Du bois et des Jeux : bilan

On ne verra pas beaucoup de bois sur les écrans de retransmission des JOP de Paris. Pourtant, les JOP de Paris visent pour la première fois un bilan émissif positif qui prend en compte le carbone des installations.

Les mauvaises langues diront que les JOP de Paris, pressentis en 2017 comme ceux du bois, sont devenus ceux du béton bas carbone. En tout cas, depuis la programmation initiale, la part du bois a fondu, pas celle du béton. Le bilan carbone des installations tient compte des indicateurs contestés de bas carbone pour le béton. S’ajoute la question de l’emploi réel de ce béton bas carbone sur les chantiers.

 

Panel d'archtectes du bois (Gontier, Le Penhuel, Béal) du lot AB Universeine autour de Clément Vergely le 5 avril à Nancy au 14e Forum Bois Construction. © FBC

 

 

 

Ainsi, pour le Centre Aquatique Olympique, la toiture en bois repose sur un socle de 14 000 m. Il était prévu de couler au moins en grande partie du "béton bas carbone", mais comme ce dernier ne prend pas bien en hiver et que les délais étaient serrés, c’est du béton courant qui a été largement employé. S’agit-il d’un cas isolé ? Est-ce que ces écarts ont été pris en compte dans les calculs présentés par le CIO le 27 juin dernier ?

 

 

 

 

300 000 tonnes, vraiment ?

Des résultats détaillés seront publiés en septembre avec "les données réelles de l’événement", dit le CIO. Il sera surtout question des émissions générées pendant les Jeux. Sans doute moins des quelque 320 000 tonnes de CO2 générées pas la construction des équipements olympiques depuis 2018, et calculées sous l’égide de la Solideo. L’équivalent de 2 100 maisons individuelles de 100 m2. Le CIO précise le 27 juin dernier que la Solideo a recouru à des techniques de construction bas carbone (ossature en bois, béton bas carbone et matériaux recyclés notamment) qui réduisent de 30 % les émissions par mètre carré construit au Village des Athlètes. 

 

Bâtiment modulaire par EGA lot Ecoquartier Fluvial. © EGA

 

 

 

Pourtant, rien qu’au Village des Athlètes, après des opérations importantes de déblaiement et de déconstruction, 2 800 appartements (280 000 m2 de SDP) ont été créés pour loger 14 000 sportifs dans 82 bâtiments sur 52 hectares ; ce Village étant le poids lourd constructif des installations, auquel s’ajoutent 70 autres réalisations pérennes, dont le Village des médias ou l’Arena-Adidas qui ne brillent pas par la part du bois.

 

Bâtiment E3, en structure bois, par DREAM avec les constructeur Savare et Simonin. © Cyrille Weiner

 

 

 

L’équation semble si délicate qu’une analyse indépendante, tenant compte de l’évaluation du carbone des bétons effectivement coulés, fait défaut. De même, la provenance française d’une partie considérable du bois utilisé pour la construction, et qui a fait l’office d’un traçage piloté par le FCBA avec PEFC et FSC, devrait permettre d’ajuster le bilan carbone de ce matériau au-delà des moyennes des fiches FDES.

 

 

 

 

Quel bilan ?

Ni l’un ni l’autre travail ne sera fait, car la Solideo, créée pour livrer les installations olympiques, est dissoute après le travail accompli. Au moment où le CIO publie les chiffres des émissions, la Solideo n’est plus là pour les justifier et qui, sinon, serait en mesure de questionner par exemple les groupements de promoteurs, et les entreprises générales qui ont piloté le travail ?

Avant de disparaître, la Solideo a estimé que le Village des Athlètes a atteint une réduction des émissions de carbone de 47 % par rapport au Village des Athlètes de Londres, mais en prenant en compte, selon les informations disponibles, tantôt l’intégralité du cycle de vie des bâtiments, tantôt leur usage pour 30 ans. Par ailleurs, il semble que les calculs des émissions ne prennent pas en compte les infrastructures ...

France Bois 2024, le lobby du bois aux JOP, a suivi la Solideo dans sa dissolution, après avoir fait ses comptes. Pendant des années, le discours public de France Bois 2024 semblait en décalage avec une évolution qui, partie de la programmation initiale du Village des Athlètes, conduisait à diminuer de plus en plus la part et la visibilité du bois. De quelques 30 000 m3 de bois de construction initiaux estimés, on arrive finalement, pour le Village des athlètes, à 17 000 m3.

En comparaison, les 125 000 m2 de bureaux de l’Arboretum à Nanterre aurait consommé le double de bois, d’ailleurs parfaitement visible. De fait, il était question de bâtir tous les petits plots (jusqu’à 7 étages) en structure bois, de faire du mixte au-dessus, d’habiller si possible l’intégralité les façades avec du bois. En pratique, le mixte des plots élevés est devenu du béton, et le bois de structure des petits plots est devenu souvent du mixte. La réduction des ambitions était compensée par l’augmentation de la part de bois français, placée raisonnablement à 30 % en début de course. Elle atteint finalement plus de 50 % selon France Bois 2024, pour le Village.

 

 

 

 

Le Village des Athlètes, référence à dépasser

Au total, Marie Jorio, coordinatrice de France Bois 2024, estime le 6 juin 2024 à l’Arsenal qu’au Village Olympique, 200 000 m2 SDP d’immeubles disposent de façades bois (FOB ou MOB dans le cas du lot E). 80 000m2 SDP d’immeubles ont une structure ou un plancher en bois. En additionnant les 17 000 m3 de bois pour les façades, structures ou plancher du Village des Athlètes et les 13 000 m3 de bois des autres ouvrages, on arrive à 30 000 m3, sans compter les aménagements extérieurs du Village des Athlètes, en bois tropical, d’un volume de 15 000 m3 environ. Il faudrait rajouter les menuiseries extérieures en bois si elles ne sont pas comptées dans le bois des façades, et les parquets…

On obtient donc un projet français totalement inédit en termes de volume de bois, avec une grande diversité de systèmes, allant des planchers CLT sur poteau-poutre bois du lot AB Universeine aux modules en bois acheminé par le fleuve pour l’écoquartier fluvial, en passant par les façades en MOB du lot E recourant à des poteaux en LVL de hêtre de Pollmeier, ou les structures en goujons collés de Simonin sur le toit du bâtiment E3 ou la passerelle de Dugny.

 

 

 

En 2017 au Forum Bois Construction, Céline Terrier-Laurens, alors directrice du pôle Ambitions Écologiques et Héritages de Solidéo, estimait que la Solideo "se fixe l’objectif de préfigurer dès 2024 la ville européenne de 2030, et sa « trajectoire » à l’horizon 2050, en utilisant les Jeux comme un accélérateur de la nécessaire et urgente transition écologique". La preuve a été apporté de façon bien plus pertinente que les écoquartiers sans béton qui jaillissent de terre actuellement en contournant le bois.

 


Source : batirama.com/Jonas Tophoven © Takuji Shimmura

↑ Allez en Haut ↑