31% des entreprises interrogées estiment ne pas pouvoir faire face aux difficultés engendrées par le contexte économique et géopolitique au-delà d'un an, 56% des artisans voient leur moral impacté.
Epidémie de Covid-19 et ses multiples conséquences, inflation du prix des matériaux et de l'énergie, conflit russo-ukrainien... Les entreprises artisanales du bâtiment sont en souffrance. Selon une étude de la Capeb Auvergne-Rhône-Alpes publiée le 13 avril après avoir consulté environ 9000 entreprises, la situation pour les entreprises artisanales du bâtiment est "brutale et anxiogène", particulièrement pour les petites entreprises.
En effet, 31 % des entreprises indiquent ne pas penser pouvoir faire face aux difficultés engendrées par le contexte économique et géopolitique au-delà d'un an. 18% seulement des entreprises sans salarié et 17% des entreprises entre 1 et 5 salariés pensent pouvoir résister 2 ans et plus. 56% des artisans, contre 27% des entreprises de plus de 20 salariés, voient leur moral impacté par la situation actuelle.
Prix des matériaux et hausse du prix du carburant, difficultés principales citées
A la question "quelles sont les difficultés que vous rencontrez actuellement ?", les augmentations de prix des matériaux arrivent en tête des réponses (95%), suivi de près par la hausse du prix du carburant (90%). L'augmentation des délais de livraison et les difficultés d'approvisionnement sont également concernant pour, respectivement, 71% et 70% des entreprises interrogées.
La pénurie de matériaux et les retards dans les délais de livraison inquiètent 46% des entreprises, tandis que les hausses du prix de l'énergie, les ruptures de stock et l'évolution des conditions de commandes chez les fournisseurs sont cités par entre 37% et 32% des entreprises. 20% des entreprises constatent un ralentissement de l'activité, voir, pour 8% d'entre elles, des arrêts de chantier.
Dans la liste des matériaux les plus touchés par les pénuries et augmentations de prix ressortent particulièrement :
- l’acier et autres métaux : aluminium, cuivre, laiton, inox.
- le bois et les produits dérivés : menuiseries, parquets, panneaux, OSB, bois de charpente, lamellé/collé, etc. sans distinction d’essence ou de localisation.
- les matériaux d’isolation
- la ferraille
- les consommables : visserie, quincaillerie, silicone, joint, etc.
- les tuiles et tous les matériaux de couverture et zinguerie
- les matériaux de plâtrerie : plaques et armatures métalliques
- la peinture
- le carrelage et la faïence
- les matériaux construction (béton, briques, armatures, fer, ciment, etc.)
- les matériaux avec composant électronique/électrique (disjoncteurs, tableaux, clim, volets roulants, photovoltaïque, etc.)
- la menuiserie (alu, PVC)
- le PVC (hors menuiserie)
- l’équipement chauffage (chaudières / PAC / etc.)
- les sanitaires / la robinetterie
A noter également, les cyberattaques touchent 18% des entreprises de plus de 20 salariés, et les vols sont également plus fréquents dans les entreprises de taille plus importante (18% pour le vol de carburant pour les entreprises de plus de 20 salariés contre 4% en moyenne régionale, ainsi que 36% de vol sur chantier contre 7% en moyenne régionale).
Les solutions mises en place par les artisans
Pour faire face, 77% des artisans ont indiqué avoir diminué le délai de validité des devis, 63% ont essayé de stocker des matériaux, 45% négocient avec les fournisseurs et distributeurs, tandis que 39% allongent les délais de réalisation des chantiers et que 33% aménagent les plannings de chantier.
70% subissent des variations de prix entre le devis signé et la facture, 18% répercutent cette hausse
© Capeb Auvergne-Rhône-Alpes
Tandis que 70% des entreprises ont subi des variations de prix entre le devis signé et la facture, seules 18% d'entre elles ont répercuté cette hausse. La marge des artisans a donc été fortement réduite pour nombre d'entre eux. Et effectivement, 85 % des entreprises constatent une perte de marge actuellement.
65% des entreprises indiquent une perte de rentabilité des chantiers, et 50% indique avoir perdu confiance en l'avenir.
Les mesures proposées par la Capeb
Face à des mesures gouvernementales jugées insuffisantes par la Capeb, voici les mesures concrètes que cette dernière propose :
- Veiller à ce que les industriels et les négoces ou distributeurs participent activement au comité de crise du BTP mis en place par le gouvernement, intègrent dans leurs prix le juste coût de la décarbonation et assument les risques d’augmentation des prix avec la filière dans le cadre d’une charte de solidarité ;
- Exiger des fournisseurs qu’ils préviennent au moins 3 mois à l’avance les entreprises du Bâtiment de toute augmentation des prix et qu’ils garantissent leur stabilité durant au minimum trois mois. En effet, les tendances pratiquées actuellement imposent parfois un paiement au comptant et des validités des prix de 24h ou 48h alors que le délai de rétractation des clients est de 14 jours ;
- Rembourser, comme pour le secteur agricole et le secteur des travaux publics, une partie de la TICPE pour les carburants utilisés pour des véhicules professionnels ;
- Imposer aux banques et aux assureurs crédits qu’ils ne dégradent pas la cotation des entreprises dès lors qu’elles décident de reporter le remboursement de leur PGE ;
- Accélérer la refonte du calcul des différents index BT et leurs publications dans des délais rapides au regard de la crise actuelle ;
- Appliquer une TVA à taux réduit de 5,5% pour l’ensemble des travaux de rénovation ;
- Marchés publics. Rendre enfin systématique, au profit des entreprises, l’application de pénalités en cas de retard de paiement du maître d’ouvrage ;
- Mettre en place un mécanisme de bouclier tarifaire du coût de l’énergie aux niveaux européen et français pour disposer d’une production industrielle à prix maîtrisé et permettre la continuité des politiques publiques de rénovation énergétique et environnementale, directement menacées par la flambée des coûts des matériaux.
La Capeb indique que certaines de ces mesures ont été entendues, notamment la révision accélérée des index à partir de mai 2022, la mise en place d’une aide temporaire pour les entreprises de TP, l’organisation d’un comité de crise BTP départemental et la publication d’une circulaire aux maîtres d’ouvrage publics sur la révision des prix. "Ces mesures restent cependant insuffisantes au regard de la situation et la Capeb poursuit donc sa mobilisation" indique le communiqué du 13 avril.
Une mobilisation qui ne concerne pas uniquement le gouvernement et qui a déjà donné ses fruits auprès de certains industriels : ainsi l’enseigne de distribution Saint-Gobain s’est récemment engagée par écrit pour encadrer la hausse des prix avec des propositions concrètes comme celle de l’autoriser seulement le premier de chaque mois.
© Capeb AuRA
Dominique Guiseppin, président de la Capeb Auvergne-Rhône-Alpes et chef d'entreprise artisanale de peinture en Savoie, indique : "La situation est particulièrement inquiétante pour nos entreprises, c'est leur rentabilité et à terme la pérennité de l’artisanat qui est en jeu. (...) À l’heure des élections présidentielle et législatives, il est grand temps que nos dirigeants entendent enfin la voix des entreprises artisanales et leur proposent des mesures adaptées."
Source : batirama.com / E. Wood / Image © pch.vector