Investissements massifs, labellisation offensive, demande manifeste de circuits courts, nouveaux outils de réseautage : les fournisseurs français de bois d’œuvre n’ont jamais aussi bien montré les dents.
En général, les conférences du Forum Bois Construction ne se résument pas par une suite de pages de publicité offertes à des fournisseurs de systèmes constructifs en bois. Les sponsors premium adoreraient mais les congressistes s’en lasseraient bien vite. Une exception a été faite en 2019 avec la présentation de la stratégie ferroviaire de Binderholz.
Membre de l'équipe Bois-de-France, Lucis Haziza présente le nouvel outil Résobois. © Michel Laurent
De toute façon, les géants européens ne montrent aux forums que ce qu’ils veulent bien montrer. Les stations de recharge le long des autoroutes ressemblent fort au prototype de Bristol, mais on n’en sait pas plus. À Malmö, le leader européen est capable de prendre en main quasiment seul la construction d’une tour de bureaux. En France, Stora Enso propose des ouvrages complexes préfabriqués. Le monde du sciage évolue très vite et, couplé avec le mantra actuel du hors-site, risque de laisser sur le bord de la route tout ce petit monde du Forum Bois Construction : architectes, AMO, acousticiens libéraux, ingénieurs bois, négociants, charpentiers, constructeurs, …
Même pas peur
L’appareil de production bois vosgien était considéré depuis longtemps comme obsolète, au point de plaire à la frugalité, qui y trouvait encore des scieries familiales locales en circuit court. Il faut se rendre à l’évidence que les temps changent. Lors des sessions inaugurales du Forum Bois Construction à Épinal en avril dernier, Jérôme Martinez, animateur d’une équipe consacrée au label Bois-de-France, disposait d’une session entière de trois heures pour convaincre.
Maxence Lemaire explique l'arrivée de l'IA dans les scieries, on ne l'a pas encore aperçue plus en aval. © Michel Laurent
Il a choisi de mettre en avant des acteurs locaux comme la scierie Lemaire, la scierie Gaiffe et le constructeur Sertelet pour montrer comment des investissements récents, conséquents voire massifs, donnent un nouveau sens au circuit court. Le cas du Normand Manubois, bien connu du Forum, venait en complément pour la case feuillus.
Sélection Vosges
Dans l’un des coins les plus reculés des Vosges, Moussey, la scierie Lemaire s’est dotée d’une nouvelle ligne finlandaise et de tout un attirail de scans Microtec lui permettant d’affirmer que la scierie française est désormais entrée dans l’âge de l’IA. De fait, les outils apprennent pas à pas sur le tas à mieux qualifier les bois et les sciages. A la clé, selon la scierie Lemaire, le bois vosgien dûment scié n’a plus rien à envier aux autres. Ou, dit autrement, les sciages locaux n’ont plus les défauts d’antan, et profitent d’autant plus de leur situation en circuit court.
Guillaume Sertelet fait plutôt de l'intelligence réelle. © Michel Laurent
Chez Gaiffe, également membre du même réseau Sélection Vosges, le discours est voisin : l’entreprise était sur le point d’arrêter sa scierie au profit de la seconde transformation et finit par investir la coquette somme de 60 millions d’euros pour disposer en seconde transformation de ses sciages propres hors pair. Il se passe quelque chose dans les Vosges et le Forum organise avec FIBois Grand Est une visite de la scierie Gaiffe dans le cadre traditionnel des visites du Forum, habituellement concentrées sur des réalisations architecturales.
Le risque maîtrisé de Sertelet
Au Forum, on attend la présentation de l’équipement tourillonné de l’entreprise locale Sertelet depuis 2019. Désormais, l’installation est parfaitement rodée. Il y a plus de dix ans, l’entreprise Bois du Futur, germe de Woodeum, s’était inspirée de l’approche du suisse Tschopp pour proposer en France du CLT sans colle, mais un chantier malencontreux à Rennes avait fini par tout bloquer.
Les visites de chantier du Forum se sont doublées pour la première fois de visites d'usines, notamment Gaiffe et Pavatex. © Michel Laurent
Cette fois, on comprend que le fabricant de machine suisse Technowood a réussi à développer des portails efficaces pour la production de panneaux massifs qui tiennent grâce à des tourillons en hêtre. Une dizaine d’acteurs européens bravent la déferlante du CLT avec cette solution sans colle alternative, dont Sertelet en France qui utilise ces panneaux pour des constructions qu’il contrôle de bout en bout. À la clé, on obtient la possibilité d’une première transformation locale de bois des Vosges et de hêtre, une transformation locale en panneaux sans colle et une construction bois en circuit court bénéficiant d’une empreinte carbone sans commune mesure.
La construction biosourcée du Grand Est en pleine dynamique
On est donc bien, dans la session 3.1, dans le sujet du stockage de carbone. Ce qui manque encore, c’est une parfaite intégration de la production locale dans la construction bois du Grand Est, mais les prémisses sont assurées. Frugalité, bilan carbone et défense des scieries françaises se conjuguent pour que la région Grand Est devienne le modèle français de la construction biosourcée, avec l’appui d’une école d’ingénieur comme l’Enstib, et un pacte bois biosourcé porté par FiBois Grand Est qui fait l’unanimité.
Source : batirama.com / Jonas Tophoven © Michel Laurent