La directive Efficacité Énergétique prévoit deux objectifs de consommation énergétique en 2030 à ne pas dépasser : 763 Mtep pour la consommation d’énergie finale, et de 992,5 Mtep pour l’énergie primaire.
Le nouveau texte de la directive Efficacité Energétique a été adopté le 25 juillet et compte 284 pages, dont les 80 premières pages contiennent 156 attendus qui sont autant de conseils adressés par l’Europe aux Pays Membres. Ces attendus portent sur toutes sortes de thèmes, comme la nécessaire formation des acteurs de la rénovation énergétique, des Maîtres d’Ouvrage aux installateurs, en passant par les BE. Plusieurs attendus portent sur le fait que les collectivités territoriales connaissent mieux leur territoire que quiconque et qu’il faut leur confier une part importante de la conduite des actions de rénovation énergétique.
Le texte rappelle ensuite que "les exigences fixées par la présente directive sont des exigences minimales et ne font pas obstacle au maintien ou à l'établissement, par chaque État membre, de mesures renforcées." Suivent une dizaine de pages de définition, avant d’aborder le cœur du sujet à partir de l’article 3, page 92, qui pose le principe de primauté de l’efficacité énergétique qui doit guider les investissements à partir de 100 millions d’euros et de 175 M€ pour les investissements en infrastructures.
Le rôle exemplaire du secteur public
Le texte de la nouvelle directive réserve un rôle particulier au secteur public, avec la possible exception des transports et des forces armées, si les Pays Membres le souhaitent. Premièrement, la consommation d'énergie finale totale de tous les organismes publics cumulés doit baisser d'au moins 1,9 % chaque année, par rapport à 2021.
Deuxièmement, et c’est particulièrement intéressant, "les États membres établissent un niveau de référence qui inclut la consommation d'énergie finale de tous les organismes publics". Il n’existe rien de tel en France pour l’instant. Les organismes publics sont l’Etat, les Collectivités Territoriales, mais aussi tous les établissements publics, les sociétés publiques et les sociétés d’économie mixte, ainsi que les logements sociaux. Sont exclues, jusqu'au 31 décembre 2026, la consommation d'énergie des organismes publics dans les unités administratives locales de moins de 50.000 habitants et, jusqu'au 31 décembre 2029, la consommation d'énergie des organismes publics dans les unités administratives locales de moins de 5.000 habitants.
Le mouvement des Gilets jaunes a laissé des traces jusqu’à Bruxelles. Le texte insiste à plusieurs reprise sur le traitement de la précarité énergétique et précise "les États membres veillent également à ce que les autorités compétentes prennent des mesures pour atténuer les incidences négatives directes ou indirectes significatives des mesures d'efficacité énergétique sur les ménages en situation de précarité énergétique, les ménages à faibles revenus ou les groupes vulnérables lors de la conception et de la mise en œuvre de mesures d'efficacité énergétique". L’article 8 est largement consacré à la définition de la précarité énergétique et aux mesures à prendre pour la faire disparaître.
Les bâtiments publics doivent donner l’exemple.
L’article 6 précise qu’il s’agit "des bâtiments appartenant à des organismes publics et ayant une surface au sol utile totale supérieure à 250 m² et qui, au 1er janvier 2024, ne sont pas des bâtiments dont la consommation d'énergie est quasi nulle". En France, cela signifie tous les bâtiments publics. Puis l’article 6 demande qu’au moins 3 % de la surface au sol totale des bâtiments chauffés et/ou refroidis appartenant à des organismes publics soient rénovés chaque année, de manière à être transformés au moins en bâtiments dont la consommation d'énergie est quasi nulle ou en bâtiments à émissions nulles conformément à l'article 9 de la directive 2010/31/UE. Il s’agit de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, dont l’article 9 n’a pas été respecté en France : il prévoyait que d’ici au 31 décembre 2020, tous les nouveaux bâtiments soient à consommation d’énergie quasi nulle et qu'après le 31 décembre 2018, les nouveaux bâtiments occupés et possédés par les autorités publiques soient à consommation d’énergie quasi nulle.
Le texte introduit un bémol : "Les États membres peuvent exempter les logements sociaux de l'obligation de rénovation … lorsque ces rénovations ne seraient pas neutres en termes de coûts ou entraîneraient des augmentations de loyer pour les personnes vivant dans des logements sociaux, à moins que ces augmentations de loyer ne dépassent pas les économies réalisées sur la facture énergétique".
