Cinq ans après l?obligation de choisir un statut, trop de conjoints qui participent à l?activité du chef d?entreprise travaillent encore dans l?ombre. Pourtant, cette réforme leur octroie des droits fondamentaux.
« Une femme, ce n’est pas une charge pour l’entreprise, c’est une chance ! ». Ce cri du cœur de Catherine Foucher, présidente de la commission nationale des femmes d’artisans de la Capeb, sonne comme un cri d’alarme. Dans le secteur du Bâtiment, elles seraient encore près de 60 000 à vivre dans l’ombre de leur mari ou concubin, sans aucun statut alors qu’elles participent activement à la gestion de l’entreprise.
Conjoint collaborateur, salarié ou associé, se déclarer sous l’un de ces trois statuts est pourtant une obligation depuis le 1er juillet 2007 pour toute personne participant à l’activité du conjoint chef d’entreprise. « Ce choix dépend de nombreux critères, confie Catherine Foucher. Il faut opter pour le statut le plus adapté à la situation familiale, au patrimoine, aux objectifs d’évolution de l’entreprise… »
Un statut évolutif
Organisations professionnelles et chambres de métiers peuvent vous guider à trouver le statut qui vous correspond le mieux. « Il faut savoir aussi que ce choix n’est pas définitif, poursuit Marie-Frédérique Do Couto, secrétaire générale de la chambre régionale des métiers et de l’artisanat d’Ile-de-France (CRMA). Il est tout à fait possible d’opter pour un statut pour démarrer l’activité et d’évoluer vers un autre quelques années plus tard. »
Le plus souvent, les femmes optent pour le statut du conjoint collaborateur, le plus « léger » en terme de cout pour l’entreprise puisqu’il ne donne lieu à aucune rémunération. Une solution qui peut permettre à une entreprise de démarrer sereinement.
Reconstitution de carrière
Un choix également prisé des conjointes qui se déclarent sur le tard. « Je rencontre beaucoup de femmes qui me disent qu’à 50 ans, elles n’ont aucun intérêt à se déclarer, qu’elles cotiseront à pure perte… C’est faux ! » assure Catherine Foucher. Il est possible pour elles de reconstituer leur carrière, de valider des trimestres gratuitement sur la décennie 1972-1982 et de racheter quelques trimestres pour les périodes travaillées après 1982. »
Mieux vaut tard que jamais donc, d’autant que la réalité peut avoir vite fait de vous rattraper. « Il faut savoir que le chef d’entreprise qui prend sa retraite perçoit une indemnité de 400 euros par mois pour son conjoint si celui ci n’a jamais cotisé », précise Agnès Hautin, du service juridique de la Capeb. Soit la modique somme de 33 euros par mois ! Sans parler des drames qui se nouent en cas de divorce ou de décès.
Ouverture de droits fondamentaux
Le conjoint qui opte pour un statut peut dès lors bénéficier d’une couverture sociale (retraite et maladie-maternité) et ouvre aussi ses droits à la formation. « En déclarant son conjoint, le chef d’entreprise reconnaît le travail de son épouse ou de sa compagne qui prennent dès lors conscience de leur valeur », estimeCatherine Foucher.
« On voit de plus en plus de femmes reprendre les rênes de l’entreprise lorsque leur mari prend sa retraite. Sans compter celles qui siègent dans les instances représentatives de leurs activités, organisations professionnelles… Et celles qui décrochent des diplômes grâce à la validation des acquis de l’expérience (VAE) ».
La reconnaissance d’un statut comme porte ouverte vers l’ascension sociale de ces femmes ? Assurément, mais le chemin est encore long !
Source : batirama.com / Céline Jappé
N.B : ce dossier a pu être réalisé grâce à la table-ronde organisée par l’Association des journalistes des PME (AJPME)
www.ajpme.fr
En savoir plus
Selon les chiffres communiqués par la Capeb, 40% des conjoints des 408 000 entreprises du secteur artisanal du BTP travailleraient au sein de ces TPE-PME. « On dénombre 9433 conjoints collaborateurs et on estime que 20 à 25% (+/- 36 000) travaillent sous statut salarié, confie Agnés Hautin.
Les conjoints associés sont difficiles à identifier car ils peuvent être salariés et associés en même temps… Ces chiffres nous permettent d’estimer à environ 60 000 les femmes qui restent dans l’ombre. »
Un site internet dédié aux conjoints
www.femmesdelartisanat.com, c’est le site internet dédié aux conjoints de l’artisanat et du commerce. Lancé par la MAAF en mars 2011 en partenariat avec la Capeb et la chambre de métiers, ce site est une véritable mine d’informations sur les statuts du conjoint. Il regorge de témoignages de femmes qui partagent leur expérience.
Vous y trouverez la réponse à toutes vos questions et pourrez même télécharger les documents officiels permettant de vous déclarer ainsi que les démarches à suivre. Et si vous avez encore des questions, sachez que la rubrique Forum vous est réservée.
« Il ne s’agit pas d’un blog, confie Emmanuel Chayé, délégué général de la MAAF. Toutes les réponses sont fournies par des experts juridiques de la Capeb ou de la chambre de métiers. » Un gage de sérieux et de crédibilité !
En bref
Ce que dit la loi
La loi du 5 août 2005 rend obligatoire le choix d’un des 3 statuts proposés pour tout conjoint participant à la vie de l’entreprise familiale. Collaborateur, salarié ou associé, tout dépend de votre situation personnelle, familiale et/ou matrimoniale et surtout de la forme juridique de l’entreprise.
Cette réforme, qui vise à protéger le conjoint, n’est pas réservée aux seules entreprises individuelles (EI) mais concerne aussi les sociétés (EURL et SARL). Cette obligation est effective depuis le 1er juillet 2007.
Combien ça coûte ?
Selon le service juridique de la Capeb, l’entreprise qui déclare son conjoint sous le statut de conjoint collaborateur s’acquitte d’un montant forfaitaire de cotisations sociales de 250 euros par mois.
Une somme déductible du BIC (bénéfice industriel et commercial), qui ouvre de nombreux droits comme la retraite, la protection maladie et congés maternité, la formation continue.
Quels risques encourus ?
Si le contrôleur de l’Urssaf estime que le conjoint non déclaré participe effectivement à l’activité de l’entreprise « de façon régulière et habituelle » (même si cela ne représente que 4 heures le dimanche après midi !), il estime être confronté à une situation de travail dissimulé et redresse systématiquement sur des bases forfaitaires.
Selon la Capeb, qui commence à voir des cas de contrôles remonter jusqu’à ses services, un redressement s’élève en moyenne à 15 000 euros… (soit 5 ans de cotisation forfaitaire à 250 euros par mois…).
Pour l’heure aucun cas de poursuites pénales n’a été enregistré. Rappelons toutefois que l’employeur reconnu coupable de travail dissimulé est passible de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.