"L'équivalent d'un terrain de football disparaît chaque semaine dans notre pays sous l'effet de la progression des océans, un phénomène qui s'accélère", déclarait Christophe Béchu sur TF1 jeudi 4 avril dernier.
"L'équivalent d'un terrain de football disparaît chaque semaine dans notre pays sous l'effet de la progression des océans, un phénomène qui s'accélère", déclarait Christophe Béchu sur TF1 jeudi 4 avril au soir, ajoutant que son ministère, celui de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, publierait dès le lendemain les cartes des zones concernées, précisant d'emblée qu'il y aurait "des zones qui seront inhabitables" sur le littoral, dont 20 % est corrodé par l'érosion côtière, a-t-il dit.
L'érosion côtière, un fléau impitoyable, international et tragique.
En France, où l'érosion côtière dévore environ 900 kilomètres de littoral, ce phénomène pourrait concerner entre un millier de bâtiments en 2028 et plusieurs centaines de milliers d'ici à 2100, comme le révèle un rapport du Cerema (Centre d'Études et d'Expertises sur les Risques, l'Environnement, la Mobilité et l'Aménagement). En effet, la France est particulièrement exposée à une érosion causée par la progression des océans (une élévation du niveau de la mer liée au changement climatique) et provoquant un inexorable recul du trait de côte.
Toutefois, quelques semaines avant de présenter le Plan d’adaptation au changement climatique, le gouvernement souhaite déjà réagir : "On a identifié 500 communes et on a commencé à travailler avec les maires" pour mettre en place "des plans sur mesure", a expliqué Christophe Béchu, tout en conseillant aux habitants concernés de rendre visite à leur maire afin d'envisager des solutions (relogement à l'arrière de la commune sur d'autres terrains, indémnisation, ...).
L'effondrement de la dune à Gouville-sur-Mer (Manche), une commune inscrite sur la liste. © Maxppp / Remy Chanteloup
Les 3 scénarios du Cerema à l’échelle de l’hexagone ainsi que des départements et régions d’Outre-mer
Vendredi 5 avril, dans la lignée de l'annonce faite la veille, Christophe Béchu a explicité les scénarios, cartes et données du Cerema, seuls outils disponibles afin d'anticiper les effets dévastateurs et inéluctables du changement climatique sur nos littoraux. C’est également la direction donnée aux travaux menés par le Conseil national du trait de côte, travaux destinés à s'adjoindre au projet de PNACC–3 (3e Plan National d’Adaptation au Changement Climatique).
En Guadeloupe aussi, comme ici à Capesterre-Belle-Eau, l'érosion est une réalité. © Nadine Fadel
Le scénario pour 2028
Selon le Cerema, à l'horizon 2028, un millier de bâtiments seraient concernés par le recul du trait de côte, dont 300 bâtiments résidentiels et 190 bâtiments commerciaux et donc probablement exposés à un "recul évènementiel", autrement dit un recul marqué lors d'éboulements, de tempêtes, etc. S'il ce scénario est envisageable, il ne s'agit pas pour autant d'une prédiction : tous les bâtiments susnommés ne sombreront pas à la mer mais demeurent proches de zones en recul ou instables.
Le scénario pour 2050
Pour 2050, 5 200 logements seraient concernés, et donc menacés, dont 2 000 résidences secondaires, ainsi que 1 400 locaux d’activité. Ce scénario, conçu comme vraisemblable, intègre une poursuite du recul du trait de côte tout en misant sur le maintien comme l’entretien de tous les ouvrages de protection du littoral.
Le scénario pour 2100
Enfin, à l'échéance 2100, les chiffres envisagés donnent des frissons :
– 450 000 logements ;
– 55 000 locaux d’activités ;
– 10 000 bâtiments publics ;
– 1 800 km de routes et 240 km de voies ferrées.
2100 est un scénario catastrophe, digne du film Waterworld (dans lequel le monde est devenu un immense océan où quelques rares survivants luttent afin de trouver la mythique terre de Dryland), si, et seulement si, rien n'est fait. Autrement dit, 2100 annoncerait la disparition totale des structures de défense côtière comme l’ennoiement progressif de l'entièreté des zones topographiquement basses du littoral.
Le Cerema envisage ce scénario en se basant sur une estimation haute du GIEC tout en considérant comme probable une hausse de 1m du niveau des mers et des océans, un phénomène qui ne cesse de s'amplifier depuis le début du 20e siècle.
Un schéma pour expliquer le phénomène d'érosion côtière
Ifremer. © LP / Infographie
Le rapport chiffré de l'I4CE
L'I4CE (Institut de l'Économie pour le Climat) a remis ce vendredi 5 avril au gouvernement français un rapport sur les coûts de l'adaptation au changement climatique, qui ne fournit pas de coût unique mais formule quelques premiers ordres de grandeur pour certains secteurs.
Selon l'I4CE, trois secteurs auront besoin d'une enveloppe de plusieurs milliards d'euros par an de dépenses, dont celui du bâtiment, du transport terrestre et de l'agriculture végétale. Et pour le bâtiment en particulier, les coûts supplémentaires envisageables afin d'adapter le bâti seraient de l'ordre de "+ 1 et + 2,5 milliards d'euros par an pour la construction neuve et + 4,4 milliards d'euros par an pour le parc existant".
Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, devrait utiliser ces conclusions dans son rapport PNACC-3, qui se base sur l'hypothèse d'un réchauffement de 4 °C en France d'ici la fin du siècle. Son entourage considère cette première ébauche de chiffrage comme "très précieuse", soulignant "la difficulté du chiffrage de l'adaptation, puisqu'il y a un grand nombre de paramètres à prendre en compte", tout en précisant que si l'adaptation va coûter de l'argent, "l'inaction in fine coûtera toujours plus et dans tous les secteurs".
La situation particulièrement préoccupante de la façade Atlantique et les communes concernée par l'érosion côtière. ©
Source : batirama.com / Laure Pophillat