L’énergie bois est exploitée de manière très rationnelle depuis quelques décennies, et cette expérience est maintenant disponible, tant pour les particuliers que les collectivités. (Photo © Compte-R)
Le regain d’intérêt pour l’énergie bois ne tient pas seulement à la crise énergétique de ces derniers mois. Cette ressource est en tête des énergies renouvelables depuis de nombreuses années. Mais depuis deux décennies, elle adopte un nouveau profil auprès de tous les usagers - ménages, tertiaire ou collectivités. Les statistiques annuelles produites par Observ’ER (1) ou l’Ademe (2) révèlent l’augmentation des ventes des appareils indépendants comme du nombre de chaufferies bois en tête des réseaux de chaleur.
Le bois, deux tiers de la chaleur renouvelable
En collectif et tertiaire, le Fonds Chaleur, une aide gérée par l’Ademe, a relancé la filière des chaufferies bois à partir de la fin des années 2000. Il a contribué à financer quelque 1.300 installations. De fait, on comptabilise aujourd’hui un peu plus de 7.100 installations de plus de 50 kW. Avec une puissance installée de 7,9 GW – dont deux tiers des installations de moins de 300 kW –, ce parc fournit aujourd’hui 15 % (24 TWh) de la chaleur renouvelable et 3,3 % de la consommation finale de chaleur.
Le parc des appareils de chauffage domestique est, quant à lui, estimé à 7,2 millions d’appareils – de la cuisinière au poêle à pellet dernier cri. Dans le détail, on compte 39 % d’inserts fermés à bûches (2,78 millions) et 30 % de poêles à bûches (2,145 millions). Disponibles sur le marché depuis seulement une quinzaine d’années, les poêles à pellets rassemblent 1,2 million d’unités (17 % du parc). Tous ces équipements domestiques assurent la moitié de la production annuelle de chaleur renouvelable (78,4 TWh) et fournit 11 % de la consommation finale de chaleur.
Un marché toujours en croissance
Après une progression régulière depuis une quinzaine d’années, les ventes d’appareils individuels accèlèrent depuis 2019. On s’attend à ce qu’en 2022, le marché des appareils indépendants – à bûches et pellets – dépasser les 220 000 unités, et celui des chaudières, tutoie les 50 000 pièces. Les chiffres d’Uniclima livrés début février établiront cet état des lieux.
En résidentiel collectif et individuel, les chaudières à pellets présentent des développements techniques notables et répondent à différents montages pour coupler plusieurs générateurs et et autant de gisements d’énergie.
Premier exemple avec la condensation modulante adaptée au pavillon neuf. Fallait-il laisser la pompe à chaleur s’imposer avec hégémonie à la faveur de la RE 2020 ? Ökofen propose une solution alternative avec la chaudière compacte complète et ergonomique Pellematic Home. Cette « tout en un » occupe un peu moins de 1 m² au sol, et rassemble un corps de chauffe d’une puissance de 3 à 10 kW adaptée aux faibles besoins d’un pavillon, un stock de pellets de 70 l dimensionné pour plusieurs jours, un tampon de 200 l et une production d’eau chaude sanitaire en mode instantané par échangeur à plaques.
La Pellematic Home d'Ökofen a été conçue pour répondre aux besoins de confort thermique, chauffage et eau chaude sanitaire, des maisons neuves (Photo © Ökofen)
Autre point de progrès chez ce fabricant autrichien : la réduction des émissions de particules fines avec l’adoption d’un brûleur à recirculation de gaz qui assure une combustion dite « Zero Flame Technology ». En quelque sorte, c'est à la combustion des pellets ce que fut le brûleur radiant développé pour les chaudières gaz dans les années 90 (1990). De fait, les émissions de polluants chutent à 2 mg/m³ à 13 % d’oxygène. C’est à dire, très peu détectables. Ce brûleur est installé sur le modèle Pellematic Condens de la marque.
L’hybridation devient une notion courante à laquelle n’échappent pas les solutions biomasse. Elle est proposée en version pompe à chaleur plus chaudière à pellets chez Windhager avec la Biowin2 Hybrid. L’équipement disponible en cinq niveaux de puissances modulantes (de 3 – 10 kW à 7,5 – 26 kW) répond ainsi aux besoins du neuf et de la rénovation.
