Assises de la Construction durable en Outre-Mer : retour sur les enjeux majeurs

Le 20 février se tenaient les Assises de la Construction durable en Outre-Mer, sous l'impulsion d'OMBREE, et ce afin de lutter contre le mal-logement et l'inadaptation des habitats dans les territoires ultramarins.

Le 20 février 2024 se tenaient à Paris, au siège de la SMABTP, les Assises de la Construction durable en Outre-Mer avec comme principaux intervenants Action Logement, l'AQC (Agence Qualité Construction), les assurances SMABTP, Profeel, ainsi que des élus. Ces assises interviennent après six mois de travaux, notamment une pléthore d'ateliers sur le terrain ainsi que la participation de quelques deux cent acteurs des Outre-mer, et ce sous l'impulsion du groupe OMBREE, le programme de soutien et d'accompagnement à destination des professionnels ultramarins afin de lutter contre le mal-logement et l'inadaptation des habitats aux conditions de vie spécifiques (et notamment le réchauffement climatique) dans les Outre-mer. Retour sur les défis et les enjeux.

 

OMBREE, un nouveau programme à destination des professionnels ultramarins

Comme l'indique le site consacré à OMBREE, les logements, en territoire d’Outre-Mer, constituent le plus important poste de consommation électrique (50 %) suivi par le secteur tertiaire (40 %) et l’industrie (10 %), des données révélant l'obligation de réaliser des économies d’énergie pour atteindre l’objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique (autrement dit : croissance verte et 100 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030). Dans cette perspective, le programme OMBREE a été choisi par l'État afin de valoriser les ressources locales et penser la réduction des consommations d’énergie dans les bâtiments ultramarins en contribuant aux actions de sensibilisation, d’information et de formation.


Officialisé par l’Arrêté du 3 janvier 2020 pour une durée de 3 ans, le programme OMBREE est géré par l’AQC, qui fait appel à des partenaires locaux :
- AQUAA (Guyane) ;
- CAUE de la Guadeloupe ;
- HORIZON RÉUNION ;
- KEBATI (Martinique)
- FEDOM) ;
- le comité de Pilotage composé de représentants des pouvoirs publics (DGEC, DHUP, DGOM, ADEME) et de EDF SEI, financeur du programme.

 


Quid des ressources locales ?

Les ressources locales, matière première de OMBREE, doivent être rendues plus visibles et accessibles et thésaurisées via quatre actions centrales, dont :

- un état des lieux complet des ressources existantes ;
- la capitalisation des retours d’expériences sur les usages en énergie des bâtiments ultramarins ;
- la production d’outils et d’actions de sensibilisation à destination des acteurs locaux ;
- la mobilisation des acteurs proches du terrain.

 


Temps forts de la conférence de presse

 

Le retour du bon sens...

Vaimu'a Muliava, ministre en charge de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat au gouvernement de la Nouvelle Calédonie, s'interroge : "Pourquoi maintenant ? Pourquoi le bon sens arrive en 2024 ?" Il souligne qu'en Nouvelle-Céldonie, c'est un non-sens que les habitants vivent depuis des décennies, que ces derniers sont noyés dans un système qui ne les a pas rendus résilients mais "aliénés", regrettant que des millards soient investis dans des "barres de bâtiments sinistrées". Et pour pour sortir de cette aliénation, il faut, selon lui, faire appel aux acteurs de terrain : les citoyens et les entreprises locales.


et d'un savoir-faire ancestral

Vaimu'a Muliava prône un retour aux techniques ancestrales et aux spécificités culturelles, tout comme Hervé Leblanc, représentant les assurances SMABTP, qui sont actrices depuis plusieurs décennies dans les territoires ultramarins. Minarii Galenon-Taupua, la Ministre des solidarités, du logement, de l'aménagement, de la famille et des personnes non autonomes en Polynésie s'engage sur la même voie : le respect du patrimoine culturel immatériel par le BTP, en particulier dans le cadre des "marae", ces plateformes souvent construites en pierres volcaniques ou en corail et définies comme espace culturel, social et politique de la société polynésienne pré-européenne, que les Polynésiens se refusent à voir disparaître. Il en est de même pour les constructions sur pilotis, qui ont pratiquement disparues du paysage, alors qu'elles sont particulièrement adpatées aux conditions climatiques et de vie en Polynésie.

 

 

Les enjeux majeurs

 

Territorialiser les politiques du logement

Bernard Briand, le président du conseil territorial de l'île Saint-Pierre-et-Miquelon, ne mâche pas ses mots concernant l'explosion des coûts dus au transport des matériaux traversant l'Atlantique et représentant un "coût écologique insoutenable, indéfendable". Il est en de même avec les difficultés causées par des réglementations françaises et européeenes trop restrictives et non adaptées aux territoires d'Outre-mer. Tout ceci alors même que Saint-Pierre-et-Miquelon est située au large des côtes canadiennes, pays auquel elle pourrait faire appel en matière de ressources comme de filières. Raisons pour lesquelles tous sont d'accord pour vouloir à tout prix territorialiser les politiques du logement. Ce que tente de faire la Nouvelle-Calédonie, selon Vaimu'a Muliava, puisque : "Sur un appel à projets lancé par l'État sur les matériaux biosourcés, nous avons répondu avec la Guyane, qui est très avancée sur la brique de terre compressée", ou encore en répondant à un appel à projet avec les îles Fidji, afin de réfléchir sur une autre filière.

 


Gérer les dépenses énergétiques...

Selon Guillame Gontard, co-rapporteur du rapport et sénateur de l'Isère, il est grand temps de mener une ambitieuse politique de relogement comme de réhabilitation tout en s'adaptant au climat et en innovant. Cela peut passer par la mise en place des filières locales de matériaux, la formation des acteurs du BTP, ... Bref, "travailler pour répondre aux problématiques écologiques", confirme la présidente du programme PROFEEL, Nadia Bouyer. Ce que confirme également Hervé Mariton, ancien ministre des Outre-mer et président de la Fédération des Entreprises d'Outre-mer (FEDOM) : "Il y a évidemment des enjeux d'empreinte carbone qui sont tout à fait essentiels, d’avoir davantage recours aux productions locales, les nôtres, mais aussi avec un regard et une ouverture non-naïve sur les coopérations qui peuvent être nouées avec nos voisins." Le désir de se soucier de l'empreinte carbone se heurte parfois aux réalités du terrain : le peu de production existant parfois en Outre-mer.


et les coûts

Hervé Mariton le rappelle : le coût du bâtiment demeure une dimension critique en Outre-Mer, les enjeux budgétaires représent un "élément de blocage aujourd'hui". Il faut que tout le monde soit dans le même esprit, dans une coalition des volontés de tous les partenaires comme de l'ensemble de la profession afin de faire avancer les choses,y compris pas à pas, et il "faut que les assureurs puissent s'adapter à ces situations pour permettre finalement de répondre aux besoins", assure Hervé Leblanc, directeur général adjoint de la SMABTP.

 


Garde-toi de t'éloigner du mouvement de la vie

Vaimu'a Muliava rappelle les mots de sa grand-mère, qui l'a élevé, et appréciait philosopher : il faut se "garder de s'éloigner du mouvement de la vie", qui est le mouvement de l'eau, sinon chacun court le risque de finir en flaque d'eau qui s'évapore... Il faut rester dans le mouvement de l'eau et rejoindre ensemble l'océan des possibles.


Source : batirama.com / Laure Pophillat

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