Le solaire thermique demeure le parent pauvre des énergies renouvelables. Pourtant, il offre le meilleur rendement et le plus grand nombre d’usages dans le logement, le tertiaire, l’industrie et l’agriculture.
La chaleur solaire, c’est de l’autonomie énergétique pour les ménages et les entreprises, comme pour notre pays. Développer significativement la production de chaleur solaire, c’est réduire le pouvoir politique et militaire dont la puissance repose sur la production d’hydrocarbures gaz naturel et pétrole. Quadrupler la chaleur solaire en France, c’est aussi l’objectif du syndicat Enerplan. Cela signifie passer de moins de 1,5 TWh en 2021 à 6 TWh par an en 2030. Cela passe par le développement des usages de la chaleur solaire.
Il faut combattre sans merci les idées reçues – c’est pas rentable, ça ne marche pas, etc. – qui sont très présentes parmi les maîtres d’ouvrages, bon nombres de concepteurs et d’entreprises et agissent comme une contre-prescription du solaire thermique. © PP
Des obstacles réglementaires
En construction neuve, le fait que le RE2020 valorise peu la chaleur solaire n’aide pas. Comme le rappelait Enerplan, lors de la journée solaire thermique du 24 juin, pour le solaire sur bâtiment, les zones sous l'égide de l'ABF (Architecte des Bâtiments de France) posent un défi majeur, l'installation de panneaux solaires y étant systématiquement refusée, privant une part importante de la population de cette technologie. En ce qui concerne le solaire au sol, la loi ZAN limite l'accès aux terrains nécessaires. Cette loi, qui vise à réduire l'artificialisation des sols, manque de clarté concernant les énergies renouvelables et ne prévoit pas de dérogations pour le solaire thermique, contrairement au photovoltaïque.
De nombreuses installations solaires thermiques en copropriétés sont abandonnées et dégradées. © PP
Abandon et non-entretien des installations
Dans l’existant, la situation est telle que l’ADEME a imaginé un programme d’aide à la remise en état des installations solaires thermiques existantes à l’arrêt ou faiblement productives. Nombre d’installations solaires thermiques existantes, notamment en copropriétés, n’ont pas été entretenues et ne produisent plus. L’ADEME finance le diagnostic et une partie des travaux de remise en état. Des entreprises, comme Monsieur Solaire, se spécialisent sur ce créneau délaissé de la maintenance des installations solaires collectives et obtiennent d’excellents résultats.
Le solaire thermique, c’est technique, mais c’est très rentable. © PP
Un écosystème prêt à croître
Pour les installations solaires thermiques en collectif, SOCOL constitue une mine de renseignements techniques, règlementaires et financiers. La France compte toute une série de fabricants de panneaux solaires thermiques. Viessmann est le plus important et produit à Faulquemont des panneaux solaires thermiques plats et tubulaires pour tout le groupe en Europe. Heliofrance est un fabricant français de kits solaires thermiques. GSE Integration se spécialise dans les systèmes de montage de panneaux solaires thermiques et photovoltaïques. Syrius Solar Industry fabrique des panneaux solaires thermiques pour le logement individuel, pour le collectif, l’industrie et le tertiaire et même des kits solaires thermiques en thermosiphon. SolisArt propose des solutions de chauffage et de production d’ECS à base de solaire thermique. Bref, notre pays est bien armé pour un redémarrage des installations solaires thermiques de toutes sortes.
