La Cour a refusé de reconnaître aux salariés exposés un préjudice lié au "bouleversement dans les conditions d'existence".
La chambre sociale de la haute juridiction devait notamment se pencher sur un arrêt de la cour d'appel de Paris, qui avait octroyé, en décembre 2011, 27.000 euros chacun à 36 ex-salariés de la société ZF Masson (Yonne) en réparation non seulement du "préjudice d'anxiété" mais aussi d'un préjudice lié "au bouleversement dans les conditions d'existence". Elle devait aussi se prononcer sur un arrêt rendu en mars 2012 par la cour d'appel d'Agen, pour d'anciens salariés de la société Babcock Wanson (Lot-et-Garonne).
"L'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante", écrit la Cour dans les deux arrêts rendus mercredi 25 septembre.
Depuis une loi de 1998, les salariés qui ont été exposés à l'amiante peuvent partir en préretraite. Ils bénéficient alors d'une allocation de cessation anticipée d'activité (Acaata), correspondant à 65% de leur salaire.
En mai 2010, la Cour de cassation avait reconnu un préjudice d'"anxiété", qui porte sur l'angoisse que vivent au jour le jour les travailleurs exposés à l'amiante. De son côté, dans son arrêt de 2011, la cour d'appel de Paris avait décidé d'indemniser un préjudice découlant du "bouleversement des conditions d'existence", en considérant que l'angoisse d'être un jour atteint d'une pathologie grave "ampute les projets d'avenir".
Le vice-président de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), Michel Parigot, estime que les décisions de la Cour de cassation ont le mérite d'"installer le préjudice d'anxiété dans le paysage". "La Cour de cassation ne conteste pas l'existence de ce préjudice lié au bouleversement des conditions d'existence, mais elle demande à ce qu'il soit inclus dans le préjudice d'anxiété", a ajouté Me Jean-Paul Teissonnière, qui défend de nombreux salariés de l'amiante.
Pour Me Patrice Spinosi, qui défendait le régime de garantie des salaires (AGS), la décision marque au contraire "un point d'arrêt à la dérive de l'indemnisation du préjudice d'anxiété créé par les tribunaux qui offre déjà pour des salariés, pourtant indemnisés par l'Etat, un complément forfaitaire de 10.000 à 15.000 euros".
L'AGS a en revanche été déboutée sur un autre point et "condamnée, pour la première fois par la Cour de cassation, à garantir le préjudice d'anxiété des entreprises en liquidation judiciaire", a déploré Me Spinosi. "Le montant des demandes des contentieux en cours contre l'AGS, au titre du préjudice d'anxiété, devant les différents tribunaux français se monte, à l'heure actuelle, à 350 millions d'euros. Il augmente chaque mois de façon exponentielle", s'est-il inquiété.
Source : batirama.com