La Lettre mensuelle de conjoncture des matériaux de construction indique qu'un premier repli des volumes est observé en mars pour les granulats et le béton prêt à l'emploi, repli qui devrait s'amplifier en avril.
"Même si les carnets se regarnissent graduellement côté TP et restent bien remplis côté bâtiment, la réalisation des travaux demeure plus que jamais sous contrainte" indique la Lettre mensuelle de conjoncture des matériaux de construction publiée le 18 mai par l'Unicem. Tensions sur les approvisionnements, difficultés de recrutement pèsent sur l'offre, et le choc inflationniste majeur sur l'énergie et les matières premières affectent l'ensemble de la filière BTP. La flambée des prix renchérit les coûts de production et menace les trésoreries tandis que les perspectives de demande se fragilisent à terme.
Recul des productions en mars
Selon les résultats provisoires de l’enquête mensuelle de mars, l’activité aurait reculé dans le secteur des matériaux. La production de granulats se serait repliée de 2,6% par rapport à février et de 2,1% au regard de mars 2021. Au premier trimestre et grâce à un bon début d’année, les volumes demeurent en hausse de5,1% comparé au quatrième trimestre 2021 et progressent de 1,5% sur un an. L’activité est donc restée dynamique au cours des trois premiers mois de l’année 2022 et surpasse sensiblement la moyenne constatée sur cette période depuis 2010.
En cumul sur les douze derniers mois, la production de granulats s’affiche en hausse de 5,7% en comparaison des douze mois précédents. Côté BPE, les livraisons ont également baissé, de 1,9% comparé à février et de 3,8% en glissement annuel (CVS-CJO). Cependant, le premier trimestre 2022 s’inscrit lui aussi en hausse, de 2,2% par rapport au trimestre précédent et de 1,2% comparé à l’an passé. Là encore, les volumes de BPE surplombent largement le niveau moyen constaté sur longue période pour un premier trimestre, ce qui traduit une activité encore soutenue en ce début d’année. En cumul sur douze mois, l’activité BPE s’inscrit en hausse de 5,2% en comparaison des douze mois précédents. L'indicateur matériaux de l'Unicem, encore provisoire sur mars, indique aussi un net fléchissement d’activité avec un recul de 3,3% sur un an.
De fait, après une année 2021 en progression de 9%, le premier trimestre revient sur une tendance haussière bien plus modeste, de +0,9% en glissement annuel, certains matériaux ayant par ailleurs connu un début d’année en net freinage.
Bâtiment, les difficultés s'accentuent
Selon la dernière enquête menée par l’Insee dans l’industrie du bâtiment en avril, le climat des affaires est resté très favorable, atteignant même son point haut depuis ces quinze dernières années. Toutefois, si les chefs d’entreprise se montrent plus positifs qu’en mars sur leur activité passée, ils sont moins optimistes sur leur activité future même si le solde d’opinion correspondant demeure très largement au-dessus de sa moyenne de long terme.
Le conflit russo-ukrainien, au moins en partie, explique sans doute ce mouvement de repli. En effet, les difficultés d’approvisionnement s’accroissent nettement selon l’enquête, puisque 39% des entreprises y sont confrontées, soit un pourcentage jamais atteint depuis le début de cette série (1998) et bien supérieur au ratio moyen sur la période (5%).
Dans un contexte économique encore perturbé par la pandémie (confinement en Chine avec la politique zéro-Covid) et ébranlé depuis fin février par la guerre en Ukraine, la flambée des coûts énergétiques et la fragilisation des chaines de valeur et de la logistique viennent aiguiser les difficultés d’offre, déjà prégnantes avant le déclenchement du conflit ; car même si l’opinion des chefs d’entreprise sur leurs carnets de commandes se dégrade un peu, ce qui constitue sans doute d’ailleurs un premier signal d’affaiblissement de nouvelles entrées de commandes, le volume des chantiers, en cours et à réaliser, reste élevé (environ 9,4 mois de travaux dans le gros œuvre).
Face à cette demande vigoureuse, les tensions sur les intrants et la main d’œuvre conduisent à allonger les délais de réalisation des chantiers (ce qui maintient à haut niveau les carnets) et à renchérir les coûts de production. De fait, les chefs d’entreprise sont de plus en plus nombreux à annoncer qu’ils augmenteront leurs prix dans les prochains mois tandis que, dans le même temps, les trésoreries commencent à se dégrader, notamment dans le gros œuvre.
Côté demande, les signaux de fragilisation se multiplient. L’accélération de l’inflation (y compris immobilière) rogne le pouvoir d’achat et la solvabilité des ménages. Bien que la remontée des taux d’intérêt s’amorce à partir de niveaux historiquement bas (1,27% en moyenne en avril, soit +20 points de base comparé à avril 2021 selon l’OCL/ CSA), le climat d’incertitude, la crainte du chômage et le durcissement des conditions d’octroi de crédits constituent un ensemble de facteurs plutôt propice à l’attentisme et à un comportement de sur-épargne.
La dernière enquête de l’Insee menée auprès des promoteurs en avril indique que la demande de logements neufs se dégrade fortement, les incitant à revoir à la baisse leurs projets. Côté maison individuelle, le baromètre Markémétron, qui signalait déjà un début d’année très ralenti, confirme un net repli des ventes au premier trimestre, de -25,7% en glissement annuel. Il est vrai qu’il fait suite à une année 2021 exceptionnelle, portée par l’anticipation de l’arrivée des nouvelles normes et réglementations au 1er janvier 2022 (RE2020, loi ZAN).
Ainsi, au premier trimestre, les permis de construire de logements ont grimpé de 25% sur un an pour atteindre un cumul de 496 900 unités sur douze mois à fin mars (soit une hausse de 26%). Dans le même temps, les mises en chantier gagnaient 4,8%, laissant le cumul annuel à 394 000 unités, en hausse de 9,7% comparé aux douze mois précédents. Même si cette forte hausse des autorisations, sans doute liée à la ruée sur les permis déposés avant fin décembre, sera probablement suivie d’un fort contrecoup en 2022, elle alimente pour l’heure une demande constructive déjà élevée.
Du mieux du côté des carnets en Travaux publics
Interrogés en avril par la FNTP, les entrepreneurs des travaux publics se montrent moins optimistes qu’en janvier sur leur activité prévue au cours des prochains mois. Cependant, leur activité passée s’est raffermie et leur opinion sur les carnets de commandes s’améliore tant pour la clientèle publique que privée, se situant bien au-dessus de leur moyenne de long terme. Si le manque de demande ne semble pas constituer un obstacle à l’activité (ce facteur figure en troisième position avec 25% des réponses, après les contraintes financières à 30% et les difficultés de recrutement à 36%), l’inquiétude et les incertitudes économiques grandissent parmi les professionnels du secteur. Confrontés comme le reste de la filière à l’inflation des coûts produite par le double choc sanitaire et sécuritaire, les travaux publics peinent à résoudre la difficile équation qui consiste à pouvoir honorer les commandes et réaliser les chantiers sans mettre en péril les trésoreries.
Source : batirama.com / Photo © Momentmal - Pixabay