La labellisation E4C2, très difficile à obtenir, est néamoins envisagée par de nombreux projets de constructions. (Photo : Groupe scolaire de la ZAC des Orfèvres à Trévoux en construction. © Gallet Architectes)
A Bruges au nord de Bordeaux, le groupe scolaire Frida Kahlo dispose déjà de la première phase de labellisation E4C2. A Trévoux dans l’Ain, au cœur de la ZAC des Orfèvres, un groupe scolaire en construction vise ce même niveau sans labellisation, comme de nombreux projets actuels en cours de conception l’envisagent.
Peu après le lancement de la labellisation E+C-, en juillet 2016, les ingénieurs conseil d’Enertech, champions de la basse consommation, ont construit à Pont-de-Barret dans la Drôme leurs nouveaux locaux labellisés entre autres E4C2. C’était il y a quatre ans et demi.
Depuis, il semblerait que ce niveau soit hors d’atteinte, car il faut des panneaux photovoltaïques pour atteindre le niveau E4 mais cela dégrade la performance C2. Quelques opérations E3C2 se sont achevées avec succès, notamment dans le logement où les besoins d’eau chaude sanitaire rendent le niveau E4C2 encore plus virtuel. C’est le cas de l’opération Zéro Carbone de Chanteloup-en-Brie où l’agence M’Cub s’est associée à A003 Architectes. Dans la foulée, M’Cub et Gallet Architectes ont développé un projet de groupe scolaire incluant une salle de sport et un restaurant sur 3000 m2 couvert et 3600 m2 d’espaces extérieurs, livrable pour la rentrée 2022, à Trévoux. Une labellisation n’est pas prévue mais l’AMO AMOES trace les performances énergie et carbone au plus près.
Deux groupes scolaires comparables
A Bruges, Compagnie Architecture devrait achever pour la même date d’ouverture un groupe scolaire avec 6 classes de maternelle, 10 classes d'élémentaire, un restaurant scolaire et un pôle périscolaire pour une surface de plancher de 2800 m2 et des espaces extérieurs équivalents. Dans la mesure où la construction neuve de logements sous RE2020 correspond peu ou prou à un niveau E2(+)C1, les deux opérations sont scrutées avec intérêt et constituent un point fort de l’atelier parallèle B4 du prochain Forum Bois Construction, au Centre Prouvé de Nancy le 8 avril 2022 à 9h.
Axonometrie du groupe scolaire Frida Kahlo. Image © Compagnie Architecture
Dans la mesure où le BE de l’opération Frida Kalho, Albert&Co, se trouve à Montreuil tout comme les bureaux de M’Cub, un point d’étape comparatif et informel a été fait le 28 janvier avec Marc Serieis d’Albert&Co et Christian Hackel de M’Cub, qui se côtoient par ailleurs.
Marc Serieis d’Albert&Co et Christian Hackel de M’Cub à Montreuil. Photo © J. Tophoven
Montreuil, ICEB ou Bouchain ?
La haute performance est-elle la résultante d’une « école de Montreuil » ? Christian Hackel en conviendrait, même si l’agence Gallet découle de Tectoniques, et que Compagnie émane au moins en partie de l’agence Construire et de la pratique de Patrick Bouchain. Pour Marc Serieis, la référence de Montreuil ne veut pas dire grand-chose, à la différence de l’ICEB qu’il préside par ailleurs. Le point commun des deux opérations est, outre la visée scolaire maternelle élémentaire et la taille, le recours à la structure bois, aux isolants biosourcés (laine de bois à Bruges, paille à Trévoux), aux puits canadiens et à l’énergie photovoltaïque. Le prix de construction au mètre carré est comparable et tourne autour de 3000 euros. Par ailleurs, les deux spécialistes reconnaissent que la phase travaux les place actuellement sur le fil en termes de performance E4C2. Pour le reste, les deux projets sont bien différents, à commencer par la facture architecturale compacte et linéaire à Trévoux, et dispersée en 5 « maisons » à Bruges.
Une des « maisons » du groupe scolaire Frida Kalho en cours de construction. Photo © Ivan Mathie
La volonté du mandataire
A Bruges, il s’agit d’une opération de conception-réalisation dont le mandataire est le constructeur bois Charpente Cénomane. Selon Marc Serieis, ce constructeur se distingue par cette finesse acquise de la fréquentation des projets et artistes du spectacle. Par ailleurs, le constructeur est demandeur de la labellisation E4C2 et en comprend tout l’enjeu national, au même titre que l’entreprise générale Legendre qui intervient pour l’équipement photovoltaïque. Marc Serieis : « Avec le mandataire, nous avons convenu au départ de nous caler d’abord sur les valeurs forfaitaires, plus défavorables : ainsi, en phase chantier, nous disposons d’une petite marge de manœuvre, d’autant que nous prenons en compte le réel final des linéaires utilisés ». La maîtrise d’œuvre et la mise en œuvre tirent dans la même direction.
L’impact de l’aménageur
A Trévoux, l’exigence en matière de performance E+C- est portée dès l’origine par Nicolas Bory, directeur de l’urbanisme et en charge du développement de la ZAC des Orfèvres. Il souhaite placer la barre haut pour stimuler les ouvrages qui entoureront l’école. Notamment pour pallier aux contraintes sismiques et à la déclivité du sol, le groupe scolaire de Trévoux recourt au béton pour la structure du rez-de-chaussée. Selon les fiches FDES, le choix d’un type de béton « bas carbone » permet d’améliorer la performance carbone du béton d’environ 15%.
Montage de la façade en bois-paille. Photo © Gallet Architectes
La façade en bois-paille avec enduit fini clair. Photo © Gallet Architectes
Cette déclivité facilite l’installation d’un puits canadien. La mairie de Trévoux a choisi de confier la gestion des panneaux photovoltaïques a une association, ce qui complique un peu le déroulement des travaux. Le projet s’illustre par le recours, non seulement à des parois en paille, mais par la systématisation d’enduits en terre côté intérieur, et chaux côté extérieur. Pour Christian Hackel fondateur de M’Cub, le projet de Trévoux s’inscrit dans une série de quatre autres groupes scolaires en cours, qui recourent à la paille et visent également une haute performance énergie/carbone : "Ce qui est remarquable dans l’opération de Trévoux, c’est que la recherche de sobriété et de frugalité est au moins aussi importante dans la définition des modalités de fonctionnement et d’exploitation de l’équipement (mutualisation / partenariat énergétique…) que dans les choix conceptuels de construction de l’ouvrage."
Incitation à la frugalité
Alors que le label PassivHaus est concentré sur la performance de consommation d’énergie à l’usage, l’approche E+C- a le mérite de faire entrer en jeu le critère complémentaire du carbone. L’agence Compagnie n’hésiterait pas pour dire que ces critères ne suffisent pas pour livrer un équipement scolaire acceptable, d’autant que le projet de Bruges a été conçu selon une double approche de performance E+C- et de reconnexion des élèves à la nature. Le respect des performances dépend des intervenants et notamment des mandataires, mais aussi de l’existence ou non de pénalités. Marc Serieis : "La méthode de calcul C est vertueuse dans le sens où elle dissuade de l’empilage et incite à la frugalité". La France est en train de se doter d’un savoir-faire envié à l’international et servi par le développement rapide, dans l’Hexagone, de la préfabrication des éléments biosourcés. Une occasion à saisir absolument.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven