L’électricité d’origine éolienne devient un solide contributeur net aux recettes de l’Etat. Le bouclier tarifaire coûte 28,5 Md€ en 2023, l'électricité photovoltaïque 1 Md€, le soutien au Gaz Vert montera à 800 M€.
Le 3 octobre 2023, la CRE (Commission de Régulation de l’Energie) a publié sa délibération du 13 juillet 2023 "relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2024 et à la réévaluation des charges de service public de l’énergie pour 2023". Au titre de 2023, après réévaluation :
- les recettes prévisionnelles liées au soutien aux énergies renouvelables en métropole continentale représentent un montant de charges négatives de – 13,5 Md€,
- les charges liées aux mesures exceptionnelles de protection des consommateurs, autrement dit le bouclier tarifaire pour les ménages et pour les petites entreprises, atteint + 28,5 Md€,
- tandis que les charges liées au soutien en zones non interconnectées se montent à + 2,9 Md€.
L’éolien terrestre apporte une contribution nette de 6,2 Md€ aux finances publiques en 2023. ©PP
Une contribution nette de l’électricité d’origine renouvelable
Les charges liées au soutien des énergies renouvelables électriques et gazières représentent à nouveau une recette importante de 13,5 Md€ pour les finances publiques en 2023. C’est cependant moins que ce que la CRE avait prévu en novembre 2022, parce que – malheur ! – les prix de gros de l’électricité ont fortement baissé depuis. En combinant algèbre et vocabulaire, une charge négative devient bien une contribution positive.
Dans le détail,
- la filière ENR électrique apporte une contribution nette cumulée prévisionnelle au titre de 2022 et de 2023 de 6,5 Md€, dont 6,2 Md€ pour le seul éolien terrestre. Tandis que la filière photovoltaïque demeure une charge pour le budget de l’Etat à hauteur de 1 Md€ en cumulé sur 2022 et 2023, du fait, souligne la CRE, des contrats de revente historiques conclus à des prix très élevés.
- une dépense cumulée de 0,8 Md€ pour la filière du biométhane injecté. Le même montant de 800 M€ pour l’injection de biogaz a d’ailleurs été annoncé dans les 7 Md€ de dépenses vertes supplémentaires présentées par Mme Borne le 19 septembre, devant le Conseil National de la Refondation.
- des effets de régularisation des charges liées aux énergies renouvelables électriques et gazières, à hauteur de 7,8 Md€, par rapport aux montants versés aux opérateurs en 2022. Traduction : l’Etat a, vite fait, récupéré le trop versé.
Le soutien à la filière photovoltaïque coûte encore 1 Md€ en 2013, en baisse depuis plusieurs années. ©PP
Le coût du bouclier tarifaire
Les charges au titre du bouclier tarifaire et de l’amortisseur s’élèvent à 23,5 Md€ pour l’électricité et 1,4 Md€ pour le gaz en 2023. Le reste des charges au titre des années précédentes ont, en revanche, été revues à la baisse par rapport à l’évaluation de novembre mais de manière moins sensible : elles s’élèvent à 4,3 Md€.
En ce qui concerne ses prévisions de charges pour 2024, la CRE avance des montants qui ne tiennent pas encore compte des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs (boucliers et amortisseur). La CRE prévoit donc, hors bouclier, un montant de charges net de 0,6 Md€, avec une contribution nette positive des ENR électriques de 2,7 Md€ - même si leur montant peut fortement varier du dispositif de déplafonnement des contrats de complément de rémunération -, une charge de 0,9 Md€ pour l’injection de biométhane et un coût de soutien dans les zones non interconnectée de 2,2 Md€. Il faut encore ajouter le soutien à la cogénération au gaz naturel, soit 0,1 Md€ ; les frais de gestion des contrats de soutien pour 0,09 Md€ ; le soutien à l’effacement de consommation d’électricité à hauteur de 0,06 Md€ et les dispositifs sociaux qui atteignent seulement 0,04 Md€.
En synthèse, la CRE annonce un montant prévisionnel des charges de service public de l’énergie au titre de l’année 2024 de 707,1 M€, en baisse de 834,9 M€, soit - 54 % par rapport au montant constaté des charges au titre de l’année 2022 (1.542,0 M€).
