L’Île-de-France est la capitale européenne de la géothermie

La géothermie exploite la chaleur naturelle du sous-sol. Elle est particulièrement discrète, ne pollue pas et remplace facilement des chaufferies fioul ou gaz. Elle sait chauffer et rafraîchir.

Lors des rencontres franciliennes sur la géothermie le 16 octobre 2024, organisées par la Banque des Territoires et le collectif France Géoénergie, nous avons entendu une analyse exhaustive des réalisations et des projets de géothermie profonde en Île-de-France. Le collectif France Géoénergie est un cluster au sein de l’AFPG (Association Française des Professionnels de la Géothermie). En Île-de-France, la géothermie est très présente, tant en géothermie de surface (une profondeur de forage inférieure à 200 m), qu’en géothermie profonde, parfois jusqu’à 2 000 m.

L’Ademe Île-de-France a recensé 5 770 installations en fonctionnement en géothermie de surface, dont 80 opérations en résidentiel collectif et 340 dans le tertiaire et l’industrie, pour une production de chaleur renouvelable de 0,2 TWh en 2023. Ainsi que 57 installations en fonctionnement en géothermie profonde, dont 4 à l’Albien et au Néocomien et 50 au Dogger, pour une production de chaleur renouvelable de 1,9 TWh en 2023. On compte, d’après une étude de filière réalisée par l’AFPG et encore à paraître, en plus 27 projets de géothermie profonde en développement pour une production de chaleur de 1,1 TWh d’ici 2008. © Ademe IdF

 

 

Le déploiement de la géothermie en Île-de-France en fait la première région européenne, à la fois en nombre d’exploitations et en énergie produite, pour le déploiement de la géothermie. © PP

 

 

Albien, Néocomien, Dogger et Trias

Lorsqu’on parle de géothermie profonde, il faut vite apprendre et maîtriser des termes décrivant des âges géologiques dans le sous-sol. Entre 300 et 800 m de profondeur, se trouvent les aquifères du Lusatanien, de l’Albien et du néocomien, dont la température varie entre 20 et 40 °C. Plus bas, entre 600 et 1200 m de profondeur, les aquifères de l’Oxfordien sont entre 40 et 50 °C. Entre 1 500 et 1 800 m, les aquifères de Dogger affichent des températures entre 50 et 75 °C. Encore plus bas entre 1 600 à 2 000 m de profondeur, pas encore exploité, mais faisant déjà l’objet de projets de forage, se trouve le Trias avec des température de 70 à 90 °C.

Ces températures sont stables toute l’année et exploitables nuit et jour, sans aucune influence de la météorologie de surface. En gros, de l’eau à 50 °C suffit pour assurer le chauffage avec une système basse température, comme du plancher ou du plafond chauffant, voire des solutions à air chaud. En revanche, cela ne suffit pas pour produire de l’eau chaude sanitaire. Il faut alors augmenter la température avec des générateurs de chaleur : chaudières ou avec des pompes à chaleur géothermiques. Une pompe à chaleur géothermique n’exploite pas directement l’eau puisée dans le sol. Celle-ci est en effet souvent corrosive. Un échangeur de chaleur, placé entre le puisage et l’évaporateur de la pompe à chaleur eau glycolée/eau, chauffe l’eau glycolée qui alimente l’évaporateur de la pompe à chaleur. Si la géothermie profonde descendait jusqu’au Trias, aucun générateur supplémentaire ne serait nécessaire : entre 70 et 90 °C, l’eau pompées serait exploitable, toujours à travers un échangeur, pour produire chauffage et ECS. Il serait même possible de produire de l’eau glacée, pour alimenter des réseaux de froid urbain, en utilisant des pompes à chaleur à absorption. Ces machines produisent simultanément de l’eau chaude et de l’eau glacée et ont besoin d’un apport de température, souvent aux alentours de 80 à 90 °C, pour enclencher la réaction d’absorption. En Catalogne, le réseau de chaleur et de froid de Barcelone sont alimentés simultanément par des pompes à chaleur à absorption.

