"Quand on abandonne le logement, on abandonne les Français !" : c'est la punchline bien sentie d'Olivier Salleron, la FFB s'attendant à ce que 100 000 emplois (filière BTP) soient détruits l'an prochain.
Ce mardi 17 décembre 2024, pour la "der. des ders" conférence de presse de l'année écoulée, la FFB (Fédération Française du Bâtiment) estime que l'activité du secteur devrait se replier de 6,6 % en 2024. Et Olivier Salleron de prévenir que si rien n'est fait le mois prochain, l'année 2025 va encore chuter de 14 %, rappelant qu'il "faut remonter aux années 50 pour avoir un nombre de constructions aussi faible" sur le logement neuf.
"On aurait pu intituler cette présentation +PLF pour le logement: encore raté+", a déploré Olivier Salleron, le président de la FFB. "Il y avait tout ce qu'il fallait dans la loi de finances pour redonner cet influx aux citoyens pour réinvestir dans la pierre", a-t-il ajouté, répétant qu'il est "dingue" pour lui de laisser les entreprises sans visibilité. "L'emploi s'est maintenu à un niveau très haut cette année, au détriment de la productivité" mais, sans mesures de soutien. © Laure Pophillat
L’incertitude politique et économique qui prévaut en France complique très fortement l’exercice de prévision 2025 : "en 2025, ce sera la grande glissade de l'emploi", prévient le président de la FFB.
En effet, après - 0,9 % en volume sur 2023, la production bâtiment abandonne 6,6 % en 2024 et la FFB prévoit à ce jour un nouveau recul de 5,6 % sur 2025. "Vous devez en avoir marre de ces courbes, mais tant qu'elles baissent, je ne peux pas ne pas vous les montrer", a tenu à préciser le président de la FFB.
Activité bâtiment : plus aucune amélioration en vue
Du côté du logement neuf
L’abandon du projet de loi de finances pour 2025 et des mesures en faveur du logement qui s’y dessinaient ne laissent guère d’espoir pour le logement neuf, même si la poursuite de l’amélioration des conditions de crédit immobilier permettra "de limiter la casse".
De fait, après avoir chuté à leur niveau de 1953-1954 (les plus bas niveaux depuis la Seconde Guerre mondiale) avec 250 000 unités en 2024, les mises en chantier de logement neuf tomberaient à près de 240 000 en 2025. Et le mouvement pourrait s'accentuer si rien n’est fait sur le plan budgétaire et concernant le ZAN : les permis de construire chuteraient alors de 15 % cette même année.
Une crise d’une telle ampleur, n’épargne évidemment aucun segment, ni individuel ni collectif, ni accession ni locatif, ni parc privé ni parc social, ni zones métropolitaines ni territoires ruraux.
Dans le non résidentiel neuf
La situation s’avère à peine moins mauvaise dans le non résidentiel neuf. Alors qu’une tendance à l’atterrissage se faisait jour ces derniers mois, la séquence "PLF-PLFSS et censure du gouvernement douche les espoirs". Après un plus bas historique (depuis 1986, au moins) à un peu plus de 20,1 millions de m2 commencés en 2024, la baisse se poursuivrait en 2025 avec un score un peu en-deçà de 19 millions de m2. Et, là encore, la baisse de 3,5 % des permis cette même année ne laisse pas prévoir de reprise avant début 2026, du moins à ce jour.
Si la production en logement neuf s’effondrerait de 14,2 % en 2025, celle en non résidentiel neuf, compte tenu de délais de réalisation globalement plus longs, chuterait de 15,0 %.
L'activité en amélioration-entretien
En 2025, seule l’activité en amélioration-entretien continuerait de croitre, au rythme modéré de 0,9 %, hors effet prix. Alors que la réforme ratée de MaPrimeRénov’ en tout début d’année a lourdement pénalisé le logement, la tendance s’inverserait en 2025 du fait de l’attentisme général des donneurs d’ordre professionnels, mais aussi de la petite dynamique introduite par le maintien des barèmes actuels de MaPrimeRénov’, sous réserve bien évidemment de conserver un régime de primes CEE favorable.
Évaporation de la productivité, risque pour les entreprises
Côté emploi, le constat se "limite" à 30 000 postes perdus en 2024. Dans l’immédiat, c’est une bonne nouvelle, par ailleurs confirmée par une casse limitée côté entreprises : les défaillances ne progressent "que" d’environ 25 % en 2024, retrouvant leur niveau de 2016, "assez bonne année en son temps" selon la FFB.
Toutefois, la question du risque de fragilisation des entreprises avec une masse salariale sans rapport avec le niveau d’activité attendu demeure. La FFB anticipe donc la disparition de 100 000 postes en 2025, du moins si rien ne change. De fait, le fragile exercice de prévision qui précède devra être révisé une fois voté la loi de finances pour 2025.
De l’urgence d’une loi de finances
La loi de finances, on y vient ( et on y revient). Sans action résolue et rapide, l’effondrement du secteur du bâtiment constitue une réelle menace. C’est pourquoi la FFB réitère sa demande qu’un projet de loi de finances soit urgemment voté en 2025 et qu’il reprenne au moins trois mesures ayant reçu un accord transpartisan dans les récents débats au Sénat :
– la réouverture du PTZ (Prêt à Taux Zéro) à tous les territoires et tous les types de logements (individuel et collectif) ;
– L'exonération pour un an des droits de succession/donation jusqu’à 100 000 euros au moins pour l’acquisition d’une résidence principale en neuf, tout en engageant un travail sur le statut du bailleur privé ;
– La baisse de la RSL (Réduction de loyer de solidarité) et le dégel de l’enveloppe d’aides à la rénovation énergétique du parc social.
En complément, la FFB demande que soit pérennisé le budget de MaPrimeRénov’ actuel, soit 4,2 milliards d’euros. Elle souhaite également que la politique de simplification administrative soit poursuivie, notamment en matière de règles et pratiques urbanistiques, mais aussi d’harmonisation des contrôles relatifs aux rénovations énergétiques aidés, ce qui permettrait d’en élargir le champ.
"J'aurais aimé que l'on se souvienne de moi comme autrement qu'un bouffeur de ministres du logement !" a conclu Olivier Salleron, désabusé, qui en a vu passer sept en quatre an et demi.
Pour la FFB, l'équation est basique. Mais pas pour le gouvernement ! © FFB
Source : batirama.com / Laure Pophillat