Les fournisseurs de chaudières à pellets (ici l'ensemble Biowin 2 hybrid de Windhager) proposent des solutions couplées avec pompe à chaleur afin d'optimiser les performances thermiques de chaufferie et les coûts des énergies consommées (Photo © Windhager)
Des options identiques existent avec les pompes à chaleur de chez Weishaupt. Le modèle de Pac géothermique modulante Geoblock, proposée en 8 ou 14 kW, dispose d’une régulation capable de piloter la Pac reliée à une chaufferie biomasse ou des capteurs solaires thermiques.
Hybridation signifie aussi multi-énergies. HS France joue aussi cette carte avec ses chaudières à énergies combinées, notamment bois et solaire ou bois bûches et granulés. SB Thermique propose aussi ce même concept : la chaudière Herz Pelletfire d’une puissance 20 à 40 kW équipée d’une double chambre de combustion : bûches d’un côté, granulés de l’autre.
Bûche, plaquette, pellet, miscanthus, paille… L'éventail des combustibles s'élargit
Chauffer avec la biomasse signifie littéralement exploiter les matières organiques adaptées à la transformation en énergie. Les choix se partagent entre l’offre aux exploitants de sites de moyenne et grande puissance et celle destinée aux particuliers.
Les particuliers ont deux combustibles à leur disposition : les bûches et les granulés, qu’ils soient destinés aux poêles ou aux chaudières. Chacun mérite d’être traité avec soin : séché pendant un minimum de 24 mois et stocké sous abri pour les bûches ; entreposé dans un silo maçonné ou en textile souple, maintenu à l’abri de toute humidité pour les pellets. Il faut noter que deux tiers du bois-bûche consommé by-passe les circuits de distribution ; c’est de l’autoconsommation.
La bûche largement majoritaire dans la production de bois-énergie en France. © SER, Agreste, Propellet
Les maîtres d’ouvrage et exploitants de chaufferies bois de moyenne et grandes puissances peuvent puiser dans un plus large catalogue. En premier lieu, ils se réfèreront au référentiel des combustibles bois-énergie suivi par l’Ademe (sa dernière révision date de 2017) qui en distingue quatre types : les plaquettes et bois déchiquetés (des copeaux d’environ 5 cm de long), les sous-produits de l’industrie de transformation du bois, les bois en fin de vie et déchets, et les granulés (voir le tableau ci dessous).
Référentiel des combustibles bois-énergie de l'Ademe : plaquettes, granulés, déchets... | ||
Les types de combustibles | Les catégories | Les usages |
1. Plaquettes forestières et assimilées | 1A – Plaquettes forestières, bois issus de forêts : souches de défrichement, taillis, élagage de sylviculture ; 1B – Plaquettes bocagères ou agroforestières, issues de haies, bosquets, alignements, vergers…; 1C – Plaquettes paysagères ligneuses issues de tailles, d’élagage, refus de crible pré-compostage. |
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2 – Connexes et sous-produits de l’industrie de première transformation | 2A – Écorces issues de scieries ; 2B – Plaquettes de produits connexes de scierie (PCS) et assimilés (dosses, délignures, chutes, culées…), ainsi que de sous-produits industriels non traités de la transformation du liège. |
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3 – Bois "fin de vie" et bois "déchets" | 3A – Bois "fin de vie" tels que les bois d’emballage objets d’une sortie de statut de déchets (SSD) (selon la rubrique 2910-A des ICPE – Installations classées pour la protection de l’environnement). |
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3B – Bois "fin de vie" tels que bois d’ameublement, de menuiseries, d’emballage sans SSD, issus de la démolition et autres bois bruts, devant respecter les seuils de mercure, arsenic, cadmium et chrome selon la rubrique règlementaire 2910-B des ICPE. |
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3C – Déchets de bois non dangereux (à traiter selon la rubrique règlementaire 2771 des ICPE relative au traitement thermique) tels que bois d’ameublement, de menuiseries, d’emballage sans SSD, issus de la démolition et autres bois bruts ou traités non éligibles à la rubrique 2910- B. |
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3D – Les déchets de bois classés dangereux à traiter selon la rubrique 2770 des ICPE (traitement thermique) : bois créosotés, bois autoclavés ou imprégnés de sels métalliques. |
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4 – Les granulés | 4A – Les granulés de bois (100% Bois, hors déchets verts), normés NF EN ISO 17225-2 : 2014 en domestique et en industriel; 4B – Les granulés d’origine agricole (y compris granulés 100% déchets verts ou en mélange bois/Déchets Verts), normés NF EN ISO 17225-6 : 2014; 4C – Les granulés de bois traités thermiquement ("steam explose" ou "black pellets" et issus de torréfaction). |
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Produits "combustibles bois énergies" hors référentiels |
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Produits "biomasse" hors référentiels "combustibles bois énergie" mais utilisables au titre du Fonds Chaleur | Tout produits non "bois" (hors granulés agricoles) tels que les sous-produits agricoles et les sous-produits industriels. |
D’après le rapport de l’Ademe de septembre 2017 "Référentiels combustibles bois énergie". Source : © Ademe
En outre, il est aussi possible de brûler toutes sortes de "préparations" et de "mélanges". La distinction mérite d’être précisée : les préparations – ou assortiments – désignent des assemblages de combustibles décrits dans le référentiel de l’Ademe et aux proportions connues ; les mélanges sont des assemblages de bois-énergie dont les proportions sont inconnues et hors référentiel de l’Ademe.
