Victime d'un trouble anormal de voisinage : vous pouvez agir en justice !

Un trouble anormal de voisinage est un trouble grave et continu suite auquel la victime peut demander en justice la cessation du celui-ci et des dommages-intérêts sans avoir à prouver la faute de l'auteur du trouble.

Un trouble anormal de voisinage est une nuisance qui dépasse les inconvénients normaux de la vie quotidienne. Il peut s'agir de :

– nuisances sonores (musique forte, bruits de machines, aboiement de chiens,...) ;

– nuisances visuelles (construction d'un mur qui empêche l'ensoleillement, amas de déchets visible,...) ;

– nuisances olfactives (odeurs de fumée, de poubelles, d'animaux,...).

 

Une personne subissant un trouble anormal de voisinage peut demander en justice la cessation de celui-ci ainsi qu'une réparation du préjudice subi s'il prouve le trouble mais sans avoir à prouver une quelconque faute de l'auteur du trouble.

 

 

 

Nouvelle loi reconnaissant le trouble anormal de voisinage

Le trouble anormal de voisinage est, à l'origine, une théorie qui découle des décisions de jurisprudence. Ainsi le droit de propriété est limité par le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage. Par exemple, les aboiements d'un chien, qui ont lieu continuellement, le jour comme la nuit, dès qu'une voiture ou un piéton passe, est un trouble anormal de voisinage (Cour de cassation, 3e civ., 6 juin 1972, n° 71-11.970). De la même façon, une haie de cyprès qui empêche d'avoir accès à la lumière directe du soleil occasionne un trouble qui dépasse les inconvénients normaux de voisinage (Cour de cassation, 3e civ., 20 décembre 2018, n° 17-15231).

La loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 a consacré le principe jurisprudentiel en introduisant le principe de responsabilité de plein droit fondée sur les troubles anormaux de voisinage (nouvel article 1253 du Code civil). Ainsi, dès que l'inconvénient anormal de voisinage est établi celui-ci suffit pour engager la responsabilité de celui qui est à l'origine du trouble même si ce dernier n'a pas commis de faute et qu'il est en règle vis-à-vis de la loi.

Toutefois, cette responsabilité ne peut pas être engagée lorsque le trouble anormal provient d'une activité professionnelle (entreprises,...) si cette activité est antérieure à l'installation de la personne se plaignant d'un trouble de voisinage et qu'elle est conforme aux lois et aux règlements.

 

La responsabilité de celui qui est à l'origine du trouble ne peut pas être engagée lorsque le trouble anormal provient d'une activité professionnelle (entreprises,...) si cette activité est antérieure à l'installation de la personne se plaignant d'un trouble de voisinage et qu'elle est conforme aux lois et aux règlements. © Daniele La Rosa Messina / Unsplash

 

 

 

Apprécier l'anormalité d'un trouble de voisinage

Comme avant la loi de 2024, c'est toujours le juge qui apprécie l'anormalité ou non du trouble.

 

Les critères des juges pour apprécier l'anormalité

L'anormalité du trouble ne peut pas s’apprécier en fonction de la seule perception des victimes. Elle suppose une continuité et une gravité qui rendent les troubles insupportables.

Qu'il s'agisse de bruits, d'odeurs, de fumée, d'une perte d'ensoleillement, etc, la localisation du trouble ainsi que le moment auquel il se produit, sa fréquence et sa durée sont importants. Par exemple, dans le cas d'une perte d'ensoleillement, les juges vérifient le nombre d'heures, les moments dans la journée (matin, après-midi,...) et dans l'année (mois, saison,..) et la superficie du terrain concerné par la perte d'ensoleillement.

Le juge détermine si le trouble est effectivement excessif dans un environnement précis (rural, citadin, résidentiel, industriel, touristique,...). L'appréciation du trouble anormal de voisinage en zone urbaine s'apprécie plus sévèrement par les juges. Par exemple, la construction d'un mur élevé par le voisin peut constituer un trouble anormal en zone rurale mais plus rarement en ville, où les murs élevés font partie de l'environnement.

 

 

Exemples de troubles anormaux

La persistance et la répétition de bruits et d'odeurs peuvent constituer un inconvénient anormal de voisinage. Ainsi, dans une décision concernant un atelier, les juges ont déclaré que "s'il est exagéré de qualifier d'insupportables des bruits et des odeurs émanant d'un atelier voisin, leur persistance et leur répétition altèrent et troublent les conditions d'occupation des locaux voisins" (Cour de cassation, civ 3e, 6 juin 1972, n° 71-11970).

Dans une autre affaire, il s'agissait de la pratique d'instruments (violon et piano) venant de la maison des voisins, musiciens professionnels, dont leur fils préparant un concours en jouant de longues périodes avec seulement des pauses très courtes. Cette gêne a été considérée comme excédant les inconvénients normaux de voisinage (Cour de cassation, civ 3e, 23 mai 2012, n° 10-19760).

 

 

 

Action en justice pour trouble anormal de voisinage : procédure, preuves et sanctions

Toute action en justice fondée sur les troubles anormaux de voisinage doit être obligatoirement précédée d'une tentative de règlement amiable avant d'être soumise au juge. La prescription de l'action en justice est de 5 ans, ainsi, toute personne estimant subir un trouble de voisinage dispose de 5 ans à compter de la naissance du trouble pour agir en justice.

 

 

Quelle preuve apporter ?

La personne (le demandeur à l'action) qui est, selon elle, victime d'un trouble anormal de voisinage n'a pas à prouver la faute de l'auteur du trouble mais doit prouver le trouble lui-même par tout moyen (témoignages, photos,...), par exemple, par le constat d'un commissaire de justice (anciennement dénommé "huissier de justice").

 

 

Que demander en justice ?

En principe, le demandeur demande l'obligation de faire cesser le trouble sous astreinte financière par jour de retard jusqu'à la cessation du trouble. La personne qui subit la nuisance peut également demander en justice réparation du préjudice en réclamant le versement de dommages et intérêts. Le montant de la réparation peut, par exemple, correspondre à la dépréciation vénale d'un bien immobilier affecté par les troubles évoqués. Dans la cadre des troubles anormaux du voisinage, il est souvent décidé d'une juste indemnisation.

 

Il peut également arriver que les juges prononcent la démolition de l’ouvrage litigieux, notamment lors d'une perte de vue et d'ensoleillement. © TF1

 

 

Toutefois, il peut également arriver que les juges prononcent la démolition de l’ouvrage litigieux. Ainsi, dans une affaire, des propriétaires se plaignaient de la vue gâchée et de la perte d’ensoleillement causées par la construction voisine en limite de propriété réalisée sur une longueur de 17 mètres et une hauteur de 4 mètres, pour une emprise au sol de 70 m2. Au lieu d’une vue dégagée sur les collines, les demandeurs avaient désormais une vue sur un mur de parpaings faisant de l’ombre à leur piscine. Il est utile de préciser qu'il s'agissait d'une extension dont le permis de construire avait été annulé. La Cour de cassation a déclaré que "la perte de vue et d’ensoleillement causée par une construction d’une extension voisine qui constitue un trouble anormal du voisinage peut entraîner la démolition de celle-ci, indépendamment de l’appréciation des règles d’urbanisme" (Cour de cassation, civ 3e, 20 octobre 2021 n°19-23233).



Source : batirama.com / Nathalie Quiblier

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