Un nouvel article du Code du travail est en ce moment examiné par le Conseil constitutionnel au sujet de l'abandon de poste. Par François Taquet, avocat spécialisé dans le droit du travail.
On sait que jusqu’à présent la jurisprudence estimait que la démission devait résulter d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat, et ne pouvait se présumer.
Ainsi, la Cour de cassation avait indiqué que l'absence du salarié ne constituait pas, à elle seule, la manifestation non équivoque de rompre le contrat de travail caractérisant une démission (Cass soc. 18 février 1997 pourvoi n° 94-40532 ; Cass soc. 3 décembre 1997 pourvoi n° 95-45478 ; Cass soc. 24 mars 1998 pourvoi n° 96-40805 ).
La seule possibilité qui s’offrait à l’employeur dans cette situation était de rompre le contrat de travail dans le cadre du licenciement pour faute grave, après avoir mis en demeure le salarié de reprendre son poste.
On peut aisément imaginer que des salariés qui se seraient vu refuser une rupture conventionnelle de leur employeur utilisent ce stratagème dans le but de quitter l’entreprise avec le bénéfice de l’assurance chômage, et sans que cela ne coute rien à l’entreprise.
Un nouveau texte pour éviter l'abus de l'utilisation de l'abandon de poste au lieu d'une démission
Afin de prévenir tout abus en la matière, le Parlement (dans le cadre de la loi "Mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi") a voté l’adjonction d’un nouvel article L. 1237-1-1 dans le Code du travail qui peut ainsi être résumé :
- présomption de démission en cas d'abandon de poste, après mise en demeure par LRAR ou remise en mains propres contre décharge;
- une mise en demeure doit préalablement demander au salarié de reprendre son poste et de justifier son absence dans un délai fixé par l'employeur qui ne pourra être inférieur à un minimum fixé par décret en Conseil d'Etat. ;
- le salarié sera présumé avoir démissionné à l'expiration de ce délai à défaut de régularisation de sa situation
- le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail prononcée sur le fondement de cette présomption pourra saisir le conseil de prud'hommes. Il devra justifier que l’abandon de poste n’est pas volontaire ou est justifiée. L'affaire sera directement portée devant le bureau de jugement (dérogation à la phase préalable de conciliation prévue dans la procédure de droit commun). Le CPH disposera d'un délai d'un mois pour statuer sur la nature de la rupture et les conséquences associées.
- un décret en Conseil d'État devra déterminer les conditions d'exécution de ces dispositions.
Bien évidemment, le décret sur ce texte est attendu impatiemment… Qui plus est, il conviendra d’être attentif à l’interprétation de ces dispositions par la jurisprudence.
Mais dans tous les cas, et à une heure où les pouvoirs publics entendent redéfinir les hypothèses où un salarié peut bénéficier de l’assurance chômage, force est de constater que le législateur entend prévenir tout abus dans l’utilisation du régime.
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Source : batirama.com / François Taquet, avocat