Si l'année 2022 a été dynamique pour les entreprises du bâtiment du Grand Paris avec une activité en hausse de 4%, 2023 s'annonce plus austère (en prévision, +0,7%), notamment en raison de la crise du logement neuf.
La conférence de presse conjoncturelle de la FFB Grand Paris a été l'occasion, ce mercredi, d'exposer le bilan de l'année 2022 ainsi que les perspectives pour l'année 2023. Pour Edouard Durier, vice-président en charge de l'économie qui présidait la conférence de presse, si l'on peut se réjouir d'une année 2022 plutôt dynamique en dépit des circonstances, 2023 risque d'être une année bien plus difficile à traverser pour les entreprises.
Edouard Durier, vice-président de la FFB Grand Paris Ile-de-France. © FFB
2022 : le chiffre d'affaires a augmenté de 4,6%, selon les dernières estimations
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Il était de 36,5 miliards d'euros en 2021, il devrait atteindre 38 miliards d'euros en 2022. Le chiffre d'affaires du secteur du bâtiment en Île-de-France a crû de 4,6% selon les dernières estimations de la CERC IDF. Des chiffres qui attestent du dynamisme du secteur, malgré le contexte de la sortie récente de la pandémie de Covid, de la guerre en Ukraine et de ses conséquences sur les coûts énergétiques et celle des matériaux.
Mais ce sont les prémices d'une crise du logement neuf, dont le pôle habitat de la FFB a déjà fait l'écho le mois dernier, qui inquiètent le plus Edouard Durier. "On s'attend à une forte baisse d'activité en 2023 pour nos entreprises, d'autant que 45% du chiffre d'affaires de notre secteur dépend du logement neuf."
En témoignent les chiffres de la région Île-de-France, qui montrent que les mises en chantiers baissent fortement.
- Autorisations de logements en 2022 : 81.000, soit +8,8% par rapport à 2021 mais -4% par rapport à 2019.
- Mises en chantiers de logements en 2022 : 62.000, soit -7,7% par rapport à 2021 et -10% par rapport à 2019.
Au niveau du Grand Paris, seuls 31.000 logements neufs ont été mis en chantiers alors que la loi sur le Grand Paris en demandait 70.000. La Seine-Saint-Denis est particulièrement affectée par la baisse des mises en chantiers, -45% en 2022 par rapport à 2021.
Les chiffres de l'entretien rénovation ont beau être un peu meilleurs (+0,5% en 2022 par rapport à 2021), Edouard Durier s'inquiète que les entreprises qui travaillent dans le neuf habituellement se tournent vers la rénovation, faute de chantiers, resserrant ce marché.
Toujours selon M. Durier, le marché de la rénovation est dynamique, tiré par les aides de l'Etat et de MaPrimeRénov, mais pas suffisament aux vues de l'ampleur du problème - à Paris intramuros, un logement sur deux serait une passoire thermique - et n'encouragent pas suffisamment les rénovations globales.
La FFB Grand Paris s'inquiète fortement du nombre de défaillances d'entreprises qui pourraient surgir en 2023. En 2022, elles ont augmenté de 23%. Elles pourraient augmenter davantage cette année notamment en raison du remboursement des PGE, attendus en cours d'année 2023.
2023 : des prévisions de croissance a 0,7% malgré le contexte peu favorable
Les prévisions pour l'année 2023 ne sont pour autant pas catastrophiques malgré le contexte. Une très légère croissance de 0,7% est prévue sur l'année.
Le premier semestre 2023 affiche une stabilisation des coûts des matériaux et de l'énergie, stabilisation qu'il faut pourtant prendre avec des pincettes, selon M. Durier : "Il faut qu'on continue à surveiller ça de très près. Les prix des matériaux commencent pour certains à baisser, mais ils restent très supérieurs à ceux de 2019. De plus certains matériaux augmentent encore. Le béton par exemple a augmenté fortement au 1."
Edouard Durier énonce quelques hausses des prix entre novembre 2021 et octobre 2022 :
- +31,4% pour les aciers de construction,
- +26,5% pour les demi-produits en aluminium,
- +24% pour les cuivres.
Indices de prix de production industrielle de quelques matériaux pour le marché français. Source : calculs FFB d'après Insee.
Le coût des matériaux a un impact direct sur la santé financière des entreprises. M. Durier a ajouté que l'index des matériaux, en cours de mise en place par le Gouvernement, laisse entrevoir une amélioration de la situation, permettant aux entreprises d'avoir une vision à plus long terme de l'évolution des prix.
Pour autant l'entretien rénovation pourrait être la locomotive de l'activité 2023.
Un carnet de commande plein ne signifie pas des marges en progression
La trésorerie des entreprises du BTP est impactée par la situation. En effet, de nombreux marchés sont signés à prix fermes et les augmentations de coûts des matériaux impactent directement les marges des entreprises. De plus, les délais de livraisons restent encore longs, allant souvent jusqu'à causer des retards de livraison de chantier. Une double pénalité pour les entreprises du BTP qui doivent alors faire face à de potentielles pénalités de retard, alors qu'elles subissent les délais et ne les causent pas.
Le pessimise des entreprises de plus de 10 salariés reste donc marqué en 2022.
Bien que les artisans semblent afficher des carnets de commande satisfaisants, Edouard Durier rappelle que ces derniers cherchent avant tout à les remplir leurs afin d'assurer la sécurité pour leurs salariés et eux-mêmes, parfois en ne faisant que très peu de bénéfices. Pour lui, il faut rester prudent quant à ces estimations.
Propositions pour aider les entreprises du bâtiment face à la crise
La FFB Grand Paris appelle à l'indexation systématique de tous les marchés, publics et privés, ainsi qu'à l'application du gel de pénalité de retard pour tous les chantiers. Le syndicat souhaite aussi étendre à tout le secteur du bâtiment l'aide exceptionnelle qui a été accordée aux PME des Travaux Publics (une subvention égale à 0,125% du chiffre d'affaires réalisé en 2021.
Afin de répondre aux problématiques de la crise du logement, le syndicat propose également :
- l'introduction d'un crédit d'impôt sur les annuités d'emprunt pour adoucir le surcoût de la RE2020;
- le développement de l'offre de logements pour atteindre les 70.000 logements qui étaient initialement prévus par la loi sur le Grand Paris;
- la réflexion sur la réglementation pour réduire les coûts de transformation des bureaux en logements.
Edouard Durier a conclu la conférence de presse en rappelant que malgré une inflation bien installée, booster encore davantage la rénovation pourrait bien être la solution d'une partie des problèmes. Ses craintes pour le futur : l'évolution de la guerre en Ukraine et de son impact sur les prix de l'énergie, la crise du logement, et la mise en place progressive du ZAN.
Source : batirama.com/ Emilie Wood/ Photo Paris © wirestock - Freepik