D'après le Cerema, qui a présenté une évaluation complète des ponts dans les petites communes, dont un quart de ces ponts nécessitent "des travaux de réparation à brève échéance".
Le Cerema, un établissement public qui accompagne les collectivités dans la gestion de leurs infrastructures, a présenté jeudi 21 novembre 2024 une évaluation complète des ponts dans les petites communes, dont un quart nécessitent "des travaux de réparation à brève échéance".
En France, le réseau routier compte 1,1 million de kilomètres, dont 700 000 km relèvent des communes qui peinent parfois à entretenir ce patrimoine.
63 180 ouvrages du réseau routier communal ont été recensés et évalués en trois ans
"Pour la première fois en France, 63 180 ouvrages du réseau routier communal ont été recensés et évalués entre octobre 2021 et octobre 2024", a annoncé le Cerema, qui a présenté ses travaux lors du salon des maires de France.
63 180 ouvrages du réseau routier communal ont été recensés et évalués entre octobre 2021 et octobre 2024. © Laure Pophillat
L'établissement public a remis un "carnet de santé" des ponts et murs de soutènement aux maires des 14 809 communes concernées, toutes de moins de 10 000 habitants. D'après l'étude, 24 % des ponts et 40 % des murs sont en bon état. Toutefois, 25 % des ponts et 14 % des murs "présentent des désordres structuraux significatifs ou majeurs". De fait, ils "nécessitent des études plus approfondies puis des travaux de réparation à brève échéance", avance l'établissement.
La majorité de ces infrastructures, entre 100 000 à 120 000, sont sous la responsabilité des départements, et 80 000 à 100 000 des communes et des intercommunalités.
Un tiers des ponts présentent au moins un défaut
Un peu plus d'un tiers (36 %) des ponts "présentent au moins un défaut" et il est recommandé d'effectuer "des travaux d'entretien d'ici 5 à 10 ans". Le Cerema affirme aussi que "5 % des ponts et murs présentent des problèmes de sécurité du fait de désordres graves sur la structure avec préconisation immédiate de limitation de tonnage ou de fermeture". C'est notamment ce qui est arrivé au pont de Theillet, à Tarnac (Corrèze), cité en exemple et fermé en avril 2023 après une inspection d'un bureau d'étude, mais qui a pu bénéficier d'une subvention de près de 200 000 euros (sur 330 000 euros de travaux) pour être remis en état.
Le pont des Cévennes qui s’est effondré le 18 mars 2024 enjambe la rivière Luech, sur la D906, aurait pu être fatal : une balayeuse a été entraînée dans sa chute, et son chauffeur a été blessé. © Sapeurs-pompiers du Gard
Un programme de financement a été lancé il y a un an pour venir en aide aux communes dans la réalisation de ces travaux. Il a été doté de 55 millions d'euros, dont 16,6 millions ont déjà été attribués pour 42 ouvrages en cours de travaux et sept entièrement rénovés. "Le Cerema estime le coût annuel de l'entretien et de la maintenance des 63 180 ouvrages recensés à 140 millions d'euros". Il faudrait au total 3,3 milliards d'euros pour remettre en état ce patrimoine, "dont 740 millions d'euros pour les ouvrages nécessitant une action immédiate", selon le Cerema.
De précédentes études déjà alarmantes
Le 14 août 2018, l'effondrement du pont Morandi de Gênes, en Italie, qui avait causé la mort de 43 personnes, est encore dans toutes les mémoires. Une question avait alors surgie chez nos élus, qui s'étaient demandés si une telle catastrophe était possible en France. Une mission d’information avait alors été lancée et un rapport, publié en juin 2019, était déjà alarmant : non seulement la France n’était pas en mesure de connaître le nombre précis de ponts routiers sur son territoire (entre 200 000 et 250 000), mais un sur cinq nécessitait des travaux, et un sur dix des travaux urgents ...
Ce rapport avait aussi été pour beaucoup l'opportunité de découvrir que les ponts en béton n'étaient pas indestructibles, et même de se rendre compte avec stupeur et tremblements que leur durée de vie était plus courte (limitée entre 70 et 100 ans) que celle des ponts de pierre de l’époque romaine.
Le phénomène de carbonatation, soit l’action du gaz carbonique contenu dans l’air, fragilise les ponts en béton au fil des ans. De même, les ponts en métal se corrodent sous l’effet de l’eau. Les phénomènes climatiques (canicules, pluies diluviennes et crues) provoquent la dilatation et la rétractation des matériaux. Les ponts en pierre, parfois jointoyés à l’argile, sont ainsi également fragilisés, même s'ils durent presque deux millénaires, comme ici le pont du Gard (30). © Laure Pophillat
En 2022, le Sénat publiait un nouveau rapport, précisant que la dégradation des ponts s’était accentuée : un sur quatre nécessitait désormais des travaux, bien qu'il soit à noter que pour les petites communes, les moyens manquent cruellement. Selon les conclusions de 2019, l’État devait injecter 130 millions d’euros par an durant dix ans pour aider les collectivités à rénover leurs ponts. Or, entre 2020 et 2023, seulement 40 millions d’euros ont été mis dans le Programme national ponts, mis en œuvre par le Cerema.
Aujourd'hui, un peu plus d'un tiers (36 %) des ponts "présentent au moins un défaut" ...
Et en mars dernier, l'Europe, qui n'en est pas à une absurdité près, avait dit oui à l'arrivée sur nos routes des mégacamions de 60 tonnes (contre 40 autorisées aujourd'hui) de gros transporteurs qui augmenteraient encore le tonnage circulant sur les ouvrages d’art et dont on sait pertinemment que beaucoup de ces derniers, évidemment, n’ont pas été conçus à leur époque pour supporter le poids des véhicules qui les franchissent actuellement.
Source : batirama.com / AFP / Laure Pophillat