et enduits rapportés présentant la même qualité : laine de bois, enduit chaux, etc. |
Structures bois et isolation biosourcée
Favorisés par l’ACV dynamique qui donne l’avantage aux matériaux biosourcés sur la partie carbone en démarrage de vie, structure bois et isolants biosourcés cochent toutes les cases RE 2020.
©Steico
Paille, béton de chanvre, fibre de chanvre en panneaux semi-rigide, copeaux de bois, fibre de bois en panneaux ou en rouleaux, ou encore ouate de cellulose, ces isolants biosourcés affichent une faible empreinte carbone, et sont valorisables en fin de vie. Comme l’ossature bois à l’impact carbone optimisé avant et sur chantier, l'industrialisation et la préfabrication sont en plein essor.
Grâce à leur bonne inertie thermique, les isolants biosourcés stockent et transmettent lentement la chaleur. Le déphasage élevé, composante du confort d’été, est supérieur à celui des laines minérales à densité et épaisseur équivalentes. Dans tous les cas, une maison à ossature bois est comparable à une maison isolée par l’intérieur en matière de confort d’été qui sera optimisé dans une conception bioclimatique qui intègre ventilation naturelle et protections solaires.
Atouts : le bois reste le seul matériau de structure biosourcé, construction bois reconnue pour ses hautes performances thermiques en hiver, bonne inertie thermique des isolants biosourcés.
Points de vigilance : s’informer sur les classes d’emploi des isolants dans la construction bois pour connaître leur positionnement dans la paroi afin d’éliminer les risques de moisissures. |
L’interview de Thomas Lemerle* « Lecture de la RE2020 : les artisans ont besoin d’outils adaptés »
*ingénieur conseil Énergie/Carbone dans le bâtiment chez Pouget Consultants
Quels vont être les points de vigilance pour les entreprises lors de la mise en application de la RE 2020 ?
Thomas Lemerle : L’importante nouveauté est que l’on va comptabiliser l’impact carbone engendré par la construction des bâtiments. On appelle cette comptabilité carbone une analyse de cycle de vie (ACV).
Ceci concerne tous les éléments constituant un bâtiment : les lots architecturaux (matériaux de structure, second œuvre, etc.) mais aussi les équipements CVC et plomberie. Il va donc falloir s’assurer que les artisans mettent bien en œuvre les produits couverts par les données environnementales* que les bureaux d’études (BE) carbone auront sélectionnés dans leurs études RE2020.
Comment l’artisan va-t-il pouvoir vérifier que le produit ou matériau est bien concerné par la FDES sélectionnée par le BE ?
T. L. : En consultant la donnée environnementale* (FDES ou PEP) sélectionnée par le bureau d’études, l’artisan pourra connaitre les références produits couvertes par cette donnée. Pour faciliter la tâche des entreprises et maitres d’ouvrages, les BE devront afficher l’ensemble des données utilisées donc leur calcul et identifier les données environnementales les plus sensibles (ex : donnée individuelle**, poids carbone important, etc.).
Pour connaître ces données, l’artisan devra consulter la base INIES*** disponible en ligne. Il devra s’approprier cet outil avec aujourd’hui quelques difficultés. D’une part, son ergonomie pas tout à fait adaptée aux acteurs non spécialistes. D’autre part, elle est encore exprimée en ACV statique, alors que la RE2020 est exprimé en ACV dynamique, ce qui change la valeur de l’impact carbone. Il est donc important que des outils numériques émergent pour faciliter d’une part la lecture et la compréhension des données environnementales et d’autre part permette aux artisans de proposer des variantes équivalentes de manière autonome.
*Données environnementales : document affichant l’impact environnemental (carbone notamment) des produits. Ce document se nomme FDES quand il s’agit des lots architecturaux ou PEP s’il concerne les équipements CVC, plomberie.
** Il existe différents types de données environnementales :
*** Inies : Base nationale regroupant les données environnementales (FDES et PEP) |
Source : batirama.com/ Stéphanie Lacaze-Haertelmeyer