Depuis la mi-2023, le marché des pompes à chaleur ralentit. Selon l'AFPAC, il s'agit d'une baisse conjoncturelle poussée par l'instabilité des aides publiques.
Le 14 mars à Paris, sous le titre "La filière face au défi du million de PAC", l’AFPAC (Association Française pour la Pompe à Chaleur) a présenté l’état des marchés et des technologies des pompes à chaleur, ainsi que ses prévisions à 2050.
Un million de pac en 2027 ?
L’idée de fabriquer comme d’installer un million de pompes à chaleur par an en 2027 fait son chemin, avec une formidable ambiguïté tout de même. Côté ventes, en comptant aussi les pompes à chaleur air/air, autrement la climatisation à détente directe réversible, nous avons déjà dépassé le million de pac vendues sur le marché français.
En 2023, il s’est vendu en France 910 420 unités extérieures de pac air/air, 76 236 pac air/eau monobloc, 230 298 unités extérieures de pac bi-bloc (avec liaison en fluide entre l’unité intérieure et l’unité extérieure) et 3 517 pac eau/eau (géothermiques). Avec 1 220 471 de pac vendues en 2023, même avec une baisse de 13 % par rapport à 2022 et une nouvelle baisse de 14 % au premier trimestre 2024, nous dépassons le million de pompes à chaleur vendues. © PP
Côté fabrication, c’est une autre histoire. Notre série d'articles sur les fabricants français de pompes à chaleur montre qu’il s’agit avant tout de petits acteurs, à l’exception d’Atlantic, Intuis et Saunier Duval (Vaillant). Airwell, avec le rachat d’Amzair, est en train de préparer une usine relativement importante pour des pompes à chaleur individuelles gainables en collectif. Les autres fabricants français maîtrisent des technologies de pointe et proposent des machines originales, mais leurs capacités de production sont inférieures à 1 000 pièces par an.
Surtout, l’essentiel des pompes à chaleur vendues en France sont des pac air/air : aucune n’est fabriquée en France et aucun projet de fabrication en France n’est annoncée par les industriels (Japonais, Chinois et Coréens) maîtrisant cette technologie. Ils ont plutôt choisi la République Tchèque pour construire de nouvelles usines. Mais les industriels français fabriquent d’excellentes pompes à chaleur air/eau et eau/eau. Ce qui, peut-être, leur ouvre une fenêtre d’opportunité.
F-Gaz, collectif et tertiaire
En effet, le nouveau marché des pompes à chaleur pour décarboner le chauffage est celui des immeubles collectifs, existants et neufs, et du tertiaire. À ce propos, nos articles sur les pompes à chaleur en collectif demeurent pleinement d’actualité. En collectif, il est extrêmement difficile d’installer des pac air/air, en raison des contraintes sur les différences de hauteur entre l’unité intérieure la plus éloignée et l’unité extérieure, le calcul de charge maximale de fluide, l’emploi croissant de fluides classés A2L ou A3, le fait qu’en mode froid, elles contribuent aux effets d’îlots de chaleur et, enfin, le regard peu charitable des architectes des bâtiments de France sur l’installation des unités extérieures.
Du coup les pompes à chaleur air/eau de grande puissance et les pompes à chaleur géothermiques peuvent mettre en avant leurs atouts : discrétion, puissance, réversibilité, production d’ECS collective, etc.
Et, comme nous le savons désormais, le nouveau règlement F-Gaz va faire disparaître les fluides HFC, dont le R32, dans les équipements neufs, et ce plus vite que prévu. D'où l'interrogation suivante : quel fluide pourrait être utilisé dans les pompes à chaleur à détente directe à l’horizon 2050 ? Pour l’instant, aucun fabricant ne formule de réponse.
Les projections de l’AFPAC ménagent toujours une place prépondérante aux pac air/air à l’horizon 2035, sans être en mesure d’imaginer quel fluide post HFC pourrait bien être utilisé dans ces pac air/air. © PP
Les projections de vente de l’AFPAC font apparaître un marché du renouvellement des pac que l’on installe depuis quelques années, qui soutiendra le marché de la construction neuve et du remplacement des chaudières par des pac.
L’instabilité des aides publiques
Le marché des pompes à chaleur, depuis plusieurs dizaines d’années, est soutenu par diverses aides publiques. Chaque fois que ces soutiens publics se compliquent du point de vue administratif ou diminuent, les ventes de pompes à chaleur s’en ressentent en quelques semaines. Il n’est pas sain que les fabricants de pompes à chaleur soient à ce point dopés aux aides publiques, mais c’est une autre histoire.
Ce que les professionnels reprochent au gouvernement, en ce début d’année, c’est la mise en œuvre chaotique de la dernière version de MaPrimeRénov’ au 1er janvier, suivie par une chute des rénovations, puis par une nouvelle nouvelle version de MaPrimeRénov’ restaurant les gestes individuels, mais dont nous attendons toujours les deux décrets d’application.
Parmi les participants au panel sur l’efficacité des aides, Florence Lievyn, présidente du GPCEE, a pointé un nouveau danger. MaPrimeRénov’ est en panne, mais le prix des CEE baisse sur le marché. Les obligés atteignent facilement leurs objectifs, leurs demandes de CEE baissent, l’offre issue des travaux chez les particuliers reste importante en ce début d’année. Conséquence, le prix des CEE baisse ce qui signifie que leur contribution dans le financement des chantiers baisse et que les restes à charge croissent. Si cette tendance n’est pas corrigée rapidement, en augmentant la demande de CEE grâce à une hausse des obligations pour la fin de cette période et la sixième période qui commence bientôt, on risque d’accentuer la baisse des rénovations. © PP
Dans le cadre de la rénovation par geste, les aides 2024 en faveur des pompes à chaleur demeurent attrayantes. Mais leurs conditions d’emploi, notamment en copropriétés, ne sont pas d’une parfaite clarté, pour l’instant. Ce sera sans doute éclairci avec les parutions des deux décrets de simplification attendus dans les jours ou semaines qui viennent. © PP
L’avis de l’ADEME
Lors de la journée de la pompe à chaleur, le représentant de l’ADEME avait annoncé la parution prochaine d’un avis sur l’emploi et l’intérêt des pompes à chaleur. Cet avis de l'ADEME est paru ce lundi 18 mars.
Sans trop de surprise, l’ADEME y explique qu’il faut privilégier les rénovations globales – rénovation d’ampleur, faut-il dire maintenant – qui allient décarbonation du chauffage et isolation thermique. Parmi les moyens de décarboner le chauffage, rappelle l’Ademe, on trouve non seulement les pompes à chaleur, y compris géothermiques, mais aussi le solaire thermique et le raccordement à des réseaux de chaleur. L’ADEME insiste également sur la nécessaire montée en compétence des installateurs et sur la meilleure connaissance des performances réelles et conditions d’usage optimales des pac, et appelle à ne pas se hâter dans le remplacement des systèmes de chauffage pour lesquels il n’existe pas de solution mature, tel le chauffage individuel gaz en logement collectif, par exemple. Mais elle appelle également à considérer les besoins de froid au regard de l’augmentation des épisodes de chaleur dégradant considérablement l’habitabilité de nombreux logements.
L’ADEME suggère de développer un bonus écologique pour la PAC afin d’orienter le marché vers des PAC dont l’impact environnemental est le plus faible. Ce dispositif, allant au-delà de l’étiquette énergie actuellement en place, explique l’ADEME, aurait également des impacts positifs pour la ré-industrialisation en France et en Europe de l’ensemble de la chaîne de valeur. © Arkteos
Source : batirama.com / Pascal Poggi