Le Pôle académique "Rectorat de l’académie de Créteil", livrable en juillet 2024, rassemble les agences KOZ Architectes et Dream, le BE international Equilibrium, Leon Grosse et Arbonis : une dream team pour le projet.
KOZ architectes est l’une des agences parisiennes de calibre les plus ancrées historiquement sur la construction bois, depuis l’opération de logements "Tête en l’air". Dream (pour Dimitri Roussel Ensemble Architecture Métropole) ne cesse de développer sa griffe constructive de terrasses. Equilibrium est le bureau d'études de choix de Mickael Green, l’égérie américaine des tours en bois. Léon Grosse vient de reprendre Techniwood. Arbonis est sans doute le lamelliste et constructeur bois le mieux implanté en Francilie avec Mathis.
Dimitri Roussel de Dream avec Nicolas Ziesel de KOZ.
Ce petit monde construit le nouveau rectorat de l’académie de Créteil dans la ZAC du Triangle de l’Echât. Le "X24" va également regrouper les services de la DSDEN (Direction des services départementaux de l'Éducation nationale) du Val de Marne, et du Crous. Une opération pour l’Etat, qui s’est astreint à l’exemplarité carbone et donc à promouvoir le recours au bois de structure.
Rencontres autour d'un verre
Pour la petite histoire, REI Habitat a invité l’architecte Mickael Green (MGA, Vancouver) à concourir dans le cadre de Réinventer Paris. L’architecte était également présent au premier congrès Woodrise de Bordeaux en 2017 avec Eric Karsh, fondateur d’Equilibrium depuis 1993 en Colombie Britannique. Soirée arrosée avec Nicolas Ziesel (KOZ) et Dimitri Roussel (Dream). Eric Karsh se déclare prêt à travailler sur des projets français. L’occasion se présente avec le concours de 2019 pour le rectorat de Créteil : regrouper des services dispersés dans des bâtiments de bureaux des années 70, strictement cloisonnés, linéaires, avec l’idée de briser ce fonctionnement suranné.
Se passer des assemblages métalliques est une idée d'Arbonis.
Concours
Il s’agit tout de même d’héberger 1000 à 2000 serviteurs de l’Etat sur une parcelle qui longe l’autoroute en partie nord. Comme en 2019 l’excellence émissive de l’Etat n’est pas encore vraiment systématique, parmi les quatre équipes retenues, deux proposent des projets en béton. Côté bois, Koz/Dream s’impose face aux Ateliers du Pont, une sorte d’émulation entre deux rêves, celui d’une architecture bois révélée avec une esthétique intérieure unique, et ces structures en terrasses que Dream a, à ce moment encore, développées en linéaire tout en les adaptant au projet pharaonique de l’Arboretum.
Terrasses
Les images de Koz/Dream répondent à l’idée vague que le rectorat se faisait de sa mutation. Le bois ? Selon le plan directeur de la ZAC conçu par Architecture Studio sur un mode qui rappelle celui de Dominique Perrault pour le Village des Athlètes, les deux premiers niveaux doivent montrer un socle en béton. Les lauréats vont faire en sorte que la structure bois s’aligne sur la colonnade du socle, et même s’y substitue en rez-de-chaussée en parties intérieures.
Assemblages invisibles Knapp ! L'inventeur autrichien est décidément un grand bonhomme.
Les poteaux massifs permettront de supporter une montée à R+9 sur infra de deux étages en parking. De cette façon, il est possible de concevoir le toboggan des terrasses qui descend vers le Sud jusqu’à l’entrée principale, là où, rappelle Nicolas Ziesel de KOZ, on attend en moyenne une manifestation par mois et beaucoup de parents mécontents des notes attribuées à leurs enfants.
Un nouvel équilibre
Tout est classé en ERP avec une jauge de public infime, à 30 personnes. Il y a des noyaux béton mais à la manière de Dream, avec des escaliers ouverts qui permettent de se croiser. D’ailleurs, grâce à des réservations, les solives s’insèrent directement dans les murs en béton, sans interface coûteuse en métal, une innovation qui reloue avec le passé. Les solives liaisonnées comme les poteaux et les poutres par des connecteurs invisibles Knapp transforment la structure porteuse en symphonie.
Le béton au service du bois
Equilibrium bouscule les habitudes : "Nous avons conçu le projet avec des 3-plis minces de 27 mm. Les prédalles béton ont été proposées par Arbonis pour des raisons économiques. Le 3-pli aurait probablement contribué à une conception encore plus vertueuse d'un point de vue carbone", explique Eric Karsch, qui rajoute : "Avec plus de 1.000 projets complétés en bois d’ingénierie et en bois massif sur 25 ans de conception, nous ne cherchons pas d'excuses pour favoriser le béton. Le bois reste à l'heure actuelle pour nous le matériau de choix pour atteindre nos objectifs environnementaux. Nous le maîtrisons avec aise. Cela dit, nous ne spécifions pas le bois dans toutes les circonstances, non par peur ou convenance, mais bien pour en protéger l'intégrité et pour s'assurer qu'il reste en jeu économiquement."
Eric Karsh poursuit : "Dans ce contexte, le bois-béton composite représente un outil de conception au service du bois, et non en compétition avec lui. Historiquement, nous avons prescrit le bois-béton composite dans des situations ou une chape béton était déjà présente pour des raisons acoustiques, et pour augmenter le niveau de performance ponctuellement, comme pour les terrasses de Créteil, ou pour atteindre de hauts niveaux de performance pour des édifices ou le béton ou l'acier aurait autrement été utilisés, comme les édifices universitaires par exemple. C'est aussi le cas dans nos immeubles pour Google. Dans tous les cas, c’est le béton qui assiste et prend deuxième place face à la structure bois."
Alternative au CLT
Dream y trouve donc une ré-interrogation de ces certitudes de l’Arboretum et du CLT. Ici, les dalles sont en béton préfa, 6 cm + 6 cm de dalle de compression, plus un plancher technique de 15 cm. C’est beaucoup moins que le CLT avec au moins 30 cm de plancher technique pour l’acoustique.
Au droit des jonctions de dalles préfa, les poutres en bois sont protégées, enrobées de plastique. Pour la structure poteau-poutre, Equilibrium mise sur des poteaux massifs et des poutres de raccordement tout aussi massives qui en couloir vont descendre latéralement la hauteur à 2,45 m ! Par contre, les solives sont posées dessus, ce qui a l’avantage de créer naturellement des ouvertures pour la câblerie. Par ailleurs, les éléments rayonnants sont logés entre les solives, de sorte que le regard ne perçoit que le bois.
Emulation
Jamais sans doute un bâtiment de cette ampleur a révélé l’intérêt et la complémentarité du bois et du béton. Il fera date. On a tout de même 2.000 m³ de BLC pour 20.000 m² de surface. Sophie Wu, Equilibrium, la joue modeste : "Sur X24, la symbiose béton-bois doit aussi beaucoup au BE BP Green avec qui nous avons étroitement travaillé". Il n’empêche que grâce à X24, la structure Equilibrium fait son trou en France et va déménager de l’espace coworking Gaîté. Des projets comme X24 semblent cadrer avec des BE à l’Américaine qui sont habitués à tout dessiner très en amont, jusqu’aux vis et aux systèmes de connexion.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven © Jonas Tophoven