Nombre de collectivités adoptent ainsi d’autres gisements, généralement en mélange avec le bois. On peut citer la paille, le miscanthus, des noyaux et coques de fruits secs issus de l’industrie agro-alimentaire… Ces choix sont souvent portés par une volonté de créer une économie locale circulaire, d’acquérir une autonomie énergétique et de parvenir à une économie de fourniture d’énergie.
L’exemple-type est celui du chauffage biomasse des bâtiments publics en collaboration avec les producteurs locaux de miscanthus. L’engouement pour cette "herbe à éléphants" est porté par la disponibilité de chaudières spécifiques, dites polycombustibles, chez certains fournisseurs. On peut citer Heizomat et ses références RHK-AK. Par ailleurs, la culture de ce végétal s’étend désormais sur le nord du pays. Facile à exploiter, pratiquement sans transformation, son prix est équivalent, voire légèrement inférieur, à celui des plaquettes (environ 25€/MWh).
En Deux-Sèvres, l’entreprise CSM, Climat Sur Mesure, a développé un savoir-faire autour de ce combustible à haut pouvoir calorifique (de 4,5 MWH/t contre 3,5 MWh/t pour le bois) et localement disponible (quelque 120 ha d’une capacité de 10 t/ha/an à proximité, soit l’équivalent de 540.000 l de fioul). "C’est une énergie pour des sites résidentiels ou tertiaires conséquents", souligne Victor Bernard, gérant de CMS. "Les maîtres d’ouvrage qui la retiennent projettent parfois d’exploiter quelques hectares de miscanthus pour acquérir une autonomie énergétique."
L'entreprise CSM, basée près de Bressuire (79), s'est fait une spécialité d'installer des chaudières multicombustibles alimentées en miscanthus (Photo © CSM)
Ce rhizome produit une tige exploitable à partir de sa deuxième année de pousse. Elle se récolte au printemps, sèche sur pied et avec une ensileuse. De fait, elle est déchiquetée et immédiatement utilisable. Intérêt technique : la matière présente moins de défaut que la plaquette de bois qui peut contenir de la "queue de broyage", ces brins fins et longs qui bloquent les vis d’approvisionnement des chaudières.
Impérativement, en raison du pouvoir calorifique de la matière, le miscanthus impose l’emploi de chaudières à foyer en béton réfractaire et à décendrage en continu. De même, pour l’évacuation des fumées, on préfèrera un équipement composé d’éléments en céramique, matériau capable de supporter l’acidité des rejets.
Chaufferies bois : mémos et guides accompagnent les démarches
Comment une collectivité locale va-t-elle s’engager dans un projet de chaufferie biomasse ? Par où commencer ? L’expérience acquise est largement disponible. Le CIBE, Comité interprofessionnel du bois-énergie, a rassemblé la documentation utile à toute la filière dans la "boîte à outils" sur son site internet (3). Investisseurs et concepteurs y trouvent notamment le guide produit par les ingénieurs des services de l’État, le Cerema, intitulé "Le bois énergie, une solution pour les collectivités" (4). Il met en avant l’organisation des étapes, depuis l’intention d’un projet jusqu’à son exploitation, en passant par des exemples de financement de projets.
