La France s’est engagée à respecter l’agenda Fit for 55 (50% d’émissions de GES en moins d’ici 2030) et les nouvelles centrales nucléaires seront, au mieux, opérationnelles seulement en 2035.
Gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE possède 100.000 km de lignes à haute tension et est responsable de l’équilibre entre la consommation et la demande d’électricité à tout moment. RTE édite aussi des rapports prospectifs sur la demande et la production d’électricité. Le plus récent, intitulé "Futur Energétique 2050", est consultable librement. Il traite des trajectoires pour atteindre la neutralité carbone de la production d’électricité en France, conformément au but européen auquel la France a souscrit.
Parmi les différents scénarios de RTE, figure une version 100% renouvelable. Mais 100% renouvelable ou pas, c’est un choix politique, souligne Xavier Piechaczyk lors de son interview conjoint avec Cécile Duflot sur France Inter le 26 août dernier.
Ce qui lui semble certain, en revanche, c’est qu’il faut absolument accélérer sur le développement des ENR si la France veut respecter l’accord européen "Fit for 55" auquel elle a souscrit. Cet accord, qui a été sévérisé après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, prévoit de baisser de 50% les émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) en Europe d’ici 2030. Si la relance du programme nucléaire – six nouveaux EPR d’ici 2035, puis 14 de plus ensuite – se passe du mieux possible, les nouvelles centrales ne pourront pas produire avant 2035. A ce moment de l’entretien sur France Inter, Cécile Duflot rit et rappelle que les retards successifs de tous les EPR construits dans le monde – en Chine, en Finlande et en France – ne plaident pas nécessairement en la faveur d’un scénario de construction idéal pour les nouveaux EPR français.
Xavier Piechaczyk ne peut pas l’approuver, il est tout de même président de RTE et on ne sait pas ce qu’il pense vraiment. Mais au fond, peu importe : il a raison. Dans le meilleur des scénarios possibles, les nouvelles capacités nucléaires n’entreront en fonction qu’à partir de 2035. L’engagement Fit for 55 porte sur 2030. Et il existe une solution pour respecter cet engagement malgré tout : développer rapidement les ENR.
Au passage, Xavier Piechaczyk souligne le vrai problème : 63% de la consommation actuelle d’énergie française porte sur des énergies fossiles, entièrement importées, pour l’essentiel de pays qui ne sont pas nos alliés, et qui coûtent à la France entre 50 et 100 milliards d’Euros par an.
Enfin, rappelons qu’en France, l’énergie est utilisée à 42% pour la chaleur, 30% pour le transport et 28% pour les usages directs de l’électricité (éclairage, électroménager, industrie, etc.).
Développer les ENR
Dans son argumentation, Xavier Piechaczyk souligne que les usages de l’énergie doivent s’électrifier et que l’électricité consommé doit être produit de manière décarbonée. La France consomme aujourd’hui environ 450 TWh d’électricité par an. Ce chiffre, selon Xavier Piechaczyk et RTE, doit monter à 600 TWh en 2035 pour atteindre 700 TWH en 2050. Dans les usages, il inclut chaleur et transport. L’étude de RTE, au passage, tient compte d’une baisse de la consommation d’énergie en France de 40% d’ici 2050. Ce qui est considérable. Au bout du compte, RTE parie donc sur une réduction globale des consommations d’énergie et une électrification des usages. Tout en évoquant tout de même parmi les usages, le développement des biocarburants, mais pas celui du solaire thermique.
Au contraire, page 7 de son rapport rendu le 29 juin, la Commission d’enquête du Sénat sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, souligne au contraire que "La rénovation énergétique ne doit pas conduire qu’à une électrification massive des logements, mais préserver un mix énergétique équilibré et résilient, ouvert à plusieurs énergies et plusieurs technologies garantissant sa flexibilité et sa sûreté et s’appuyant sur la sobriété. En conséquence, favoriser la géothermie, les réseaux de chaleur et la biomasse. Adopter un calendrier réaliste de réduction de l’utilisation du gaz fossile et ne pas interdire les chaudières à gaz."
Quoi qu’il en soit, côté production d’électricité à base d’ENR, si l’on examine le développement du photovoltaïque, le bilan publié mi-juin 2023 par le ministère de la Transition Énergétique montre que notre pays a ajouté 40.411 installations au premier trimestre 2023, soit une capacité supplémentaire de 601 MW pour atteindre une puissance totale de 17GW. Rappelons que la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) de 2016 fixe un objectif à atteindre fin 2023 compris dans une fourchette entre 18,2 et 20,2 GW, puis entre 35,1 et 44 GW fin 2028. Selon le ministère, 97% de ces nouvelles installations portent sur des puissances inférieures à 9 kWc. Ce sont donc des installations domestiques décentralisées. ©PP
L’obligation de couvrir les parkings de plus 1500 m² de photovoltaïque, prévue par la Loi sur l’accélération des énergies renouvelables, devrait considérablement booster la production d’électricité photovoltaïque dans les quatre années à venir et conduire à l’installation d’au moins 10 GWc de capacité nouvelle. Un projet de décret codifiant cette obligation et prévoyant des pénalités pour ceux qui ne s’y conformeraient pas est en cours d’enquête publique jusqu’au 14 septembre.
Parmi les énergies renouvelables possibles pour produire de l’électricité, les éoliennes, tant terrestres que maritimes, cristallisent les oppositions. Les objectifs de la PPE pour l’éolien terrestre sont de 24,1 GW fin 2023, puis de 33,2 à 34,7 GW fin 2028. L’éolien en mer doit atteindre 2,4 GW de puissance installée en 2023, grâce au premier parc éolien en mer mis en service au large de Saint-Nazaire. Deux autres parcs éoliens maritimes sont en cours d’aménagement et la puissance éolienne maritime devrait atteindre 5,2 à 6,2 GW en 2028 d’après la PPE. Selon RTE, la production éolienne en France, terrestre + maritime, a atteint 37,5 TWh en 2022. ©PP
Par ailleurs l’explosion des prix de l’électricité pour les entreprises les incite à équiper leurs grandes toitures de panneaux photovoltaïques. De même, poser des panneaux photovoltaïques sur les hangars agricoles ou simplement louer les toitures des ces hangars à des opérateurs photovoltaïques procure aux agriculteurs un surcroît de revenu appréciable. ©PP
Et la chaleur solaire ?
Comme 42% des usages de l’énergie en France sont consacrés à la chaleur, il est intéressant d’examiner les ENR susceptibles de contribuer directement à la production de chaleur. La PPE cite la biomasse (145 TWh en 2023, 157 à 169 TWh en 2028), les pompes à chaleur y compris les pac géothermiques (39,6 TWh en 2023, 44 à 52 TWh en 2028), la géothermie profonde (2,9 TWh en 2023, 4 à 5,2 en 2028), les réseaux de chaleur (24 TWh en 2023, 31 à 36 TWh en 2028), le biogaz et le solaire thermique.
En ce qui concerne le solaire thermique, souvent le grand oublié des discours sur l’énergie, la PPE fixe un objectif de 1,75 TWh en 2023, puis compris entre 1,85 et 2,5 TWh en 2028. En 2020, dernières données connues, la production solaire thermique a atteint 2,2 TWh en France. L’objectif est faible et sera dépassé, même si la production solaire thermique en France se développe lentement.
L’Ademe a lancé en juillet 2023 un nouvel appel à projet (AAP) en faveur du développement des grandes installations solaires thermiques qui court jusqu’au 13 octobre. Cet AAP concerne les industriels (agro-alimentaire, papeterie, station de lavages, etc.) et les agriculteurs consommateurs d’eau chaude et les réseaux de chaleur qui veulent maximiser leur taux d’énergies renouvelables. Les maîtres d’ouvrage peuvent être publiques (réseaux de chaleur) ou privés. Les secteurs particulièrement visés sont notamment les centrales thermiques pour un industriel ou pour un réseau de chaleur, avec des températures inférieures à 110°C : à partir de 500 m² de capteurs pour le tertiaire, le résidentiel collectif, l’industrie et l’agriculture, de plus de 1500 m² de capteurs pour les réseaux de chaleur. Dans ce dernier cas, les opérations candidates doivent également prévoir un stockage de chaleur, inter-saisonnier si possible. Ce dernier AAP de l’Ademe reconduit les aides pour les opérations de SSC (chauffage et ECS solaires combinés) en collectif et en tertiaire avec des surfaces de capteurs comprises entre 250 et 500 m², ainsi que le soutien au développement des pompes à chaleur solarothermiques, dont nous vous parlons régulièrement.
Source : batirama.com / Pascal Poggi