Projet de loi d’accélération des ENR, Règlement européen sur les ENR, envolée des prix de l’électricité, … de nombreux facteurs concourent à une accélération du marché du photovoltaïque en France.
Durant le salon Energaïa à Montpellier, une conférence s’est tenue le 8 décembre à propos du marché photovoltaïque en France en 2023. Selon RTE, en 2021, la production photovoltaïque dans le pays a augmenté de presque 2 TWh. Le parc photovoltaïque installé en France fin 2021 a atteint 13 GW, avec une augmentation de 2,7 GW de la puissance installée en 2021.
Ce rythme est trois fois plus élevé que celui observé sur les cinq années précédentes (815 MW en moyenne entre 2016 et 2020) et a permis une augmentation de 26 % de la puissance installée par rapport à fin 2020.
Pourtant, ce rythme de développement du photovoltaïque reste en deçà de celui prévu par la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie). Pour atteindre l’objectif 2023, il faudrait multiplier le rythme d’installation par 1,3 pour le photovoltaïque, soit une puissance installée de 3,51 GW en 2023. Quelles sont les chances d’y parvenir ?
Les prix de l’électricité augmentent
Plusieurs facteurs sont très favorables au développement du photovoltaïque en autoconsommation, notamment pour les entreprises qui souscrivent plus de 36 kVA et échappent ainsi au bouclier énergétique.
Le premier d’entre eux est l’augmentation rapide du prix de gros de l’électricité depuis le début de 2021. Petit rappel, le prix de gros sur le marché EPEX Spot France était le plus souvent inférieur à 30 €/MWh jusqu’au début du mois de juin 2020. Il a ensuite commencé à monter, passant à 93,9 €/MWh le 8 juillet 2021, atteignant 540,66 €/MWh le 8 mars 2022, avant de culminer à 743,84 €/MWh le 30 août 2022.
Le prix du MWh était retombé à 87,37 € le 23 octobre, mais depuis il ne cesse de remonter. Hier, 12 décembre 2022, il atteignait 373,2 € et passe à 418,44 €/MWh pour des livraisons aujourd’hui, 13 décembre. Personne ne s’attend à une baisse des prix.
Les facteurs structurels – sécheresse qui pèse sur la production hydraulique et sur le refroidissement des centrales nucléaires, limitant leur puissance en été, augmentation des prix du gaz naturel et indisponibilité d’une partie du parc nucléaire français, ne vont pas disparaître en 2023.
A titre de comparaison, lors d’une conférence de presse le 21 novembre, Engie Solutions annonçait parvenir à un coût de production, amortissement compris, mais avant taxes et TURPE, de 100 à 120 €/MWh pour une ferme au sol de 1MWc de puissance.
En gros, si le prix Spot de l’électricité, qui ne contient pas les taxes, ni le TURPE non plus, demeure au-dessus de 130 €/MWh, le photovoltaïque devient très rentable en autoconsommation. De plus, une installation photovoltaïque en autoconsommation introduit un élément de stabilité dans le prix de l’électricité produit pendant 20 à 30 ans, une fois le coût de son financement pris en compte.
Loi française et règlement européen
Second facteur, les dispositions règlementaires et administratives, tant françaises qu’européennes, évoluent dans un sens favorable au développement du photovoltaïque.
Le 9 novembre dernier, la Commission Européenne a proposé un Règlement d’urgence temporaire "établissant un cadre en vue d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables". Dans l’esprit de la Commission, il s’agit simultanément d’accélérer la transition vers une énergie propre, d’éliminer la dépendance de l’Union Européenne envers les combustibles fossiles russes et de peser sur les prix de l’électricité grâce aux faibles coûts d’exploitation des ENR.
Ce règlement d’urgence propose notamment de "promouvoir et d’accélérer le déploiement d’installations solaires à petite échelle pour les autoconsommateurs d’énergies renouvelables, y compris pour les autoconsommateurs collectifs, tels que les communautés d’énergie locales, étant donné qu’il s’agit des options les moins coûteuses et les plus accessibles pour un déploiement rapide de nouvelles installations utilisant des sources d’énergie renouvelables, avec le moins d’incidences environnementales ou autres."
