La formation, talon d’argile de la construction bois, au Forum Bois Construction

Face à la "révolution" que constitue la RE2020, la construction biosourcée a du mal à suivre le rythme imposé, mais les initiatives multiples se mettent en place pour changer la formation initiale et continue.

La formation est une question importante, notamment pour une filière émergente comme la construction biosourcée. Mais entre les objectifs à pourvoir et les métiers sous tension, les formations scolaires ou en alternance, les multiples diplômes et la complexité des vases communicants, on s’y perd. Lorsqu’en plus de cela il s’agit de former en fait aux métiers de demain, donc à la construction d’après 2030, et que les dégâts du changement climatique s’accélèrent sans donner une visibilité sur ce qui pourra encore se faire, on a le vertige.

 

Un atelier-fleuve

 

Au Forum Bois Construction de Paris en 2021, Rodolphe Maufront de l’UMB-FFB (animateur également du B6 de 2023) tirait la sonnette d’alarme quant à la relève et s’inscrivait dans l’inquiétude qui prévalait pour toute la filière bois. La formation, laissée de côté au Forum si ce n’est par la conception du congrès comme instrument de formation, devenait un thème majeur. Il ne suffisait plus de séduire le grand public par le montage d’un totem sur le parvis du centre de congrès, comme le Forum le pratiquait grâce aux Compagnons du Devoir depuis 2015.

 

Pour autant, des divergences apparaissaient. D’un côté, l’urgence invitait à étudier les solutions immédiates de formation rapide comme les stages de Bois PE à Egletons, où l’Académie de Bouygues. De l’autre, l’institution de la formation, portée par les fédérations professionnelles, refusaient une remise en cause et le thème de la formation devenait vite la présentation d’un catalogue sans prise avec les questions de fond. Par exemple, le monde de la charpente tient mordicus au trait, mais le monde du chantier aurait besoin de monteurs qui n’utiliseront jamais le trait. Dialogue de sourd.

 

A Nancy en 2022, le Forum a réservé toute la partie avancée de l’exposition à la formation ; un immense totem attirait le chaland ; le thème a été abordé en prime time. Pour les raisons citées plus haut, le résultat fut maigre. On peut dire la même chose du colloque organisé un peu plus tard sur ce sujet à l’Académie du Climat à Paris, avec un peu les mêmes personnes qu’à Lille en avril 2023. Et pourtant, l’atelier-fleuve de 2h30 à la fin de l’après-midi du vendredi 14 avril, plutôt déserté bien que débouchant sur la présentation des lauréats du concours des jeunes charpentiers dans l’espace d’exposition, a été un succès.

 

Peut-on parler de pénurie dans la construction bois ?

 

Les 12 interventions de cet atelier constituaient un programme copieux. Il était logique de commencer par les précieux chiffres de formation de l’UMB-FFB, même si le code NAF des charpentiers s’applique à 8.000 entreprises et que l’enquête nationale de la construction bois a progressivement ramené le chiffre des entreprises actives dans la construction bois à 2000. Comme le souligne Cécile Richard, déléguée générale de l’UMB-FFB, les statistiques de formation se réfèrent plutôt au bois dans la construction, et dans une filière traditionnelle dont les échelons sont précisés ensuite par les représentants des Académies des Hauts-de-France. De même, quand Cécile Richard souligne que le nombre des entreprises croît avec pas mal de structures sans salariés, cela ne s’applique pas forcément à la construction biosourcée.

 

Arpajon, un chantier école pour le public comme pour les pros

 

Toutes les autres interventions étaient par contre bien ciblées et débouchaient sur le concours des jeunes charpentiers comme incitation et motivation de la jeunesse. Pour y parvenir, l’atelier est passé par le chantier-école de la rénovation lourde du centre socio-culturel d’Arpajon. Un beau modèle de rénovation biosourcée présenté par l’éminent architecte Corentin Desmichelle, placé là pour que l’atelier ne se détache pas trop de la réalité des chantiers. L’option chantier-école, où chaque lot est réalisé avec une approche pédagogique pour tous, est un bon exemple peu connu de motivation du public. Au passage, l’extension en paille enduite apporte au Forum un exemple de construction biosourcée adaptée aux canicules.

 

Des initiatives multiples et transeuropéennes

 

Le concept Ice Box Challenge est une autre sensibilisation du public visant à faire comprendre l’intérêt d’une approche passive. La performance de l'isolation s'y mesure par la fonte d'un cube de glaçon, ce qui permet d'expliciter l'isaoltation thermique de façon assez spectaculaire. Quant au projet Up’Fib présenté par Arnaud Godevin de l’ESB, il s’agit de colmater les trous dans la raquette de la formation aux métiers du bois, grâce à un concept qui vient de décrocher 10 millions d’euros d’aides. Toujours à l’ESB, Builder method est un projet européen visant à rapprocher les jeunes acteurs de la construction bois. Pour un peu, le projet de l’année aurait été réalisé comme totem du 12e Forum. A l’attention des étudiants des ENSA, le CNDB a développé tout un panel d’incitations selon lesquelles la question du manque de moyens doit être dissociée des possibilités d’apprentissage de la construction biosourcée.

 

Il était question dans le PACTE bois-biosourcé de FiBois de développer une formation continue adaptée pour les signataires souhaitant construire en bois-biosourcée. La formule 2CBBC en modules répartis sur plusieurs mois semble vouloir y répondre. Céline Laurens, délégué générale de FiBois, a eu la bonne idée de venir avec deux acteurs du Bâtiment qui ont bénéficié de cette formation, un constructeur de major et un maître d’ouvrage social, Jérémy Renaut de Septalia, qui souligne la nécessité de s’adapter à ce qu’il considère comme une révolution. 

 

En complément, CD2E (co-organisateur du Forum de Lille) montre une façon intelligente de formation à la construction en environnement biosourcé, au pied des chantiers. Et le souffle ne retombe pas avec l’intervention de Thierry Varachaud de CCCA-BTP, qui n’est plus tant une institution de la formation par alternance qu’un incitateur à avancer, citant l’effet d’une expérimentation avec une fraiseuse portative qui ne peut être que celle d’Epur, et qui aurait permis de récupérer pour le métier des élèves qui semblait s’en exclure.

 

Se former, le nouveau sport

 

Précédant la présentation du concours des charpentiers, celle sur la formation professionnelle de construction bois en Europe a été écourtée à cause de l’horaire et devrait faire l’objet de développement plus précis à l’occasion du prochain Forum. Car la question, déjà évoquée à l’Académie du climat, est passionnante : que doit maîtriser un ouvrier de la construction bois partout en Europe, de façon à ouvrir la voie à une meilleure fluidité de la main d’œuvre.

 

L’effervescence de la formation pour la construction biosourcée au sens large montre qu’il ne s’agit pas tant de convaincre tel ou tel milieu pour boucher tel ou tel trou, mais que la pédagogie devient une part indissociable de l’acte de construire. Ce qui rentre parfaitement dans le mot d’ordre du 21e siècle : apprendre, s’adapter, survivre.

 


Source : batirama.com / Jonas Tophoven

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