Lors de sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale mardi, Gabriel Attal a évoqué quelques solutions concrètes pour sortir le pays de la crise du logement. Les commentaires et réactions sont nombreux.
Lors de son discours de présentation de la politique générale à l'Assemblée nationale mardi soir, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé plusieurs "solutions immédiate" pour sortir de la crise du logement qui frappe le pays.
"S'il y a un secteur qu'il faut déverrouiller, c'est bien le logement" a-t-il indiqué. "Le problème du logement est clair : il tient à la fois à l'offre et à la demande. Or, pouvoir se loger, acquérir son logement, c'est pour tant de Français le projet d'une vie, l'assurance d'une retraite sereine. En lien avec les élus locaux, nous répondrons à cette crise du logement en créant un choc d'offre avec cinq solutions immédiates proposées."
Au programme, de la simplification et de l'accélération
"Nous allons simplifier massivement les normes" a poursuivi le Premier ministre, "revoir les DPE (diagnostics de performance énergétique), simplifier l'accès à MaPrimeRénov', faciliter la densification, lever les contraintes sur le zonage, accélérer les procédures. Ensuite, nous désignerons dans deux semaines 20 territoires engagés pour le logement où nous accélèrerons toutes les procédures, comme nous avons su le faire pour les Jeux Olympiques et Paralympiques, avec pour objectif d'y créer 30.000 nouveaux logements d'ici 3 ans. Nous n'hésiterons pas à procéder à des réquisitions de bâtiments vides, notamment des bâtiments de bureaux, nous l'avons déjà fait et nous continuerons à le faire."
En ce qui concerne le logement social, Gabriel Attal souhaite travailler avec les maires. "Nous allons [leur] donner la main pour la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune", a-t-il poursuivi. Actuellement, ces attributions sont décidées par des commissions regroupant des représentants du bailleur, du maire, de l'Etat et de l'intercommunalité. L'Association des maires de France (AMF) a salué dans un communiqué "la reconnaissance de la compétence des maires en matière d'attribution de logements locatifs sociaux".
Gabriel Attal souhaite également mettre en place un prêt de "très long terme de 2 milliards d'euros" pour le logement social, secteur qui traverse une crise sans précédent (2,6 millions de ménages étant en attente de logement social).
Inclure les logements intermédiaires dans le calcul
Mais le Premier ministre entend également "faire évoluer" ce secteur pour "soutenir les classes moyennes". Il souhaite revoir le décompte des logements sociaux au titre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU). Adoptée en 2000, cette loi emblématique de la politique de la ville oblige les communes en zone urbaine à avoir un taux minimal de logements sociaux.
"Vous le savez, d'ici 2025, toutes les communes soumises à la loi SRU doivent posséder au moins un quart de logements sociaux sur leur territoire. Nous proposerons d'ajouter pour une part les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, dans ce calcul", a déclaré le Premier ministre, s'attirant aussitôt des critiques.
Réactions vives de la Fondation Abbé Pierre, de l'Anah et de l'USH
"C'est scandaleux d'intégrer dans les quotas de la loi SRU les logements locatifs intermédiaires qui sont destinés plutôt aux classes moyennes, voire aux classes moyennes supérieures", a réagi auprès de l'AFP Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. M. Domergue a rappelé que "les trois quarts des demandeurs de logements sociaux attendent un logement très social". "Il n'y avait déjà pas assez de logements sociaux et là on va donner l'opportunité à des maires qui ne veulent pas accueillir des pauvres sur leur territoire d'accueillir à la place des cadres", a-t-il ajouté.
Le président de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), Thierry Repentin, dénonce un plan qui "revient à reprendre des propositions faites sous la présidence de Nicolas Sarkozy". "Le logement intermédiaire, compte tenu de son niveau de loyer et donc des revenus nécessaires pour l'assumer, concerne moins de 5% des demandeurs d'un logement social en France", déplore M. Repentin. "Cette proposition, qui ne règlera en rien le retard pris pour la construction du logement social, va renforcer les ségrégations territoriales", a estimé pour sa part l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui représente les bailleurs, dans un communiqué.
La Capeb attend un plan d'actions spécifique pour les TPE du bâtiment
Rebondissant sur les propos du Premier ministre, qui a également déclaré hier soir : "Je souhaite m’adresser à tous ces Français, souvent de la classe moyenne (…) qui ne se plaignent pas alors qu’ils ont le sentiment de subir. (…) Je les entends, je les comprends", la Capeb, dans un communiqué mardi, indique se reconnaître dans la priorité donnée par le Premier ministre et attendre "un plan d'actions spécifique pour les TPE du bâtiment."
"Certains propos tenus par le Premier ministre nous donnent envie d'y croire : la volonté exprimée de vouloir déverrouiller le secteur du logement, son choix pour répondre à la crise que connaît le secteur de simplifier massivement les normes en commençant par la révision des DPE, et la simplification de l'accès à MaPrimeRénov'. Nous constatons que notre "Appel de la dernière chance" trouve un écho favorable".
La Capeb a cependant réitéré le sentiment d'injustice en ce qui concerne les dernières annonces autour du GNR (Gazole non routier), à savoir que la suppression de la hausse des taxes n'aient été accordée qu'aux agriculteurs seuls, et conclut : "Nous demandons au Premier ministre de prendre des dispositions pour protéger nos TPE, nous l’avons demandé ce matin à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, nous n’en démordrons pas."
Indignation du logement privé : "Faut-il que nous emmurions Paris avec nos briques et nos mortiers ?"
Damien Hereng, président de la FFC, demande au Premier ministre que le secteur de la construction de logements privés ne soit pas oublié. © FFC
Damien Hereng, président de la Fédération Française des Constructeurs de maisons individuelles, a répondu au discours de Gabriel Attal par voie de communiqué de presse également mardi soir : "Si l'appui au logement social et intermédiaire reste essentiel, il est impératif de porter une attention équivalente aux enjeux entourant le secteur du logement privé. Sans cette démarche, la résolution de la crise du logement demeurera hors de portée. Monsieur le Premier ministre, votre proposition de désigner 20 zones prioritaires pour accélérer les procédures, dans le but de construire 30.000 nouveaux logements en l'espace de trois ans, semble dérisoire face à l'ampleur du problème auquel le pays est confronté. Je vous rappelle que selon l’Union Sociale de l’Habitat (USH) il faudrait construire ou remettre sur le marché 518.000 logements par an d’ici à 2040 afin de répondre aux besoins à venir de la population. Pis, la seule perspective pour les Français résiderait donc dans la location d'un logement social ? Je suis profondément indigné par ce discours."
Et de conclure : "il est temps de reconnaître la valeur et l’importance du secteur de l’habitat privé. Nous demandons des actions concrètes, une politique qui soutient réellement la construction de l’habitat préféré des Français. Faut-il que nous emmurions Paris avec nos briques et notre mortier pour que nous soyons enfin entendus et que vous agissiez ? La construction de logements neufs, collectifs et individuels, doit être une priorité nationale, et nous n’accepterons rien de moins."
Source : batirama.com/ Emilie Wood avec AFP / Photo : capture d'écran de la vidéo du discours du Premier Ministre © compte X (ancien Twitter) du Gouvernement