Depuis le début de l'année 2024, le dispositif de MaPrimeRénov' est en panne. Le 8 Mars, les Ministres concernés ont promis une nouvelle refonte, encore peu claire, qui n’entrera pas en vigueur avant plusieurs semaines.
Rappel des épisodes précédents : le gouvernement avait annoncé une réforme de MaPrimeRénov' en juin 2023. Dès que le contenu du projet a été connu, les organisations professionnelles du bâtiment (CAPEB et FFB en tête) avaient expliqué à qui voulait l’entendre que ces nouvelles dispositions, trop complexes et inadaptées, aboutiraient à une forte réduction du nombre de rénovations de logements. Mais voilà, le gouvernement n’a pas voulu entendre l’analyse des organisations professionnelles et le nouveau cru MaPrimeRénov’ est entré en vigueur le 1er janvier 2024.
Selon Les Echos, les dépôts de dossiers de demande d’aide MaPrimeRénov’ ont chuté de 40 % en janvier-février 2024 par rapport à la même période de 2023. C’est une surprise, le gouvernement ne s’y attendait pas, qui aurait pu le prévoir ? ©PP
Les organisations professionnelles sont donc remontées au créneau, demandant des modifications spécifiques : première réunion en février avec le MTECT (Ministère de la Transition Ecologique et de la Cohésion des Territoires), assortie d'une promesse de se revoir rapidement avec du concret.
Entre-temps, le dimanche 18 février, Bruno Le Maire annonçait, dans le cadre de la réduction des dépenses publiques, que l’augmentation de MaPrimeRénov’ de 1,6 Md€ prévue dans le budget 2024, n’atteindrait finalement que 600 millions d’euros.
Seconde réunion le 8 mars entre le MTECT, Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian, la CAPEB et la FFB, qui a débouché sur une série de promesses des Pouvoirs Publics.
Des promesses, des promesses
Les promesses publiées par le MTECT à l’issue de la réunion du 8 mars sont relativement nombreuses et peuvent être regroupées en cinq chapitres.
1. Accélérer la procédure d’agrément des MAR (MonAccompagnateurRénov’) avec :
– l'instruction aux préfets pour prioriser la procédure d’agrément par les services déconcentrés,
– le remplacement de l’obligation d’avis préalable des Comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) par une information des CRHH.
2. Lever les restrictions de financement concernant les gestes de rénovations simples et efficaces jusqu’au 31 décembre 2024, avec notamment :
– Le report de l’interdiction d’accès au parcours geste pour les maisons individuelles F et G jusqu’à la fin de l’année et le report de l’obligation de fourniture d’un diagnostic de performance énergétique (DPE),
– La réintégration des mono-gestes "isolation" et "ventilation double flux", sans obligation de geste préalable de changement de chauffage vers une solution décarbonée.
3. Simplifier le label RGE (Reconnu Garant de l'Environnement) via :
– une demande de qualification RGE et des démarches plus aisées en accélérant la dématérialisation des dossiers de demande de qualification et du suivi afin de faciliter la vie des entreprises et des artisans,
– la mise à disposition d’un devis-type RGE à caractère volontaire pour faciliter les démarches,
– l'allongement de la durée de qualification de 4 ans à 8 ans,
– l'instauration d’un dispositif de validation des acquis par l’expérience pour accéder à RGE pour faciliter l’accès des petites entreprises au RGE.
4. Harmoniser et mieux coordonner les contrôles réalisés avec :
– la création d’une base de données commune des chantiers et des contrôles réalisés, pour une meilleure coordination des contrôles effectués,
– une plus grande harmonisation des contrôles effectués,
– un taux de contrôle par entreprise RGE proportionnel au nombre de chantiers aidés réalisés (travail partenarial à effectuer pour en fixer les modalités).
5. Enfin, en ce qui concerne la sous-traitance, organiser une double-interdiction :
– de la sous-traitance au-delà de deux rangs pour les chantiers aidés,
– de la sous-traitance à des entreprises RGE de la part d’entreprises non-RGE.
On peut espérer que le cas des copropriétés sera éclairci et que les critères de choix entre une rénovation du bâtiment ou une rénovation par logement seront précisés, ainsi que les aides possibles dans l’un ou l’autre cas. © PP
Et le calendrier ?
Remarquons d’abord que tous cela est peu précis. Ensuite, l’idée, lancée lors de la première réunion en février, de limiter l’intervention obligatoire d’un MAR aux dossiers de rénovation globale faisant l’objet des financements les plus importants, a disparue de cette liste. Peut-être parce que le Conseil de l’Ordre National des Architectes (CNOA) avait mis en garde contre la suppression des MAR : "L’accompagnement par un tiers de confiance est nécessaire pour s’assurer de la qualité des travaux et recentrer sur la garantie de performance de l’enveloppe du bâtiment", indiquait le CNOA dans un communiqué du 28 février.
De même, il n'est fait aucune mention du changement de fenêtres et de portes dans les mono-gestes. © PP
La CAPED et la FFB se sont aussitôt, dès la fin d’après-midi du 8 mars, félicitées des promesses du MTECT. Pratiquement dans les mêmes termes, la CAPEB et la FFB, pour une fois largement d’accord, déclaraient : "Les alertes sur la complexité de MaPrimeRénov’, réitérées depuis l’été 2023, ont enfin été entendues. La FFB salue la volonté des ministres Christophe Béchu et Guillaume Kasbarian de simplifier le dispositif et de débloquer les marchés de la rénovation énergétique. À présent il faut que les mesures annoncées se concrétisent très vite afin d’éviter la multiplication des défaillances d’entreprises. Sans réduire l’ambition du dispositif accompagné d’offre globale, il a été décidé de lever les freins sur les gestes simples, notamment en supprimant l’obligation de changer le système de chauffage et d’établir un DPE préalable. L’interdiction de recourir aux gestes simples pour les passoires thermiques à compter du 1er juillet est également levée. Par ailleurs, la simplification du mécanisme de validation prévue pour Mon Accompagnateur Rénov devrait permettre de supprimer progressivement les plus lourds blocages et réduire les délais d’intervention à ce jour inacceptables. Enfin, des travaux encore à finaliser conduiront à la mise en place d’une autre voie d’accès au RGE. Un label RGE sera demandé aux entreprises qui signent les marchés."
Apparemment tout baigne. Pourtant, Olivier Salleron, président de la FFB, tenait à préciser tout de même : "La rénovation énergétique s’avère aujourd’hui totalement bloquée, situation catastrophique pour les artisans et entrepreneurs, mais aussi pour la transition écologique. La souplesse gagnée par la FFB en faveur des gestes simples redonne de l’activité à nos entreprises. Le décret est promis la semaine prochaine, il faut maintenant avancer très vite !" © PP
Le délai : c’est là que le bât blesse. En effet, questionné sur la date de parution de ce texte qui doit, tout à la fois, graver les promesses dans le marbre et apporter de nombreuses précisions, notamment sur les nouveaux montants des diverses aides et plafonds de travaux, le MTECT a répondu : "Il y aura un décret, dans les jours/semaines qui viennent."
S’il intervient mi-avril, par exemple, le temps que tous les acteurs s’emparent (ce qui peut prendre plusieurs semaines, selon son niveau d’imprécision et de complexité) et que l’ANAH publie ses nouvelles consignes, … nous serons en juin, fin juin, peut-être. Bref, les nouvelles dispositions ne seront actionnées qu’au début de l’automne. Nous aurons perdu trois trimestres.
Source : batirama.com / Pascal Poggi