Viessmann fabrique à Faulquemeont, près de Metz, des panneaux plans et tubulaires pour tout le groupe en Europe. © PP
Les usages du solaires thermiques
Selon Enerplan, en 2022, la France comptait un parc installé de 2,4 millions de m2 de panneaux solaires thermiques, 3,6 millions de panneaux solaires thermiques en service, dont 1,2 millions outre-mer. Le coût du MWH de chaleur solaire produit s’élevait à 135 – 200 # HT en toiture et 57 à 106 € HT au sol. La filière du solaire thermique comptait 3 000 emplois directs en 2021. Les installations solaires thermiques individuelles affichent moins de 10 kW de puissance en toiture des maisons individuelles. En collectif et en tertiaire, on trouve des installations de 10 kW à plusieurs centaines de KW en toiture. Notons en passant que le production d’ECS solaire est particulièrement rentable en hôtellerie, en tertiaire d’hébergement et dans les installations sportives. Enfin, trois nouveaux usages du solaire thermique se développent : en industrie, sur les réseaux de chaleur et en agriculture. Nous connaissons les usages classiques du solaire thermique depuis les années 1970 : production d’eau chaude et contribution au chauffage des locaux en logement et en tertiaire. Des entreprises innovantes, comme le français Ultimate Group, ont su mettre au point des offres de solutions solaires thermiques bien calibrées pour la maison individuelle. Depuis 2018, Ultimate Group propose sous la marque Orion Technologies, les CESI (Chauffe-Eau Solaire thermique Individuel) Suncompact, en s’appuyant sur le fabricant de panneaux GREENoneTEC et parvient à vendre plus de 12 000 CESI par an, un record. Depuis, Orion Technologies a élargi son offre à des SSC (Système Solaire Combiné) qui assurent chauffage et eau chaude sanitaire. Le succès de ces deux offres vient notamment de leur simplicité de mise en œuvre, du fait qu’elles sont compatibles avec les aides publiques à la rénovation énergétique.
Le solaire thermique en thermosiphon est la solution la plus courante en Europe du Sud. © PP
De nouvelles installations en industrie et en agriculture
La société Fengtech, créée en 2010 à Laval, a trouvé un nouveau créneau pour le solaire thermique en agriculture. Avec des solutions innovantes, protégées par sept brevets, Fengtech fournit des centrales solaires thermiques de nouvelle génération pour les professionnels ayant besoin d'eau chaude sanitaire en grande quantité ou de chauffage des bâtiments. L’entreprise bénéficie de nombreuses références – économiquement très rentables – en production de veaux de boucherie, porcheries, en élevages de vaches laitières, … leur technologie, à base de panneaux tubulaires sous vide, fonctionne en caloduc pour la production d’eau chaude, en aérosolaire pour la production d’air chaud pour des usages de séchage et de chauffage, ou bien en thermosiphon – leur système ETF2 – pour la production d’eau chaude et de chauffage avec un serpentin intégré dans le ballon solaire. Fengtech insiste sur le caractère rentable de leurs systèmes qui s’autofinancent grâce aux économies d’énergie. Pour certaines applications, leur solution ETF2 assure une autonomie énergétique durant 5 à 6 mois de l’année.
Fentech renouvelle la technologie du solaire thermique et l’applique avec succès en agriculture. © Fengtech
En industrie, nous vous avons déjà présenté plusieurs réalisations du français Newheat, dont l’usine Lactalis près de Verdun. Newheat conçoit, finance, fournit et assure l’entretien de grandes installations solaires thermiques au sol pour le chauffage urbain et l’industrie. © Newheat
Dernier secteur, la production de froid et la climatisation. Il existe au moins deux solutions pour produire du froid avec le soleil. La première consiste à alimenter les climatiseurs et groupes froids par des installations solaires photovoltaïques. Plusieurs exposants, dont GREE, proposeront à Batimat des systèmes alimentés directement par le courant continu issu des panneaux solaires. La seconde solution consiste à alimenter des groupes froids à absorption ou à adsorption par de la chaleur solaire thermique. Les industriels Chinois, dont Wang, sont les meilleurs dans cette technologie, mais il existe d’excellentes machines à absorption produites en Europe, notamment le danois Sabroe.
Voilà, le solaire thermique offre d’excellents rendements proches de 80 %, de nombreuses solutions techniques sont disponibles, la France compte un vivier d’excellents industriels. Il faut juste que la règlementation reconnaisse la juste valeur du solaire thermique, au lieu de créer des obstacles à son développement.
Source : batirama.com / Pascal Poggi