Michel Guisembert, 61 ans, premier conseiller des Compagnons du devoir, a été élu président du Comité français des Olympiades des métiers en mars 2012. Il évoque les nouveaux enjeux de la compétition.
Comment s’est passé le passage de flambeau entre Marie-Thérèse Geffroy et vous-même à la présidence du Cofom ?
Quand Marie-Thérèse Geffroy a souhaité partir après 11 années au service du Cofom, elle m’a sollicité. Etant déjà « en responsabilité » au sein des Compagnons du Devoir, il a fallu que je réfléchisse et j’ai accepté cette mission en connaissance de cause. En juin 2013, mon mandat de premier conseiller prend fin, ce qui me laissera plus de temps pour me consacrer à cette présidence. Certes, entre temps, une période chargée nous attend avec la préparation d’Euroskills en Belgique en octobre, la préparation des finales nationales à Clermont Ferrand en novembre, et les finales internationales à Leipzig en juillet 2013…
Quelle est la philosophie de la France et le positionnement que vous défendez ?
En arrivant au Cofom en tant que président, j’ai souhaité m’inscrire dans l’objet de la création des Olympiades qui repose sur un terme, « les métiers », qu’il faut redéfinir. Le métier n’a rien à voir avec un « Job » ! C’est la bonne époque pour le faire et je souhaite participer à valoriser « les métiers », notamment ceux en tension comme dans le secteur de l’industrie. Les autres enjeux reposent sur la formation des jeunes et sur l’affirmation de la position de la France à l’international.
Qu’est-ce qu’un « métier » pour vous ?
Pour moi, un métier permet d’abord de travailler, de gagner sa vie et de s’épanouir. Un métier doit également s’inscrire dans la durée mais aussi pouvoir évoluer. On n’apprend pas un métier en deux jours… Un métier allie donc forcément l’intelligence, le savoir-faire et la mise en œuvre. Notre organisation sera amenée à réfléchir sur ces questions, notamment par rapport à la demande de certaines professions désireuses de participer aux Olympiades.
Ou se situe la France aujourd’hui ?
La compétition internationale qui s’est déroulée à Londres en octobre 2011 a été magnifique et la France s’est distinguée avec 9 médailles et 9 médaillons d’honneur. Elle occupe ainsi le 5e rang mondial et 2e rang européen. C’est une position que je souhaiterais faire progresser grâce aux stages de préparation dispensés par le Cofom en adéquation avec les standards internationaux. Par ailleurs, la France continue d’être force de proposition notamment pour les sujets internationaux. Trois sujets français ont été retenus pour la compétition internationale de Leipzig dans les métiers de la bijouterie-joaillerie, les arts graphiques et le tournage.
Comment évolue la compétition en termes d’épreuves ?
Les métiers demandent de plus en plus de compétences, tout simplement parce que nous sommes devenus des consommateurs exigeants. Les compétences doivent donc être plus pointues, notamment dans le secteur des nouvelles technologies. C’est aussi vrai pour les autres métiers, comme celui du bois où l’on exigera des finitions parfaites. D’autres métiers en revanche subissent une évolution plus lente sur le plan de la compétition, comme ceux de la pierre ou du chauffage. Mais attention, cela ne reflète pas la réalité des professions car on sait qu’il faut être très pointu quand on est climaticien ou frigoriste.
Pourquoi ce décalage entre certaines épreuves ?
Pour organiser la compétition internationale, il faut 12 pays participants. Il est difficile parfois de trouver 12 pays dont le sujet est commun… C’est la raison pour laquelle, dans l’épreuve de maçonnerie, le sujet est toujours la brique, ce qui est en marge de la réalité des métiers. Mais on contraint les candidats maçons à travailler sur ces techniques.
Certaines épreuves sont-elles menacées ?
On met tout en œuvre pour sauvegarder la présence des tailleurs de pierre, mais l’équilibre est très fragile. Le métier de la charpente est sauvé en revanche car on a fait évoluer les sujets afin de conserver ce métier. D’autres métiers aimeraient participer mais on ne s’entend pas toujours entre les pays participants pour trouver un sujet commun : c’est le cas des constructeurs de route qui participent, en revanche, à l’épreuve d’Euroskills.
L’arrivée des pays émergents dans cette compétition a-t-elle changé la donne ?
Oui l’arrivée de ces pays, notamment les pays asiatiques, a changé la donne. Notons au passage l’entrée en compétition cette année de la Russie. Ces nouveaux pays arrivent avec de gros moyens. Ainsi, au Brésil, les organisations professionnelles du secteur de l’Industrie n’ont pas hésité à investir dans 200 machines pour former les jeunes candidats chez eux…
La France souffre-t-elle de handicaps ?
Oui, nous avons un problème typiquement français, celui de la langue. La compétition se déroulant en anglais, nous sommes pénalisés lors des épreuves, lorsqu’il faut lire les sujets ou les noter car nos candidats et nos experts ne sont pas tous bilingues. L’année dernière, le Cofom a envoyé dix jeunes en Australie afin de se familiariser avec l’anglais en vue de la compétition de Londres. Enfin, il faudrait également augmenter le niveau de culture générale des jeunes, et cela quel que soit leur métier. Cela signifie simplement, être ouvert et curieux ou à la recherche d’informations pour mieux se préparer à l’épreuve. C’est important quand on comprend que cette compétition est avant tout un échange de savoir et de pratiques…
Source : batirama.com / Fabienne Leroy
Wordskills : les dates à retenir
- Euroskills (Spa-Francorchant/ Belgique) : 4, 5 et 6 octobre 2012
- Finales nationales (Clermont-Ferrand/ Auvergne ) : 22, 23 et 24 novembre 2012
- Compétition internationale (Leipzig/ Allemagne) : du 2 au 7 juillet 2013
- Euroskills (Lille/ Nord-Pas-de-Calais) : du 20 au 26 octobre 2014
- Finales nationales (Strasbourg/ Alsace) : 29, 30 et 31 janvier 2015
- Compétition internationale (Sao Paulo/ Brésil) : du 10 au 16 août 2015
A propos de MIchel Guisembert
Michel Guisembert, 61 ans, exerce la responsabilité de premier conseiller des Compagnons du Devoir depuis 9 ans (un poste équivalent à celui de Président). Natif de Normandie dans l’Orne, il est entré chez les Compagnons à l’âge de 17 ans pour y apprendre le métier de mécanicien de précision et est parti pendant 5 ans sur le Tour de France. Depuis des années, Michel Guisembert suit avec intérêt la compétition des Olympiades des métiers d’autant plus que les Compagnons du Devoir sont à l’origine de la création de cette compétition (après la 2e guerre mondiale).