 

Il y a toujours un échangeur entre l’eau puisée dans le sol, même en cas de boucle fermée, et les générateurs de chaleur, le réseau de chauffage ou le réseau de chaleur ou de froid urbain. © PP

 

 

La région Île-de-France subventionne les opérations de géothermie. Valérie Pécresse, président de la région IdF, manie sans frémir le Dogger, l’Albien, etc. Elle souhaite même que des opérations apparaissent en IdF pour exploiter les aquifères du Trias : entre 1 600 à 2 000 m de profondeur, pour des températures de 70 à 90 °C et ainsi conforter la première place de la région en Europe en termes d’exploitation de la géothermie. © PP

 

 

La géothermie de surface sait aussi rafraîchir

La géothermie de surface remonte des températures stables, mais relativement basses, le plus souvent inférieures à 15 °C. Ce qui impose l’emploi d’une pompe à chaleur, mais permet aussi un rafraîchissement gratuit durant l’été : la pompe à chaleur renverse son cycle, collecte la chaleur des locaux et la dissipe dans le sol. Il est même possible de bypasser la pac pour, à travers un échangeur, rafraîchir directement les locaux en réchauffant le sous-sol. C’est une solution élégante, au rendement particulièrement élevé et qui évite toute dissipation de chaleur en surface : on ne réchauffe pas la ville pour rafraîchir les bâtiments. La direction générale de l’Énergie et du Climat, rattachée au ministère des Finances et de l’Industrie a d’ailleurs lancé un appel à programme, dans le cadre de l’élargissement des CEE, pour l’accompagnement à la mise en œuvre de solutions innovantes de rafraîchissement dans les bâtiments résidentiels ou à usage tertiaire reposant avant tout sur des ENR (Énergies Renouvelables). Les réponses sont attendues pour le 2 décembre 2024.

De nombreuses combinaisons sont également possibles entre la géothermie de surface et l’énergie solaire : déployer des panneaux photovoltaïques sur le bâtiment pour alimenter les pompes à chaleur en autoconsommation, ou bien associer le solaire thermique. L’AFPG et Enerplan viennent de proposer une feuille de route solaire thermique & géothermie. Les deux organisations ont même inventé une nouvelle désignation : ST-Géo. Elles proposent une douzaine d’action communes pour identifier les combinaisons possibles et communiquer sur leurs bénéfices.

 

Un forage géothermique peut s’avérer infructueux. Le fonds de Garantie géothermie, créé et alimenté par l’Ademe, pallie une partie de ce risque. © PP

 

 

Géoscan Île-de-France

De février à avril 2024, s’est déroulée une campagne de reconnaissance géophysique sur 110 communes d’Île-de-France, afin d’identifier leur potentiel géothermique. L’Ademe et le BRGM sont en train d’exploiter les données recueillies. Le but est de mettre à disposition des collectivités territoriales d’Île-de-France une sorte de répertoire des zones les plus favorables au développement de la géothermie profonde sur les différents aquifères : Oxfordien, Dogger et Trias. La présentation des résultats intermédiaires aura lieu de 19 décembre. Les résultats définitifs seront mis à disposition fin 2025. L’Ademe IdF a aussi développé la démarche ENR’Choix. C’est une sorte d’arbre des choix qui indique les actions à réaliser dans le cadre d’un projet d’abandon d’une énergie fossile au profit d’ENR dans des applications thermiques ou bien lors de la création d’une nouvelle installation. L’Ademe insiste en soulignant que le respect de cette démarche est un critère essentiel de sélection des projets dans le cadre des Appels à projets chaleur renouvelable, aidée par la Région IdF et le fonds chaleur. Le site internet ENER’Choix fournit des cahiers des charges d’études de faisabilité, des exemples d’opérations, … Enfin, au niveau national, l’Ademe a alloué 45 M€ au fonds de garantie géothermie en 2024. Ce qui assure une meilleure garantie du risque – il arrive que des forages ne donnent rien – et une indemnisation des études d’exploration en cas d’échec.