Trois autres types de bâtiments publics peuvent être exempté de ces rénovations énergétiques : les bâtiments historiques ou classés, les lieux de culte, les bâtiments de la Défense Nationale. ©PP
L’objectif fixé par l’article 6 de la directive sur l’Efficacité énergétique est somme toute très réaliste. Espérons qu’il sera vraiment suivi d’effet.
L’article 7, pour sa part, demande que dans le cadre des marchés publics, ne soient acquis que "des produits, services, bâtiments et travaux à haute performance énergétique". L’Annexe IV de la directive est entièrement consacrée aux "exigences en matière d’efficacité énergétique pour les marchés publics".
Et les grandes entreprises aussi
Les entreprises qui ont consommé plus de 85 TJ (23.611.130 kWh) par an au cours des trois dernières années, toutes énergies confondues, mettent en œuvre un système de management de l’énergie, certifié par un organisme indépendant, au plus tard 4 ans après l’entrée en vigueur de la directive. Voilà un nouveau marché pour les bureaux de contrôle.
Les entreprises qui ont consommé au moins 10 TJ (2.777.780 kWh) par an au cours des trois dernières années et que ne se sont pas dotées d’un système de management de l’énergie, doivent faire l’objet d’un audit énergétique, au plus tard trois ans après l’entrée en vigueur de la directive. ©PP
Dans les deux cas, il s’agit d’élaborer un plan d’action pour économiser l’énergie. Plusieurs dispositions françaises, dont le Décret Tertiaire, couvrent déjà cette obligation. La directive l’étend aux entreprises de toutes natures, en fonction de leur consommation énergétique.
La directive insiste également – Art 17 et 18 - pour que soient posés des compteurs intelligents, lisibles à distance, pour le gaz naturel, la chaleur, le froid et l’eau chaude sanitaire, capables de mesurer la consommation et de préciser quand elle a eu lieu.
Les articles 25 et 26 poussent au développement des réseaux de chaleur et de froid et tracent, jusqu’en 2025, un calendrier de réduction des émissions de GES (gaz à effet de serre), en partant de 200 g/kWh jusqu’au 31 décembre 2025 pour aboutir à 0 g/kWh à parti du 1er janvier 2050, avec trois étapes intermédiaires :
- 150 g/kWh au 1er janvier 2026,
- 100 g/kWh au 1er janvier 2035,
- et 50 g/kWh au 1er janvier 2045.
L’article 26 pousse également le développement de la cogénération à haut rendement. L’annexe X énumère les énergies renouvelables utilisables : chaleur et froid fatals industriels, incinération des déchets, cogénération à haut rendement, géothermie, solaire thermique et biomasse, pompes à chaleur et réduction des pertes de chaleur et de froid des réseaux existants.
Enfin, le texte insiste sur la nécessité de créer, soutenir, les financements publics divers en faveur de la rénovation et de l’efficacité énergétique.
Et maintenant ?
Le texte de la directive adopté le 25 juillet 2023 va être publié au Journal Officiel de l’Union Européenne et entrera en vigueur 210 jours après sa publication. Les Etats membres ont deux ans, après la date de publication, pour transposer ses dispositions dans leurs droits nationaux, soit mi-juillet 2025.
La Commission Européenne précise que la limite de consommation pour la consommation finale sera contraignante pour les États membres collectivement, tandis que l'objectif en matière de consommation d'énergie primaire sera indicatif.
Cette révision de la directive relative à l'efficacité énergétique traite, avec deux autres propositions, des aspects énergétiques de la transition climatique de l'UE dans le cadre du paquet "Ajustement à l'objectif 55". La Commission a présenté ce paquet le 14 juillet 2021. Ce paquet vise à mettre le cadre législatif de l'UE en matière de climat et d'énergie en adéquation avec l'objectif de neutralité climatique de l'UE à l'horizon 2050, ainsi qu'avec son objectif consistant à réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d'au moins 55 % d'ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Le paquet consiste en une série de propositions étroitement liées, qui soit modifient des actes législatifs existants, soit introduisent de nouvelles initiatives dans une série de domaines d'action et de secteurs économiques.
En outre, dans le cadre du plan REPowerEU, la Commission a proposé, le 18 mai 2022, une série de modifications ciblées supplémentaires de la directive relative à l'efficacité énergétique afin de tenir compte des récentes modifications du paysage énergétique. Les éléments de la proposition ont été intégrés dans le processus de négociation interinstitutionnelle entre le Conseil et le Parlement.
Cette infographie peut être consultée sur le site du Conseil de l'Union européenne. © Conseil de l'Union Européenne
Source : batirama.com / Pascal Poggi