Ce type de démarche a été déclinée localement. Il faut citer le "mémo" rédigé en 2020 par l’interprofession de la filière bois de Bourgogne-Franche-Comté (5). Cette synthèse détaille deux temps : la construction du projet avec les volets d’études de faisabilité et de conception de la chaufferie ; et l’approvisionnement en combustible, avec en particulier la consultation des fournisseurs, la présentation du cahier des charges, la rédaction de contrats de fourniture, le suivi des livraisons…
L’AQC liste les points durs des installations
Pour autant, il y a des erreurs à ne pas commettre, et l’inspection d’installations existantes les ont mises en avant. L’Agence Qualité Construction (AQC) les a résumées dans un rapport bouclé en 2021 : "Les 12 enseignements clés tirés des retours d’expériences" (6). Basé sur 1.600 visites de site, il révèle des défauts courants de fonctionnement, de conception des silos de plaquettes et des convoyeurs, de dérive de qualité de combustible…
Où trouver de l’information pertinente pour des projets de quelques dizaines de kW ? Le CIBE guide les demandeurs d’informations vers le très ancien – paru en 2004 – et toujours pertinent document d’ITEBE "Concevoir une chaufferie automatique au bois déchiqueté de moins de 300 kW" (7). Les techniciens apprécieront son contenu précis relatif au calcul des besoins et des puissances de chaudières.
Point de vue : Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce
"Des opportunités pour élargir l’usage du bois énergie"
"Les solutions bois-énergie en collectivité sont éprouvées. Localement, ces démarches ont aussi permis de développer des visions à long terme pour structurer la production de chaleur et investir dans les équipements indispensables – broyeurs, outils de coupe… Techniquement, nous avons aussi récemment vu le développement de chaufferies de très grandes puissances – jusqu’à 50 MW – dotées d’approvisionnement en bois par tapis et non par vis, solution trop sensible à la présence de cailloux dans les plaquettes. Les traitements de fumées évoluent aussi fortement. Après les filtres multicyclônes, les choix s’orientent vers les technologies classiques en incinération de déchets, comme les filtres à manches ou les électro-filtres. Cela tient notamment à la ressource en bois-déchets de récupération qui orientent les concepteurs vers des installations ICPE classées 2910, au titre de la qualité de l’air. Par ailleurs, les exploitants modifient leur mode de paiement du bois : à l’achat à la tonne, beaucoup préfèrent la facturation au mégawattheure en sortie de chaudière. C’est un moyen de s’affranchir de la présence de pierres, de terre ou d’humidité dans la biomasse livrée. Pour ce qui concerne l’élargissement de la clientèle des réseaux de chaleur dotés de chaufferie biomasse, il est désormais possible d’utiliser le Fonds Chaleur pour mettre en place des colonnes montantes et des boucles de distribution à eau chaude dans les immeubles initialement uniquement équipés en chauffage électrique."
Source : batirama.com / Bernard Reinteau
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1 – Suivi du marché 2021 des appareils domestiques de chauffage au bois, par l’Observatoire des énergies renouvelables (Observ’ER) : http://pbbzpfd.cluster030.hosting.ovh.net/wp-content/uploads/2022/06/Observ-ER-Marche-2021-appareils-chauffage-bois20220519.pdf
2 - Voir le Panorama de la chaleur renouvelable et de récupération, Edition 2022, par l’AFPG, CIBE, Fedene, SER, Uniclima et l’Ademe (https://www.fedene.fr/panorama-de-la-chaleur-renouvelable-et-de-recuperation-2022/)
3 - https://cibe.fr/boite-a-outils/
4 - https://reseaux-chaleur.cerema.fr/espace-documentaire/bois-energie-une-solution-pour-les-collectivites. Cette page donne aussi accès à plusieurs exemples locaux.
5 - https://cibe.fr/wp-content/uploads/2020/09/2020.MEMO-plaquettes-foresti%C3%A8res.version-en-ligne.pdf
7 - https://cibe.fr/wp-content/uploads/2017/02/10-Concevoir-une-chaufferie-automatique-au-bois.pdf