L’agence Archipente et le constructeur SDCC dotent le lycée Philibert Delorme de 220 lits labellisés "Internat d’excellence du XXIe siècle", le premier à structure bois en France.
Penser 3D, réaliser 2D et faire de l’architecture : l’agence Archipente, grand spécialiste depuis 30 ans des équipements scolaires à structure bois, a livré récemment à Valenton (94) l’un des premiers collèges en marché global de performance bois. Dans le même esprit de préfabrication, Archipente conçoit à l’Isle d’Abeau un internat sur trois étages à dominante structurelle bois qui ne renie pas son approche modulaire. Et comme à Valenton, cette dernière est compensée par un travail architectural sur l’intégration au site.
L’internat en bois à la traîne
Depuis le lancement des "internats d’excellence du XXIe siècle" par le ministère de l’éducation nationale en 2008 (pour favoriser les élèves sans ressources, les banlieues, ou encore la ruralité), ce marché semble être passé à côté de la construction biosourcée, et ce malgré le coup d’éclat de Philippe Madec il y a dix ans, dans le cadre d’une réhabilitation de deux casernes à Montpellier. De fait, il semble bien que les "internats du XXIe siècle" ne sont souvent que des rénovations d’anciens locaux, la labellisation stimulant financièrement leur réfection.
Intérieur d'une chambre à trois lits. © Pauline Chauvet / Archipente
Une année de rattrapage
Pour autant, le marché des internats biosourcés s’anime cette année avec trois réalisations exemplaires. À Cluny, Bö architectes rénove un internat en conservant ses murs, mais en y installant par le toit des modules. Près de Fontainebleau, à Avon, les vieux compères Leclerq Associés et Anne Carcelen livrent avec Ossabois 206 modules de chambres en R+2. Ces chantiers seront présentés au Forum Bois Construction de Nancy le 5 avril dans le cadre d’un atelier consacré au modulaire. De fait, comme pour les logements étudiants, le marché de l’internat, de l’internat d’excellence ou de l’internat de la réussite (nouvel avatar) se prête au modulaire, du moins sur le principe.
Du hors site programmé
Voilà comment les choses se passent en réalité dans une région comme l’AURA (Auvergne-Rhône-Alpes). Archipente, établi à Montbrison et à Paris, concourt pour un projet d’internat qui complète le lycée Philibert Delorme de l’Isle d’Abeau. Ce lycée a été conçu il y a quarante ans par Adrien Fainsilber, l’architecte de la Cité des sciences et de l’industrie, et de la Géode, récemment disparu. En d’autres termes, il s’agit d’une architecture marquée, axée sur un long couloir central couvert et lumineux, au bout duquel, près de l’entrée du lycée, un internat doit venir se loger. Sans doute à cause de l’entregent d’Ossabois à Noirétable, les appels d’offres de ce type, en AURA, se font selon un programme hors site, ce qui n’est pas du tout l’approche de Fainsilber. On peut comprendre qu’il s’agit aussi de réduire les nuisances en site occupé.
Façade sur boulevard avec le déploiement de la résille masquant l'escalier de secours. © Pauline Chauvet / Archipente
Grammaire Archipente
À ce moment-là, Archipente a pleinement développé à Paris l’approche technique et architecturale qui lui a permis de décrocher le futur collège Samuel Paty de Valenton, premier d’une série de marchés globaux de performance du Val-de-Marne. En particulier, il s’agit de standardiser au maximum la préfabrication bois mais sans passer à la construction modulaire. Les couloirs sont bordés par des blocs techniques et l’éclairage se fait par des solartubes. Tout est prévu pour une installation puissante de panneaux photovoltaïques. Simplement, leur commande à Valenton ne vient que maintenant, trois ans après la livraison. Et ça tombe presque bien.
Quand les marchés globaux ne performent pas
À l’Isle d’Abeau, ce désagrément du décalage sera évité, et la conception vise d’emblée le niveau 4 du calcul E+C-. Deux ans après le concours, ce projet reçoit son label « Internat d’excellence », de sorte que l’État verse quelques millions à la région qui débloque six millions pour ce projet. Parallèlement, l’agence Archipente a si bien convaincu les maîtres d’ouvrage scolaires avec son collège Samuel Paty qu’elle travaille annuellement sur plusieurs marchés Globaux de performance en même temps. Si ce n’est que l’exécution charpente de l’un laisse à dire, tandis que deux autres projets sont retardés. Les départements pâtissent de la baisse drastique du marché immobilier et ne touchent plus les taxes sur les ventes immobilières qui leur permettent de financer leurs projets scolaires.
Escalier de secours masqué par la résille. © Pauline Chauvet / Archipente
Du hors site à la réalité
Les finances ont beau être présentes à l'Isle d'Abeau, le projet n’en est pas moins détourné. Car, entre les demandes de programme à la mode hors site et la réalité des chantiers, l’écart est encore saisissant. Archipente souhaitait des couloirs encadrés par des locaux techniques en modules métal-béton permettant de juguler le risque d’inondation de la structure bois par les salles de bains. Il s'agissait de prendre en compte l'avis technique de carrelage sur plancher bois-béton, en particulier en 3D. Au final, ce sera de la maçonnerie. Tout de même, le reste est en bois précisément tramé, apparent, avec de belles menuiseries extérieures allongées offrant la même zone de lumière aux trois occupants d’un dortoir, ainsi que la vue pour lits et bureaux. Les têtes de lits se développent en armoires personnelles réalisées sur mesure en hêtre. Les fenêtres sont fixes, à la différence d’un volet d’aération opaque qui s’ouvre sur une résille complétée par des brise-soleil. 250 m3 de bois sont employé, un peu plus de 1m3 par lit, avec un ratio de 30 dm3/m2. Le projet sert de référence au développement du label Bois du Massif central en partenariat avec la marque Bois des Alpes.
Invitation au voyage
L’internat est ainsi enveloppé dans une résille qui drape également l’escalier de secours métallique à l’air libre installé du côté du boulevard. Le pignon reprend et magnifie le splendide dessin développé pour le collège Samuel Paty. La pente du sol est encaissée par un premier niveau semi-enterré surplombé par une coursive en bois qui se déploie comme un origami et canalise les flux entrants de ceux qui ne sont pas logés dans l’internat. Une invitation au voyage que l’encadrement de cet internat d’exception a vite fait de juguler en décidant de fermer le portail de l’établissement, sauf aux horaires de cours. Révolte, explications. Le label se renouvelle tous les cinq ans, l’objectif est effectivement de développer une égalité des chances avec un encadrement solide.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven