Le coût prévisionnel du programme de construction des six premiers réacteurs d'EDF devrait bondir de 30 %, soit passer à 67,4 milliards au lieu des 51,7 milliards initialement annoncés en février 2022.
Selon une information du journal Les Echos dévoilée ce lundi 4 mars, le coût prévisionnel du programme de construction des six premiers réacteurs prévus à Penly (le premier et qui n'est pas attendu avant 2035-2037), Gravelines et au Bugey d'EDF devrait bondir de 30 %, soit avoisiner les 67,4 milliards au lieu des 51,7 milliards initialement prévus et annoncés en février 2022.
Pour rappel, il est prévu une première paire d'EPR2 sur le site de Penly, dans la Manche, et les autres paires sur des sites nucléaires déjà existants, notamment celui de Gravelines, dans le Nord, et de Bugey, dans l'Ain.
Deux raisons principales à la révision de budget
Pour EDF, détenu à 100 % par l'État, il y a deux raisons principales à cette révision de son budget. La première serait due, comme le cite Les Echos, à "la progression des coûts d'ingénierie, l'énergéticien ayant décidé de prendre neuf mois de plus que prévu pour finaliser les plans génériques de son réacteur EPR remodelé", et la seconde à "la hausse des coûts de construction, qui résulte des premiers appels d'offres lancés par EDF pour anticiper la fabrication de certaines pièces critiques ou sécuriser des contrats clés". Selon Les Echos, le nouveau chiffrage "intègre les coûts d'investissement pour la réalisation des études d'ingénierie, les contrats de fabrication des équipements et de construction sur le site, les provisions pour risques, les frais de mise en service, de pièces de rechange ou encore les charges de long terme pour démantèlement".
Selon Les Echos, ce serait donc "le coût de ces contrats de construction qui pèse le plus dans la révision à la hausse du budget initial", venant, en sus, s'ajouter à de "nouvelles provisions pour risques et aléas, à hauteur de 5 milliards d'euros".
Des précédents dans les chantiers EPR d'EDF
En février 2022, un rapport gouvernemental faisait état d'une première estimation basée sur deux audits externes, et celle–ci chiffrait le coût du programme à 51,7 milliards d'euros (hors coûts de financement), auxquels il était prévu d'adjoindre 4,6 milliards d'euros en cas de difficulté de mise en œuvre, les coûts de construction de réacteurs étant fréquemment plus importants que ceux estimés au préalable. C'est notamment ce qui se produit dans deux des chantiers d'EDF, dont celui de :
– Flamanville, en Normandie, attendu pour cette année mais avec 12 ans de retard... et dont la facture atteint désormais 13,2 milliards d'euros, selon EDF, soit quatre fois le budget initial des 3,3 milliards d'euros !
– et de Hinkley Point, en Angleterre, avec une note ayant plus que doublée en janvier, et atteignant désormais entre 41,6 et 46,5 milliards en livres courantes en lieu des 18 milliards estimés au lancement du projet en 2016.
Devant une commission sénatoriale, ce 8 février dernier, Xavier Ursat, le directeur exécutif d'EDF, avait révélé le 8 février que le coût des EPR allait augmenter, sans toutefois le chiffrer, au grand dam des parlementaires qui l'auditionnaient. "Nous sommes actuellement dans une phase d'optimisation des coûts et du planning", s'est contenté de répondre EDF lundi, au sujet de ce nouveau chiffrage qui pourrait évoluer, expliquant avoir "lancé un plan de compétitivité" sur le "programme d'achats pour la construction des trois paires d'EPR2 et la signature des premiers marchés".
Les associations environnementales montent au créneau
Cette annonce d'augmentation conséquente de budget a provoqué un tollé parmi les associations environnementales, qui dénoncent "l'obstination" du gouvernement et, par là même le choix coûteux de l'État de recourir à un tel programme de nouveaux réacteurs dont, faut–il le rappeler, le premier n'est pas prévu avant a minima une dizaine d'années, au détriment d'énergies renouvelables, aisées à mettre en place afin de pallier à l'urgence climatique. C'est ce que dénonce Pauline Boyer, la chargée de campagne "Transition énergétique" pour Greenpeace France, citée dans un communiqué : "En s'obstinant à relancer une industrie trop chère et trop lente face à l'urgence climatique, le gouvernement français sabote délibérément la transition énergétique". Même son de cloche du côté du Réseau Sortir du nucléaire : "Le gouvernement s'obstine à relancer cette industrie, au détriment des énergies renouvelables et d'une réelle politique de sobriété énergétique", qui rappelle au passage que les "coûts du nucléaire s'envolent, et cela depuis longtemps". Sur ce, l'association Agir pour l'Environnement nous remémore les précédents déboires des EPR d'EDF en France et à l'étranger, comme ses dérapages de coûts et de calendrier. Redoutant "une augmentation très significative de la facture des clients d'EDF", Agir pour l'Environnement appelle "solennellement les pouvoirs publics à stopper cette folie des grandeurs".
En s'obstinant à relancer une industrie trop chère et trop lente face à l'urgence climatique, le gouvernement français sabote délibérément la transition énergétique. © Greenpeace
EDF doit "tenir ses coûts", dixit Bruno Le Maire
La réaction très attendue du ministère de l'Économie sur ce nouveau chiffrage arrive enfin, avec les déclarations de Bruno Le Maire lors d'un entretien avec le journal Le Monde. Selon lui, "EDF doit apprendre à tenir ses coûts et son calendrier. Le président de la République a annoncé la réalisation de six nouveaux EPR, EDF doit relever ce défi dans les délais et dans les coûts impartis". Et il ajoute qu'il "s'agit de construire une série de réacteurs dont le premier exemplaire sera l'EPR de Penly. Cela veut dire des économies d'échelle. Je participerai au prochain comité exécutif d'EDF, fin mars, avec un message simple : EDF doit tenir ses délais et ses coûts".
En conclusion, EDF, plombé par une dette abyssopélagique de 54,4 milliards d'euros, s'est contenté de répondre : "Nous sommes actuellement dans une phase d'optimisation des coûts et du planning".
Jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas arrêté les modalités de financement du nouveau programme nucléaire qui prévoit jusqu'à 14 réacteurs.
Source : batirama.com / AFP / Laure Pophillat