La REP pour les produits et matériaux du bâtiment se déploie dans une certaine confusion depuis le 1er mai 2023, en matière de collecte. Les objectifs pour le bois manquent de clarté.
Il en va comme de la RE2020. Pendant longtemps, les sachants présentent des grands principes écologiques et philanthropiques, tandis que la réalité pour une filière donnée ne s’esquisse qu’au fur et à mesure. D’abord, par le coût de 8 euros par tonne à payer aux organismes de certification depuis le premier mai, par les entreprises qui mettent le premier un produit fini sur le marché, ce qui en pratique suscite toute sortes de tiraillements. Et déjà, des incertitudes se pointent : premièrement, il semble que ce tarif est un tarif de départ, qui pourrait être augmenté ; deuxièmement, on ne comprend pas comment les sciages d’importation vont contribuer.
Les trois frères
On sait qu’un producteur qui met des produits en bois sur le marché doit adhérer à l’un des quatre organismes et verser une taxe calculée par tonne de bois. En fait, il s’agit de trois organismes qui entrent en ligne de compte : Ecomaison, Valdelia et Valobat.
La FNB et l’UICB sont au capital et dans le conseil d’administration de Valobat depuis 2022. Ils ne sont pas seuls, c’est la stratégie entriste de Valobat, et cela ne signifie pas que les membres de la FNB et de l’UICB suivent comme un seul homme, mais en pratique, ça joue. L’approche de Valobat est générale et vaut pour tous les produits du Bâtiment. Ecomaison a une longue expérience du bois d’ameublement et Valdelia fait également valoir ses atouts. Tous collaborent avec Ecominéro centré sur les déchets inertes.
Atelier C4 sur la REP et le réemploi au Forum Bois Construction de Lille le 14 avil 2023.
Une grande expectative
En échange de l’écocontribution, les trois organismes se proposent de mettre en place des filières de récupération, de recyclage, de ré-utilisation et de réemploi du bois à partir des chantiers de curage et de rénovation, des chantiers neufs, des ateliers, des usines, et cela en plus de ce qu’il faudra faire pour tous les autres matériaux. A terme, la concurrence des trois organismes devrait stimuler un maillage dense du territoire en déchetteries, centres de stockage, bennes, collectes dédiées au bois… Pour l’instant, on ne sait même pas selon quels critères un bois doit être classé et collecté, par exemple si un tasseau a été peint et est lardé de clous…
Usine à gaz ?
Au 12e Forum Bois Construction de Lille le 14 avril 2023, Dominique Cottineau, délégué général de l’UICB, remercie les pouvoirs publics pour cette usine à gaz qui n’est selon lui qu’une moquerie – en employant des termes châtiés. C’est ainsi que s’ouvre l’atelier C4 sur la REP, remploi et recyclage, modéré par Marie-Cécile Pinson. Mais il se termine pour ainsi dire par le témoignage d’Eric Weisman-Morel d’Ecomaison, qui reconnaît dans la situation actuelle les affres de l’ameublement il y a dix ans. Marie-Cécile Pinson, qui vient également de l’univers de l’ameublement, acquiesce : on y arrivera. Mais à quoi ?
Les représentants des éco-organismes se présentent.
L’accent sur le réemploi
Selon Ambre Le Ferrec de la FNB, la filière bois est déjà plus ou moins en phase avec les objectifs généraux de la REP en termes de recyclage. Selon Sylvain Laurenceau du CSTB, la part du réemploi doit passer de moins de 1% à 5% en 2027, ce qui est à la fois très peu et considérable. Pour l’heure, le réemploi structurel du bois se fait mais la plupart du temps de façon quasi illégale, si l’on en croit les remontées du terrain. De fait, constate Morgane Croquelois de Rewood (start-up lilloise du réemploi du bois), il faut faire le départ entre les textes et ce qui se passe réellement sur les chantiers. En clair, la benne remplie sans beaucoup d’égard par des déchets de chantiers en bois au sens large ne va pas céder la place du jour au lendemain à des espaces de stockage ciblés, ne serait-ce qu’à cause des pratiques ancrées, mais aussi des espaces à disposition.
Les flux vont-ils vraiment changer ?
Et pourtant, l’abondance phénoménale des déchets en bois constitue aujourd’hui encore une aberration du bâtiment et de la filière bois. Elle profite notamment aux cimenteries qui non seulement disposent d’un combustible, mais s’en prévalent pour se verdir dans les green deals européens. Quant aux fabricants de panneaux de process, la part du recyclage ne cesse de croître car les connexes sont happés par le marché des pellets. La possibilité selon laquelle les "metteurs sur le marché" de produits en bois paieront et répercuteront 8 euros la tonnes pour mieux alimenter les cimenteries et l’industrie des panneaux est réelle. Et pourtant, on aurait besoin d’un réemploi et d’une ré-utilisation massive pour améliorer le cycle de vie des produits du bois et leur compétitivité à l’âge de l’économie du carbone.
Le réemploi, aune de performance
Le réemploi est une idée sexy qui plaît aux architectes et bénéficie d’un bonus dans la RE2020, quitte à faire venir les briques de réemploi d’Australie. Compte tenu des difficultés inhérentes au réemploi du bois structurel ou non, c’est là et là seul que devrait porter tous les efforts et c’est là que se mesurera la validité des Ecomaison, Valdelia et Valobat. Sans oublier le ré-usage qui semble plus flexible et plus adapté à la réalité du Bâtiment.
Source : batirama.com/ Jonas Tophoven / © Rewood