A Sully-sur-Loire en Sologne, Swiss Krono, seul fabricant de panneaux OSB sur le sol français, engage le programme Green Energy pour limiter ses besoins énergétiques et se passer autant que possible de gaz.
Les panneaux OSB (Oriented Strand Board, ce qui signifie en français : panneau de lamelles orientées) sont une invention nord-américaine des années 50. A l’époque, c’est l’Amérique du Nord qui était le leader technologique dans l’industrie du bois. D’ailleurs, les Américains ont dérivé de cette technique la fabrication de poteaux sur la même base de copeaux de bois collés des panneaux OSB. Cette extension n’a jamais pris en Europe, tout au plus Swiss Krono propose des panneaux plus massifs à partir de recollage de panneaux OSB.
Le site de Sully consomme un autre bois que celui des scieries. C'est une matière de transformation mais aussi une source d'énergie.
Sauf pour les clins de façade, et plus tard les poutres en I, les inventeurs américains ne sont pas parvenus à investir le marché européen à l’époque avec leurs panneaux : on construisait encore si peu en ossature bois. Leur emprise s’est arrêtée à un site écossais. Face à eux, c’est une famille autrichienne qui a pris le dessus, un phénomène assez exceptionnel à une époque où l’Autriche était encore un pays neutre, non intégré à l’Union européenne. C’était le début de la conquête du monde par l’industrie du bois de l’Autriche. Cette famille s’est ramifiée en plusieurs marques en compétition, notamment les Kronospan implantés au Luxembourg et les Swiss Krono.
Sully-sur-Loire a inventé l’OSB mixte
L’activité OSB est habituellement liée à celle de la fabrication de panneaux de particules. Mais elle recourt à des copeaux de plus grandes dimensions que les particules des panneaux de process. Une usine de panneaux de process et d’OSB, cela coûte très cher. Il faut disposer de grandes presses, de toute la mécanisation, mais aussi de moyens pour fournir l’usine année après année. Coup de chance, la papeterie a reculé en France. Coup de malchance, le bois énergie s’est développé à la place.
L'industrie lourde du bois dispose de ressources énergétiques que les filières ciment ou métal n'ont pas.
Chez Swiss Krono, le gisement de pins sylvestre de la Sologne ne suffisait plus et il a fallu chercher les grumes de résineux de plus en plus loin. Suite à quoi la direction a changé de cap et développé un panneau OSB typique de Sully, employant une part élevée de feuillus récoltés dans les coupes d’amélioration de la région proche. Pour y parvenir, il fallait non seulement faire des tests multiples de solidité, de reprise d’humidité, mais élaborer un process dont le clou est un bac d’écorçage ou les grumes s’écorcent les unes contre les autres par mouvement. Cerise sur le gâteau, cet OSB est joli à voir.
Depuis des décennies, les designers ont toujours réessayé d’utiliser l’OSB apparent en résineux, mais sans grands résultats. Avec le nouvel OSB de Sully, il y aurait certainement des choses à faire. Ainsi, c’est en OSB de Sully que le Forum Bois Construction a fait bâtir une table de contribution solidaire et les 2000 trous en quinconce se marient bien avec la surface étonnamment riche et bien polie du panneau.
L’industrie lourde du bois confrontée à la crise de l’énergie
Avec Egger dans les Vosges et les quelques papeteries qui restent dans les Landes et à Tarascon, ou Pavatex à Golbey, le site de Sully représente l’industrie lourde de la filière bois en France et elle est, comme tous, confrontée à la crise de l’énergie. De même que les scieries intégrées sur le mode allemand ont appris à utiliser leurs chutes pour se procurer la chaleur nécessaire au séchage des sciages, voire à la fabrication de pellets ou à la cogénération d’électricité, les fabricants de panneaux de process n’ont pas attendu la crise environnementale et la guerre d’Ukraine pour utiliser leurs chutes.
La cathédrale de Sully-sur-Loire se parcourt à vélo. Les panneaux de process et l'OSB sont des produits indispensables, non seulement pour la construction, mais pour l'aménagement du bâti au cataclysme climatique.
Dans le cas de Sully, on observe tout de même une forme de rattrapage, avec le projet Green Energy mis actuellement en place. Les technologies employées par Swiss Krono pour la mise en place de sécheurs basse-température (à la place de deux sécheurs haute-température) sont cependant différentes de celles des scieurs, affirme Swiss Krono : "Les sécheurs basse-température sont des sécheurs à bande. Les lamelles de bois, de petite taille, sont séchées sur une bande de convoyage traversée d'air chaud, une technologie particulièrement adaptée à la biomasse."
Chaudière multicombustible
Et Swiss Krono de poursuivre : "Une chaudière biomasse, d'une capacité de 63 MW, conçue et construite par Dalkia, mise en œuvre par Meridiam, est multicombustible. C'est-à-dire, qu'elle a la capacité de d'utiliser dans le même foyer différents combustibles, avec différents brûleurs : des poussières de moins de 1 mm aux écorces, et toutes les tailles intermédiaires. Une chaudière biomasse classique brûle un seul combustible pour produire un seul fluide."
La filière OSB essaie de produire autant qu'elle peut mais les besoins de la construction ne cessent de grandir. D'autres gisements émissifs sont encore à explorer, comme l'acheminement fluvial. Encore faut-il que la Loire ne se déssèche pas. Si la Loire se déssèche, plus d'énergie nucléaire pour l'électricité, non plus.
"A la sortie, la chaudière biomasse délivre l'énergie nécessaire au bon fonctionnement des sécheurs (eau chaude) et alimente également le réseau d'huile thermique. La chaudière biomasse peut également consommer du gaz, qui restera nécessaire au démarrage et aux appels de puissance soudains. 80 à 95% du gaz consommé par le site sera remplacé par la biomasse."
"Un condenseur de fumées (élément de l'unité biomasse) permet d'augmenter l'efficacité énergétique : il génère une économie de combustible de l'ordre de 5 à 10% pour livrer la même quantité d'énergie. Dans son ensemble, le projet Green Energy vise à effacer la consommation de gaz (jusqu'à 95% du gaz consommé remplacé par la biomasse issue des co-produits du site). Actuellement, le site utilise du gaz et de l’électricité."
Le coût de chaque pas de la sobriété énergétique
"Une partie des co-produits de la transformation étaient valorisés énergétiquement. Une autre partie des co-produits (notamment 6000 t d'écorces par an) n'étaient pas consommée par le site mais revalorisés dans la filière. Le projet Green Energy a bénéficié de deux aides gouvernementales : 3,8 M€ dans le cadre du dispositif "Efficacité énergétique et décarbonation des procédés" et 11 M€ dans le cadre du dispositif "Biomasse Chaleur pour l'Industrie" de l'Agence de la Transition Ecologique (Ademe). L’innovation de Green Energy, c’est la chaudière multicombustibles précédée d’une unité pour broyer les écorces, et un condenseur de fumées pour récupérer l'énergie issue des fumées de la combustion, sous forme de vapeur."
L’investissement se chiffre à plus de 100 millions d’euros. Il ne sera effectif que dans deux ans et les travaux risquent de perturber une production déjà très tendue, les délais de livraison de panneaux OSB étant particulièrement long pour les constructeurs bois, depuis bien avant la Covid. Mais une fois de plus, Sully innove et investit. Que va-t-on dire du reste de l’industrie lourde du bois en France ? Est-ce que le site de Tarascon, qui a échappé de peu à la liquidation, va investir de telles sommes pour baisser ses besoins ?
Source : batirama.com / Jonas Tophoven / Photos © Swiss Krono