Le Village des Athlètes comme laboratoire de la construction biosourcée

Le clos-couvert est atteint pour les constructions de l’immense chantier de 50 hectares et la place du bois et des biosourcés prend un tour concret.

Finie la période où il était dit que les petits ensembles du Village seraient construit en bois tandis que les tours plus grandes choisiraient le béton mais avec une façade à ossature bois (FOB). Celle où on avançait un volume total de bois employé qui diminuait petit à petit, et aussi une part de bois français qui gonflait sans garanties.

 

L’heure est à l’épluchage des différents lots en allant dans le détail des interventions de différents architectes. Malgré l’extrême bridage par le plan directeur de Dominique Perrault conçu en indépendance de l’objectif émissif, les prudences des groupements de promotion qui s’expliquent aussi par les délais et les besoins de réversibilité, et malgré une réglementation retardataire, certains architectes et certains constructeurs du biosourcé ont essayé de s’exprimer.

 

Atelier B2 à Lille

 

Le Forum Bois Construction leur tend la perche à chaque édition depuis cinq ans, par le biais de France Bois 2024 et jusqu’à l’an dernier l’association AdivBois. Marie Jorio de France Bois 2024 est une habituée de la modération d’ateliers thématiques dédiés. La date de l’atelier B2 du Forum Bois Construction de Lille en avril 2023, tout comme la maîtrise du sujet et de sa multiplicité, fait que cet atelier technique "B2" sur le thème : "Les jeux de Paris, une diversité de chantiers bois démonstrateurs", a été de très bonne tenue. La concurrence à la même heure dans l’autre auditorium de l’atelier sur la protection incendie n’enlève rien à une session de 2 heures consultable en intégralité ou par extraits sur Viméo et youtube, tout comme l’atelier dédié de Nancy 2022 et celui de Paris 2021.

 

Le CAO en construction (photo © Mathis)

 

L’atelier de Lille se déroule en trois parties : un volet institutionnel (avec un retour sur le Centre Aquatique Olympique par Mathis), deux exemples de réalisations portant sur les Lots A et C du Village, puis une table ronde permettant notamment de mettre en relief un apport du lot D. Le tout encadré par l’introduction générale de Georges-Henri Florentin (France Bois 2024) et le final sur le Club des Industriels porté par Eric Dibling d’Ingeneco depuis 2019.

 

1,5 million de tonnes ?

 

La moyenne des émissions de Londres et Rio était de 3,5 millions de tonnes d’émissions, Tokyo a fait 2 millions et Paris s’engage sur 1,5 millions de tonnes. La part des constructions permanentes des JOP de Paris est de 25% (375.000 tonnes), celle des constructions temporaires de 8% ! Un appel d’offre était en cours en avril 2023 pour boiser ou reboiser l’équivalent de 15.000 tonnes d’émissions en territoire métropolitain, via le Label bas carbone. Ce n’est qu’une petite part des actions dites de "compensation" de ces émissions de carbone.

 

Variation volontaire de l'aspect des façades de l'îlot A1 sur la rue centrale. On est curieux de savoir ce que cela donnera en vrai. Image par Béal&Blanckaert

  

Il va sans dire que le calcul de l’apport émissif des constructions permanentes, et notamment de celles du Village, tiendra compte du bilan contesté du béton bas carbone, car le béton et le ciment y sont un peu partout. A commencer par le socle béton généralisé du plan directeur, sur deux étages, qui se prolonge sur l’Ile St Denis (Lot C, hors plan directeur de Perrault) pour des raisons de prévention de risques d’inondation.

 

Le bois inattendu

 

En termes de construction biosourcée, on n’attendait pas grand-chose du lot AB contrôlé par Vinci. Pourtant, au moins deux architectes du bois sont intervenus dans le lot A et témoignaient : Antoine Béal de Béal&Blanckaert pour A1 et Pascal Gontier (Atelier Pascal Gontier) pour A2. Surprise, autant pour A1 avec Vergely et Béal&Blanckaert, que pour le lot A2 avec Pascal Gontier et Lina Ghotmeh, il y a de la construction bois certes minoritaire mais pour des surfaces conséquentes, au-dessus du socle en béton, bien sûr à moins de 28 m. Des constructions assez simples en poteau-poutre avec dalle en bois, noyau béton.

 

Lot C sur l'Ile, R+4 par Petitdidier Prioux, image de l'agence, travaux bois réalisés par GIPEN/ROUX.

 

Les segments en bois sont pourvus de façade à ossature bois (Techniwood), mais la FOB se retrouve aussi presque sur l’intégralité de la façade extérieure du A2, et majoritaire en façade extérieure et intérieur du A1. Ainsi, la mixité constructive donne une âme à la volonté affichée de créer des variations en façade. Pascal Gontier indique : "La règle de répartition, et la proportion de bois dans les bâtiments, sont issus de négociations entre la Solideo les maîtres d’ouvrage, et dépendent seulement à la marge de choix effectués par les différents architectes."

 

Dans son lot, Icade est seul à avoir choisi systématiquement des planchers en bois, ce qui l’a obligé à se confronter au problème des douches sans ressaut. La solution validée n’est rien d’autre qu’une chape à forme avec natte Schlüter. Comme le concède Eric Dibling, il a fallu batailler pour obtenir de Solidéo les aides à l’innovation, d’autant que d’autres solutions existent déjà sur le marché (celle de Stéphane Cochet, celle de Wedi).

 

Atex pour tous

 

Face à un programme basé sur un plan directeur orienté béton, avec exigence politique de tout bois et injonction de ne pas faire d’Atex, France Bois 2024 a synthétisé les 15 demandes d’Atex, notamment pour les revêtements de FOB en tuiles vernissées ou non. Les deux Atex B de Bouygues ont coûté la bagatelle de 300.000 euros. La construction biosourcée est la vache à lait de toute la superstructure institutionnelle du Bâtiment français. Le degré d’innovation est discutable, mais le besoin de validation réglementaire incontournable. Selon France Bois 2024, ces Atex de cas B sont au bénéfice de tous.

 

Il n’empêche que la moisson du Village des Athlètes est faible pour le bois, et inconsistante pour les autres matériaux biosourcés. L’une des leçons semble avoir été qu’on ne décrète pas des pourcentages de bois français car ça ne se passe pas toujours comme on le veut en pratique.

 

L’héritage pour le bois

 

Le plus important n’est pas la quantité, mais la qualité, et le Village est tellement vaste qu’il permet de constituer un panel impressionnant de solutions en structures bois ou FOB, avec CLT, dalles Kerto-Ripa, solutions de planchers mixtes. L’héritage des JOP sera là, un éventail de solutions bois incomplet mais réel qui peut stimuler la construction, mais surtout la rénovation du bâti français. Avec en exergue, évidemment la charpente du Centre Aquatique Olympique, la passerelle de Dugny et d’autres petites pépites égrainées au fils des ouvrages.  

 


Source : batirama.com/ Jonas Tophoven/© Vincenzo de Cunzo

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