Tours en bois, la révolution cachée

En France, la simultanéité de plusieurs tours ou plots avec du bois remet au goût du jour le stockage de carbone par la hauteur, qui continue de générer des projets, notamment en Suisse et en Australie.

À Paris, la construction bois est récemment passée à 37 mètres et c’est un peu comme le saut à la perche : chaque record compte. 37 mètres, c’est désormais la limite de hauteur après les trois tours périphériques TGI, Duo et Triangle. En fait, la construction bois a battu le record deux fois, sur la ZAC Chapelle International. La tour H1 monte à 37 mètres en structure bois par Mathis et avec des planchers béton, pour Vinci Immobilier.

 

Une révoluton constructive en cours à Monaco, extrêmement utile pour la construction biosourcé de belle hauteur. © Bellecour Architectes

 

 

À côté, la tour du lot I monte également à 37 mètres et cette fois en structure bois, mais sur un socle de deux étages en béton. C’est le plot qu’on verra en quittant la gare du Nord en train, sur la droite, juste après le bâtiment C de la SNCF qui se distingue par un bardage en cours de grisement. La structure bois unique du lot I était belle à voir pendant la construction, à un moment en plus où se montait juste derrière la tour H1. Maintenant, on ne voit plus rien. Et d’ailleurs, ces chantiers ont été oubliés au dernier Forum, mais aussi dans la presse, comme si cela n’intéressait plus personne.

 

 

 

La tour en bois, vieille lune

Il est vrai que les Chinois ont élevé à partir de 1156, donc un peu avant les débuts des travaux de Notre-Dame de Paris, une tour en bois, Yingxian (Fogon Temple), bien visible, de 67 m de haut toujours debout malgré les rafales des seigneurs de la guerre. Sans un clou, et avec des aménagements intérieurs à couper le souffle. L’Australie prévoit de bâtir prochainement deux tours de 180 et 190 m de haut en structure mixte. Entre ces exploits, la Suisse avec trois projets de tours, dont la tour Malley, avec une surélévation en bois de 14 étages. Comme l’explique la spécialiste Lucie Mérigeaux au Forum (Cedotec/Lignum), cela est possible car la réglementation incendie s’est libérée en 2015 et que l’emploi d’éléments en bois est facilité par un encapsulage dit en matériaux K.

 

Vincent Ballion de Bellecour Architectes en discussion avec Sébastien Roux de Simonin et Lynda Benkaci de Artbuild. © Nicolas Girod

 

 

 

Une triple actualité

L’introduction de Lucie Mérigeaux précédait à Nancy, dans l’atelier A4, la présentation de trois tours actuelles, à Bordeaux, Lyon et Monaco. La tour Silva a déjà une longue histoire derrière elle, en avril le montage de la charpente bois, à partir du 7e niveau, commence tout juste. À ce moment-là, la tour Albizzia de Lyon attend encore ses éléments de façade en Befup et les attendra encore longtemps, permettant de mesurer la performance anti-UV des pare-pluie.

 

La tour Silva émerge enfin mais incorpore beaucoup de béton. © Michel Laurent

 

 

Tandis que la tour Silva fortement renforcée de béton s’intègre dans un programme totalement en béton, les architectes de l’agence Hardel le Bihan, à Lyon pour Woodeum, livrent un ensemble bois dont une partie sociale a déjà été présentée au Forum de Lille. L’actualité décisive, et si longtemps attendue, est la presque livraison de la tour Carmelha à Monaco. On peut à peine parler de tour au regard d’Albizzia ou Silva sans parler de la tour Malley, mais au moins elle est toute en bois sur socle béton. Simonin y recourt au chapiteau américain Upbrella, qui fait de ce projet sans conteste le projet de l’année en France.

 

 

 

Monter une tour en bois sans grue !

Le chapiteau ne se contente pas de protéger le chantier des intempéries, et les riverains du bruit. Il comporte un pont roulant intégré qui enlève tout son intérêt au hors-site. Et il monte sur des vérins dignes des vidéos japonaises les plus anticipatrices. Le noyau est en CLT, zone sismique. S’il faut absolument un noyau en béton, qui sert de contreventement par la même occasion, en général on a besoin d’une grue et dans ce cas, en fin de compte, accrocher un peu de bois autour n’a pas une grande efficacité face aux solutions développées par les majors du béton.

 

Le plateau de l'atelier A4 sous la modération de l'ingénieur-professeur Wolfgang Winter : de gauche à droite, Cyrille le Bihan, Hardel Le Bihan Architectes, Antoine Baugé, Sylva Conseil,  Nathan Liogier Sybois, Gilles Forest Arbonis, Lynda Benkaci Artbuild, Sébastien Roux Simonin, Vincent Ballion Bellecour Architectes, Lucie Mérigeaux Cedotec. © FBC

 

 

Si, par contre, on procède comme au Carmelha, on peut peaufiner la façade à l’abri, on peut faciliter le maniement de panneaux et objet lourds comme à l’usine. Upbrella, c’est le coffrage glissant du béton appliqué à la construction bois. Enfin, on peut imaginer que les vérins s’emploient aussi à l’envers dans le cadre de déconstructions.

 

La tour Albizzia, une livraison retardée par le béton Befup des façades. © Hardel Le Bihan

 

 

Le discours de 2012 de Frank Mathis à l’Élysée sur les tours en bois comme objet d’innovation aboutit douze ans plus tard, même si l’innovation est américaine et l'applicateur Simonin. Paris, qui a totalement torpillé son approche écologique avec la ZAC Chapelle International, peut se racheter en prescrivant l’Upbrella pour les nouveaux bâtiments en principe écologiques de Chapelle Charbon.

 


Source : batirama.com / Jonas Tophoven  © Michel Laurent

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