"En outre, précise le texte, ces projets soutiennent directement les ménages et les entreprises confrontés à des prix élevés de l’énergie et protègent les consommateurs contre la volatilité des prix."
La proposition de règlement prévoit également "une durée maximale d’un mois pour la procédure d’octroi de permis portant sur l’installation d’équipements d’énergie solaire et des installations de stockage colocalisées et raccordements au réseau". En lisant ça, les développeurs d’installations photovoltaïques rient jaune. Trois mois est un très strict minimum en France pour l’instant.
Elle prévoit aussi "pour ces installations une dérogation spécifique de l’exigence de procéder à des évaluations des incidences sur l’environnement en vertu de la directive 2011/92/UE, étant donné que ces installations sont peu susceptibles de poser des problèmes liés à des utilisations concurrentes de l’espace ou aux incidences sur l’environnement." ©PP
Enfin, la proposition de règlement défend particulièrement les petites installations, dont la puissance est inférieure à 50 kW, rappelant que "les petites installations dont la puissance est inférieure à 50 kW sont peu susceptibles d’avoir des incidences négatives majeures sur l’environnement ou sur le réseau et ne posent pas de problèmes de sécurité. En outre, les petites installations d’autoconsommateurs d’énergies renouvelables ne nécessitent généralement pas d’augmentation de la capacité au point de raccordement au réseau. Étant donné les effets positifs immédiats de ce type d’installation pour les consommateurs et leurs incidences limitées sur l’environnement, il est approprié de rationaliser encore la procédure d’octroi de permis applicable à ces installations en introduisant le concept d’accord tacite en cas d’absence de réponse de l’administration dans les procédures d’octroi de permis concernées, afin d’encourager et d’accélérer le déploiement de ces installations et de bénéficier à court terme des avantages qu’elles offrent."
La loi française prend une autre voie
Le projet de loi "relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables", en cours de discussion à l’Assemblée nationale, à la fois porte sur d’autres aspects, comme l’obligation d’installer des ombrières photovoltaïques sur les parkings de plus de 1500 m², et ne reprend pas certaines dispositions prévues par le texte européen.
Rappelons que dans la hiérarchie des normes, un règlement européen est supérieur à une loi française. Une loi nationale ne peut contredire, ni s’opposer à un règlement européen. Bref, à peine promulguée, la loi française devra être modifiée.
Pour commencer, le projet de loi en discussion à l’Assemblée nationale ne semble pas faciliter les installations PV < 50 kWc, notamment en ville, puisque le texte conserve l’avis préalable de l’Architecte des Bâtiments de France, même s’il semble que celui-ci doive désormais respecter la totalité des lois de la République et ne plus seulement agir selon ses convictions. ©PP
Le projet de loi ne reprend pas non plus le délai maximal d’un mois pour l’octroi du permis d’installation. Elle envisage une enquête publique de 30 jours, ce qui n’est pas pareil du tout.
A l’Assemblée nationale, l’idée d’une procédure d’instruction simplifiée n’a pas été retenue non plus. Bref, on peut se demander pourquoi la France agir d’une manière à Bruxelles et d’une autre à Paris.
Quel marché en 2023 ?
La capacité photovoltaïque ajoutée en France en 2023 sera probablement du même ordre qu’en 2021, soit 2,7 GW, voire même un peu moins. Ce qui demeure inférieur aux rythmes d’augmentation de la production PV en Espagne (+ 8 GW en 2022), en Belgique et même aux Pays-Bas (+3 GW). ©PP
Pour 2023, alors même que l’électricité produite par des ENR (PV et éolien) devient contributeur net aux recettes budgétaires de l’Etat, selon la CRE, on ne s’attend pas à une accélération nette du rythme du développement du PV en France. Même si lors de la conférence au salon Energaïa, le directeur régional d’Enedis Occitanie soulignait une rapide augmentation des demandes de raccordement pour de petites installations domestiques, presque toutes en autoconsommation.
Le consensus semble s’orienter vers un accroissement de capacité de l’ordre de 3 GW en 2023. Soit toujours moins que l’objectif tracé par la PPE.
Source : batirama.com / Pascal Poggi