La production des ENR soutenues
Côté énergie, la CRE envisage une production prévisionnelle des énergies renouvelables électriques soutenues en métropole continentale de 64,6 TWh en 2024, contre 59,9 TWh prévus en 2023 et une production constatée de 61,3 TWh en 2022.
La hausse de ce volume – attention, il ne s’agit pas de la production totale des ENR électriques, mais seulement de la partie qui bénéficie d’un soutien financier - est très mesurée, notamment du fait des nombreuses résiliations anticipées intervenues en 2022 et, dans une moindre mesure, en 2023, ainsi que de l’arrivée à échéance de nombreux contrats d’obligation d’achat. Ce volume est aussi affecté par les mesures d’urgence prises à l’été 2022, permettant à certaines installations lauréates d’appels d’offres de reporter la prise d’effet de leur contrat de complément de rémunération pour vendre leur production d’électricité sur les marchés pendant une période limitée. Traduction : une partie des bénéficiaires de contrats d’aide à la production d’électricité ENR, devant la formidable augmentation des prix de gros sur le marché libre, a demandé et obtenu de renoncer au soutien pour vendre beaucoup plus cher sur le marché de gros.
Résiliations anticipées, une perte pour l'Etat
Selon les informations dont la CRE disposait à fin mai 2023, 4,7 GW d’installations ont demandé à résilier de manière anticipée leur contrat de soutien. Il s’agit principalement les filières éolienne et hydraulique (environ 75 % de la puissance ayant fait l’objet d’une demande de résiliation anticipée), mais ces demandes touchent quasiment l’ensemble des filières de production. Les contrats concernés sont avant tout ceux :
- arrivant à échéance à un horizon de temps où les producteurs peuvent se couvrir sur les marchés à terme ;
- et qui ne prévoyaient pas de pénalités en cas de résiliation anticipée à l’initiative du producteur. En particulier, souligne la CRE, certains contrats ne prévoient pas le remboursement par les producteurs de l’ensemble du soutien perçu depuis la date de prise d’effet du contrat. Traduction : l’Etat n’est même pas capable de rédiger des contrats correctement et ne sait pas non plus les lire.
Un rien perfide, la CRE ajoute : "Les installations concernées n’ont pu être développées que grâce à la garantie et au soutien financier de l’Etat pendant une longue période (en général 20 ans). Il n’est pas légitime qu’elles puissent sortir des contrats garantis par l’Etat sans contrepartie. La CRE accueille ainsi favorablement l’effet pour ces installations de la mise en place, dans le cadre de l’article 54 de la loi de finances pour 2023, d’une mesure de taxation des rentes inframarginales, qu’elle avait recommandée spécifiquement pour ces installations dans ses délibérations du 13 juillet 2022 et du 3 novembre 2022. Elle note que, du fait de la diminution relative des prix de gros de l’électricité et de la mise en place de cette taxation, les demandes de résiliation sont en baisse depuis le début de l’année 2023."
Gaz naturel, biométhane
Les installations de cogénération au gaz naturel devraient produire 5,2 TWh en 2024, soit une production en baisse par rapport à celle prévue en 2023 (5,8 TWh) et celle constatée en 2022 (6,7 TWh), du fait de l’arrivée à échéance et de résiliations anticipées de contrats d’achat. Là, le mécanisme est l’inverse de celui du paragraphe précédent. Une partie des cogénérateurs, notamment ceux dont les contrats d’approvisionnement en gaz naturel sont venus à échéance au moment de la forte croissance des prix du gaz sur le marché de gros après l’invasion de l’Ukraine, s’est retrouvée à perdre de l’argent parce que le prix du gaz avait trop augmenté.
Les prévisions d’injection de biométhane sur l’année 2024 s’élèvent, elles, à 12,4 TWh, contre 9,3 TWh prévus pour l’année 2023 et 6,7 TWh effectivement injectés au cours de l’année 2022.
Bref, les ENR électriques, ça rapporte ! Le Biogaz, pas encore.
Source : batirama.com / Pascal Poggi