Développé par l’agence Artbuild pour le 10e Forum Bois Construction de juillet 2021, l’Auditorium Ephémère, exposé aux intempéries, est réactivé pour le Grand Palais à destination duquel il était originalement conçu.
Le Forum Bois Construction voulait fêter ses dix ans à Paris en 2020, mais paradoxalement, ne trouvait pas de lieu adapté à sa taille et sa vocation de congrès. Finalement, la GrandPalaisRmn a accepté de l’accueillir au Grand Palais, à condition d’ouvrir l’espace d’exposition partiellement au public. Pour la GrandPalaisRmn, le thème du Forum centré sur la construction alternative biosourcée face aux défis du changement climatique avait de quoi intéresser le grand public francilien. Pourtant, le Grand Palais de 2020 n’était pas équipé de véritable auditorium et il a fallu concevoir une solution agile et démontable. Dans ce cadre majestueux de métal et de verre, le choix du bois s’imposait tout autant que pour les stands, réinventés parallèlement par l’ENSA Belleville et l’enseignant Ludovik Bost avec des cloisons en feuillu français "Belleville".
Retour aux origines belges
Les deux premiers projets d’auditorium bois pour le Grand Palais ont capoté début 2020, et quand les organisateurs autour de Nicole Valkyser-Bergmann se tournèrent vers la troisième solution, il était déjà très tard. Heureusement, la pandémie a décalé l’événement de près d’un an et demi. En avril 2021, Jean-Luc Sandoz de CBS-Lifteam s’est impliqué personnellement pour que le projet conçu par Artbuild (Steven Ware et déjà Kevin Guidoux) associé à Ney and Partners (ingénierie), devienne une réalité.
Les 8 rames de panneaux partiellement débâchées dans un pré à Libramont, juin 2024. © JT
L’auditorium Ephémère a vu le jour presque par miracle, et il est devenu l’icône de l’édition parisienne, avec ses panneaux en CLT de Douglas cintrés comme on ne l’avait encore jamais vu. Malheureusement, et comme c’est si souvent le cas, l’Auditorium n’a pas trouvé ensuite de point de chute en France. Il a fallu le ramener en Belgique, à la Foire de Libramont. On revenait pour ainsi dire aux origines de l’idée de cintrage de panneaux de CLT, puisqu’Artbuild y avait créé, avant l’Auditorium et toujours avec Ney and Partners, le Nautile exposé en 2019 à la Foire estivale agricole, forestière et agroalimentaire de Libramont (actuellement du 26 au 29 juillet 2024).
Sauvetage in extremis
Le temps a passé sans que se précise une réutilisation de l’Auditorium, inutile en 2022 et 2024 au Centre Prouvé de Nancy, en 2023 à Lille Grand Palais. L’attribution d’un créneau pour programmer une 14e édition au Grand Palais fraîchement rénové est resté incertain jusqu’en mai 2024. Dès qu’une date a été attribué pour fin février 2025, l’organisatrice du Forum, Nicole Valkyser-Bergmann, s’est dépêchée d’inspecter l’état de l’Auditorium à Libramont, accompagnée de Steven Ware et de Kevin Guidoux d’Artbuild. Las, pour des problèmes de place, l’Auditorium avait été stocké dans un pré depuis près d’un an. L’hiver avait déchiré une partie des bâches en exposant le bois aux intempéries. Le temps pluvieux ne présageait rien de bon. Il fallait mettre tout de suite les huit rames de huit panneaux en sécurité, afin d’éviter leur exposition à une chaleur d’été couplée à l’humidité sous le reste des bâches.
Panneaux dépilés à l'usine LTS de Marche-en-Famenne (Wallonie). © JT
La patine, éternel atout du bois
Coup de chance, à Marche-en-Famenne en Wallonie, l’usine qui avait transformé les panneaux CLT de Piveteau et expérimenté le cintrage imaginé par Steven Ware, LTS, était vide et en vente. Sous réserve d’avoir à déguerpir dès qu’un acheteur se décide, il fut convenu avec Philippe Courtoy de LTS de stocker provisoirement les panneaux dans l’usine, et même d’organiser dans les meilleurs délais une semaine de réparation. Une équipe fut constituée, CBS-Lifteam faisant appel à son ancien conducteur de travaux et de chantier, Aurélien Deschamps (ACCB), assisté notamment de Mathéo Buguet, dessinateur de l’antenne Lifteam de Choisy-le-Roi.
Les étudiants volontaires de l'ENSA montre déjà l'abnégation congénitale des architectes qui construisent en bois dans un univers du bâtiment régi par le béton. © JT
Trois étudiants de l’ENSA Belleville, élèves de Ludovik Bost, impliqués dans les Archi-folies et désireux de prolonger le contact avec la matière bois, sont venus prêter main-forte pour dépiler, nettoyer, décaper, poncer, dérouiller, recoller, fixer les ferrures, rempiler en intercalant des cales vissées. Il était question de passer un dégriseur sur les panneaux afin de gommer les écarts de teinte, mais un test sur place a montré que le produit ne fait que blanchir le panneau comme s’il s’agissait d’épicéa. De fait, les changements de teinte entre le rose et le gris restent mesurés, circonscrits et deviennent une opportunité visuelle.
Test non concluant de dégrisage sur panneau en Douglas. Le dégrisement fonctionne mais blanchit le panneau, il faudrait passer ensuite un saturateur pour faire ressortir la teinte du bois. © JT
Impact carbone
À présent, les huit rames reconstituées et le reste de la quincaillerie sont stockés dans l’usine en vente de Marche-en-Famelle, en attendant un convoyage vers une plateforme de stockage en région parisienne.
L'une des 8 rames réparées avec des panneaux prêts-à-poser. © JT
Il reste du travail à faire avant le montage et redémontage au Grand Palais. Les 64 panneaux tous photographiés vont faire l’objet d’un calepinage. Les quincailleries devront être pré-assemblées avant le montage. L’ensemble devra se fondre dans la scénographie pensée par Artbuild (Steven Ware, Kevin Guidoux). Surtout, il faudra trouver un éxutoire à cet auditorium qui devient une icône du réemploi et peut servir à créer des espaces polyvalents festifs, de conférence, de projection ou de débat dans des locaux hors d’eau hors d’air, à moindre frais, et avec un bilan carbone négatif, bien en phase avec cette année 2025 qui marque les 10 ans de la COP21, le compte à rebours - 25 avant 2050 et sans doute le passage du cap du réchauffement planétaire de + 1,5 °C !
L'équipe de sauvetage autour de l'hospitalier philippe Courtoy de LTS, dans l'immense usine en vente de Marche-en-Famenne. © JT
Source : batirama.com / Jonas Tophoven © Jonas Tophoven