La Cour de cassation s'est penchée sur une demande d'indemnisation de salariés exposés à l'amiante bénéficiant déjà du dispositif de préretraite. Réponse le 25 septembre.
Les travailleurs indemnisés au titre du dispositif de préretraite proposé aux salariés exposés à l'amiante peuvent-ils prétendre aussi à l'indemnisation d'un "préjudice découlant du trouble des conditions d'existence"? Telle est la question qui vient d'être examinée par la Cour de cassation.
La chambre sociale de la haute juridiction donnera sa réponse le 25 septembre, une décision très attendue qui pourrait concerner des dizaines de milliers de salariés. En cause, notamment, un arrêt de la cour d'appel de Paris qui avait en décembre 2011 octroyé 27.000 euros chacun à 36 ex-salariés de la société ZF Masson en réparation, non seulement du "préjudice d'anxiété", mais aussi du "préjudice découlant du trouble des conditions d'existence".
ZF Masson, une entreprise de l'Yonne spécialisée dans la production de réducteurs pour la marine, devenue Masson-Marine en 2005, s'était alors pourvue en cassation. La cour d'appel avait relevé que l'angoisse d'être un jour atteint d'une pathologie grave "ampute les projets d'avenir" des personnes exposées, leur ouvrant un droit à une réparation spécifique.
Pour l'Association des victimes de l'amiante (Andeva), ce "préjudice découlant du trouble des conditions d'existence" est la conséquence d'une perte d'espérance de vie des travailleurs exposés à l'amiante. Face à un risque mortel, qui leur est constamment rappelé lors d'examens médicaux de suivi ou par la découverte de maladies chez leurs collègues, ces salariés ne peuvent profiter pleinement de l'existence, selon l'Andeva.
De son côté, le préjudice d'anxiété, qui porte spécifiquement sur l'angoisse que vivent au jour le jour les travailleurs exposés à l'amiante, a été reconnu en mai 2010 par la Cour de cassation. Depuis une loi de 1998, les salariés qui ont été exposés à l'amiante peuvent partir en préretraite. Ils bénéficient alors d'une allocation de cessation anticipée d'activité (Acaata), correspondant à 65% de leur salaire.
Mercredi à l'audience, l'avocat général a réaffirmé que le préjudice d'anxiété était "spécifique" et étranger au dispositif d'indemnisation de l'Acaata. Il a cependant préconisé la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en estimant que le "préjudice découlant du trouble des conditions d'existence" était lié au dispositif de l'Acaata, en rappelant que celui-ci permettait au travailleur de partir plus tôt en retraite.
Faux, estime Hélène Masse-Dessen, avocate des travailleurs devant la Cour de cassation. "L'Acaata cesse au jour de la retraite, mais le préjudice se poursuit et le salarié ne touche plus rien", a-t-elle dit. "Le trouble des conditions d'existence n'est pas une perte de revenus mais l'impossibilité de prévoir et construire son avenir sur une durée prévisible".
Intervenant pour ZF Masson, Me Damien Célice a considéré quant à lui que ce préjudice n'était qu'une "composante" du préjudice d'anxiété, et qu'il ne pouvait donc donner lieu à une indemnisation supplémentaire. Il s'est par ailleurs élevé contre "l'explosion des demandes d'indemnisation au titre du préjudice d'anxiété" qui vient selon lui "fragiliser les entreprises".
Très incisif, Me Patrice Spinosi, qui défend le régime de garantie des salaires (AGS), a vu dans le "préjudice découlant du trouble des conditions d'existence" une "créature de Frankenstein juridique"."C'est la dernière tentative pour contourner les limites du préjudice d'anxiété et obtenir une augmentation du montant des indemnisations qui sera à la charge des AGS", a-t-il dit.
Source : batirama.com / AFP