Le président de la République demande des économies d’énergie pour éviter les rationnements cet hiver, le président du Sénat boude le CNR et inaugure la veille un nouveau centre aqualudique Castalia à Maurepas.
Certes, le centre aqualudique qui remplace une piscine des années 70 fermée en 2015 devrait consommer deux fois moins d’énergie que l’ancienne, avec en surplus une grande variété d’activités notamment autour du bien-être et des loisirs. Ailleurs, quelques piscines ferment à moins de "multiplier le prix des entrées par trois".
Castalia est une naïade qui a résisté à Apollon. L'inauguration du 7 septembre a été l'occasion d'admirer les naïades de la nage synchronisée sur fond musical hollywoodien, orchestre de jazz à l'appui.
A Maurepas, l’exploitation-maintenance est confiée pour 23 ans à un groupement Swimdoo créé par Engie et Recréa. Depuis 30 ans, Récréa est devenu un acteur notable de délégation de service public en gérant une centaine d’équipements partout en France dont de nombreuses piscines. Le concept de centre de bien-être lui convient parfaitement, mais pour gérer la crise durable de l’énergie, il va falloir que Swimdoo apprenne à nager.
Un peu comme le musée Guggenheim à Bilbao
Pour Maurepas, la délégation du service public a été une pomme de discorde. Lors de l’inauguration, le maire de Maurepas a rappelé que 15 recours "politiques" ont été déposés contre cette nouvelle piscine. Et que cela n’a pas été facile de mobiliser pour un projet qui se monte à 21 millions d’euros de travaux (1130 m² de plan d’eau). L’opération semble avoir profité de l’aubaine des Jeux Olympiques et de l’appui de la ville-sœur d’Elancourt, site de quatre épreuves olympiques. Désormais, Castalia est à la fois le faire-valoir de St Quentin-en-Yvelines pour sa vocation sportive, mais aussi de la montée en gamme d’une ville nouvelle qui, en cinquante ans d’existence, a vu les arbres grandir pour cacher les rocades et des champs mornes de l’Hurepoix.
Coste architecte de l'énergie et du carbone
Faire appel à l’agence Coste Architectures était une bonne idée, car elle est spécialisée dans la conception des centres aquatiques depuis 30 ans et concentrée sur l’efficacité énergétique et carbone de ses réalisations. La cheffe de projet était Sabine Pinardon, selon une formule chère à Coste de réaliser une mission globale avec l’exécution : "Castalia développe une architecture sobre et fonctionnelle, tous les espaces sont optimisés. Sa conception est bio-climatique, favorisant les apports de lumière naturelle. La hauteur sous plafond est plus basse dans la halle ludique pour économiser le chauffage de l’air ambiant.
L’entreprise Simonin s’est chargée du lot bois (EG Eiffage), avec la charpente en lamellé-collé mais aussi la façade porteuse sud en bois et le patio du premier étage.
Les matériaux utilisés assureront la pérennité de l’équipement et minimiseront son empreinte environnementale : parements et charpente en bois, éléments acoustiques en fibre de bois, bassins en inox recyclables… Le bâtiment est équipé de chaudières à condensation à gaz, réemploi plusieurs fois l’eau des bassins (nettoyage des filtres, sanitaires…) avant l’envoi à l’assainissement et consomme 20 % d’énergies renouvelables, une pac… »
Bassin nordique avec un climat qui a perdu le nord
A Maurepas, le bassin "nordique" extérieur doit permettre de nager l’hiver dehors avec une température ramenée à 25° et serait protégée hors utilisation par une couverture thermique. Est-il encore d’actualité ? Selon les concepteurs, chauffer l’eau est moins pénalisant que chauffer l’air, la profondeur du bassin est faible (comme pour les bassins nordiques) et l’exposition est plein sud. Il est toujours possible de fermer le bassin nordique quand il fait trop froid. Cependant ce bassin permet d'accueillir le public malgré les cours scolaires.
La démolition-reconstruction est-elle encore jouable ?
Une rénovation de l’ancienne piscine métallique avec plomb et amiante aurait-elle permis d’affronter plus efficacement la crise énergétique ? De plus, l’ancienne piscine ne correspondait pas aux attentes actuelles de bien-être et de loisirs. Quoi qu'il en soit, elle est désormais remplacée par un ensemble splendide qui devra affronter cet hiver la crise de l’énergie.
Patio au premier étage avec platelage sur isolant Foamglas.
Est-ce que le programme de 1000 piscines-passoires peut se prévaloir d’une gestion durable de la part de la République ? Ne faudrait-il pas repenser les modes constructifs des futures piscines en allant plus loin dans l’utilisation des matériaux de ré-emploi, bio-sourcés, géo-localisés… ; optimiser encore plus les surfaces allouées aux différentes activités, favoriser l’utilisation des énergies renouvelables locales (géo-thermie, réseau de chaleur…) ?
Le luxe pour tous à l’épreuve de la crise énergétique
En attendant, plusieurs piscines dans les Yvelines, dont une à Versailles, ferment à cause des prix de l’énergie exorbitants. Parallèlement, de nouvelles piscines doivent être inaugurée, l'une d'entre elles près de Rambouillet. Mais que ce soit clair : aucune piscine inaugurée cet automne n’a été conçue à la mesure de la crise de l’énergie majeure et durable dans laquelle nous entrons. Même si leurs performances sont bien sûr renforcées par rapport aux années 70, on peut dire qu’elles sont déjà obsolètes sur le plan des émissions de déconstruction-reconstruction et des émissions d’usage, que l'on tienne compte ou non du prix de l’énergie. La gestion est transférée au privé, mais comment ces administrateurs privés vont-ils s’en sortir ?
Coste impose le bois partout où c'est possible, ici en bardage structuré dans l'entrée.
Les réponses qui se présentent alors seront par exemple de fermer le bassin extérieur l’hiver, voire de fermer la piscine s’il fait trop froid. Ou de baisser la température de l’eau, de l’air et des douches. D’augmenter sensiblement les prix. Ou bien de profiter de la fermeture des autres piscines obsolètes environnantes, ce qui, couplé avec l’offre importante d’activités, va générer un trafic profitable.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven © JT