Enfin, en Île-de-France, l’Ademe IdF a accordé depuis 2009 :

– 448,3 M€ de subventions toutes les ENRR (énergies renouvelables et de récupération) et les RCU (réseaux de chaleur urbains) ;

– 130,7 M€ de subventions à la géothermique profonde, hors RCU, à travers le fonds chaleur, pour une production de 2,3 TWh ;

– 13,7 M€ de subvention pour le développement de la géothermie de surface, hors RCU, pour une production de 196 GWh.

 

Dans le bois de Boulogne, Celcius Energy va équiper quatre bâtiments en géothermie pour la Fondation Mansart, dont le château de Bagatelle. © Fondation Mansart

 

 

Trois chantiers de Celsius Energy dans des bâtiments historiques

L’un des avantages de la géothermie est son extrême discrétion, une fois le chantier terminé. C’est pourquoi cette solution a été retenue pour la rénovation énergétique de quatre bâtiments historiques situés dans le bois de Boulogne, dans le cadre d'un vaste programme de restauration mené par la Fondation Mansart. La solution retenue est celle de Celsius Energy en partenariat avec VINCI Energies dans le cadre d'un mécénat. Elle prévoit l'installation d'un système de géothermie de surface par Celsius Energy pour alimenter en chauffage et en climatisation quatre bâtiments emblématiques du bois de Boulogne :

– le château de Bagatelle, construit en 1777, classé monument historique,

– le Trianon, classé monument historique, et les sous-terrasses, construits en 1872,

– la Villa Windsor, construite en 1929, qui fut notamment l’ancienne résidence du général de Gaulle et du roi d’Angleterre Edouard VIII,

– la Villa Amelia, également construite en 1929.

 

La technologie de Celsius Energy a été choisie pour sa capacité à s'intégrer de manière discrète dans un EBC (Espace Boisé Classé) et des bâtiments classés monuments historiques du bois de Boulogne.

 

"La Fondation Mansart recherchait une solution vertueuse, rapide et optimisée pour ses monuments. Notre approche globale intégrant un pilotage intelligent de la performance ainsi que la disponibilité de nos ressources internes ont permis une prise de décision simple et rapide. De plus, notre solution de géoénergie sur sondes inclinées est particulièrement adaptée aux contraintes des bâtiments patrimoniaux car elle nécessite une emprise au sol divisée par 100 comparée à une solution de géothermie classique.", explique Cindy Demichel, co-fondatrice et CEO de Celsius Energy. © PP

 

 

Des performances énergétiques importantes

Celsius Energy pilote le projet de géothermie de surface depuis la conception jusqu’au pilotage des installations. La solution couvrira 94 % des besoins énergétiques du complexe en géoénergie, soit : 100 % des besoins en chauffage et climatisation des villas Windsor et Amelia, 83 % des besoins du château de Bagatelle et du Trianon. L'installation permettra en outre une réduction de 71 % de la consommation d'énergie finale pour le chauffage et une diminution de 89 % des émissions de CO2 par rapport au dispositif actuel, mélange de chaufferies fioul et gaz. Le projet comprendra environ quarante sondes – des boucles fermées dans lesquelles circule de l’eau glycolée –, atteignant une profondeur de 150 mètres, pour une puissance totale de 360 kW, l’installation de trois pompes à chaleur et les réseaux de chaleur nécessaires à la distribution entre les différents bâtiments. Le tout sera piloté via une plateforme numérique en ligne. L’établissement Valentin assurera l’exécution du génie climatique (CVC), dont l’équipement du local technique.

 

 

Un projet d'envergure pour la transition énergétique du patrimoine historique français

"Ce projet démontre que le potentiel de la géothermie va jouer un rôle décisif dans la transition énergétique de notre patrimoine architectural. Grâce à la technologie de Celsius Energy, nous pouvons concilier préservation du patrimoine et performance énergétique", souligne Albéric de Montgolfier, président de la Fondation Mansart. Le chantier, qui s’inscrit dans un plan global de rénovation, bénéficie du soutien de l'Ademe via le Fonds Chaleur et de la région Île-de-France. L’ensemble du projet de réhabilitation et de modernisation, d’un montant global de 8,7 millions d'euros, s’achèvera courant 2025 pour une réouverture progressive des différents bâtiments au public.


Source : batirama.com / Pascal Poggi

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